Le Burundi vit dans une vulnérabilité structurelle qui explique la situation nutritionnelle critique des enfants avec une prévalence élevée de la malnutrition chronique (57%), des maladies infantiles comme les infections respiratoires aigües (IRA), la diarrhée et la fièvre. Cela ressort d’une enquête nationale sur la situation nutritionnelle réalisée auprès de 46 districts
L’Institut des Statistiques et Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU) en collaboration avec ses partenaires a mené une enquête d’envergure nationale auprès de 46 districts sanitaires sur la situation nutritionnelle des enfants de moins de 5 ans. Les résultats de cette enquête donnent une topographie de la situation nutritionnelle du pays qui sert de référence au Gouvernement et à ses partenaires dans leurs interventions dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la nutrition.
La malnutrition aigüe n’est pas un problème de santé publique
Au Burundi, le taux de prévalence de la malnutrition aigüe est de 4,5%. La forme sévère est extrêmement rare (0,5% au niveau national). Les franges les plus affectées sont celles de 6 à 11 mois et de 12 à 23 mois. Elles sont plus touchées que leurs ainés de 24 à 59 mois. Certes la malnutrition aigüe ne constitue pas un problème majeur de santé publique, mais certains districts enregistrent malheureusement des taux élevés de malnutrition aigüe. Treize districts sanitaires sur les 46 districts qui ont fait objet de l’enquête présentent des taux se situant entre 5% et 9,5%. La distribution, selon le sexe, de la malnutrition aigüe globale montre que les garçons avec 5,0% sont plus affectés que les filles à 4,1%, révèle l’enquête.
Le taux de malnutrition chronique augmente de 1%
La prévalence de la malnutrition chronique est de 57%, soit une augmentation de 1 % par rapport à l’année passée. Donc près de 6 enfants sur 10 sont malnutris. Ce taux est de loin supérieur au seuil d’alerte de 40% fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Toutefois, les disparités entre les deux sexes persistent. Les garçons sont plus affectés que les filles avec 60,6% contre 53,4%. Les enfants de 24 à 59 mois et de 12 à 23 mois sont les plus affectés avec respectivement 61,4% et 60,7%. La tranche de 0 à 11 mois qui est la moins touchée atteint 37,9%. L’enquête démontre qu’à l’exception de la ville de Bujumbura (20,7%), toutes les autres provinces ont franchi le seuil de 50%.
La fréquence des maladies infantiles affiche une allure inquiétante
La malnutrition rend le corps vulnérable aux infections. Ce qui explique en partie la fréquence des maladies infantiles. Selon les résultats de cette enquête, la fréquence des maladies infantiles est très élevée. La toux est le symptôme le plus fréquent chez les nourrissons. Il a été rapporté que 55,5% des enfants ont souffert des maladies infantiles pendant les 15 jours qui ont précédé l’enquête.
Pour la fièvre, la fréquence nationale est de 47,6%. Nonobstant, cette donnée masque celles observées dans certains districts qui affichent des taux dépassant 70% comme c’est le cas à Kayanza et Vumbi. Enfin, 21% des enfants ont eu un épisode diarrhéique au cours des deux semaines qui ont précédé l’enquête.
Le taux de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans est de 0,38 décès pour 10 000 personnes par jour alors qu’il est de 0,20 décès pour 10 000 personnes par jour chez la population en général.
Qu’est-ce qui a été à l’origine de cette situation ?
D’après les résultats de l’enquête, cette situation préjudiciable à la survie et au développement de l’enfant est exacerbée par des chocs conjoncturels de plus en plus récurrents comme les crises alimentaires, les déficits pluviométriques, les déplacements de populations et les épidémies, apprend-on de l’enquête. En outre, la crise socio-politique de 2015 avec ses répercussions économiques et le phénomène El niño ont contribué largement à la détérioration de l’état nutritionnel des enfants, poursuivent les enquêteurs. Par conséquent, l’année 2016 a été particulièrement difficile pour les enfants au Burundi avec une insécurité alimentaire qui a touché 2.100.000 personnes avec des prévisions mauvaises pour la saison A en 2017, lit-on dans le document de l’enquête menée par l’ISTEEBU.
La société civile tire la sonnette d’alarme
Dans un communiqué de presse du 19 juillet 2018, Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME) regrette que le taux de prévalence de la malnutrition chez les enfants continuent à s’accroître. La pauvreté ne cesse de planer sur les familles. Et les maladies en profitent pour décimer les familles, car ces dernières ne peuvent pas satisfaire ne fût-ce qu’un besoin fondamental, à savoir : se nourrir. Pour lui, l’enquête de l’ISTEEBU vient confirmer les besoins humanitaires exprimés par l’agence onusienne de coordination des actions humanitaires (OCHA) qui estimait à un tiers de la population, le nombre de personnes en besoin d’assistance en 2018, soit une augmentation de 18% par rapport à 2016.
L’OLUCOME s’inquiète surtout des conséquences néfastes de la malnutrition. « La malnutrition sévère chez les enfants influe indiscutablement sur le développement normal de la personne humaine et le Burundi serait en voie de perdre progressivement son capital humain, qui participerait au développement socio-économique du pays », alerte-t-elle. Face à cette situation, l’OLUCOME demande au Gouvernement de favoriser les investissements en vue d’accroître la production nationale et de prôner une meilleure redistribution des ressources.
Malnutrition aiguë : La malnutrition aiguë est une forme de sous-nutrition. Elle est causée par une baisse dans la consommation de nourriture et/ou une maladie associées causant des œdèmes bilatéraux et/ou une perte de poids soudaine.
Retard de croissance (malnutrition chronique) : Le retard de croissance ou malnutrition chronique, est une forme de sous-nutrition. Il est le résultat d’épisodes prolongés et répétés de sous-nutrition.
Insuffisance pondérale : Elle est un indicateur qui se traduit par un faible poids par rapport à l’âge. Le poids-pour-âge est un indice nutritionnel qui reflète une combinaison des troubles de croissance aigus et chroniques. Elle est définie par le rapport poids-âge de l’enfant par rapport à une norme ou à une population de référence du même âge.
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