La vente illégale du café dans les provinces du nord du pays devient monnaie courante. Des quantités énormes transitant vers le Rwanda sont saisis ces derniers jours. Les prix aux producteurs faibles et le retard dans le paiement sont quelques facteurs à l’origine des fraudes qui se font dans la vente de cette culture qui rapporte beaucoup des devises dans les caisses de l’Etat
396 sacs contenant à peu près 27 tonnes de café parche frauduleux ont été saisis sur la colline Kigume de la zone Ngoro dans la commune de Gatara en province de Kayanza lors d’une fouille-perquisition faite le 25 mai 2022. Selon Isaac Niyingabira, procureur général de la République du Burundi dans la province de Kayanza, ces quantités de café ont été saisies dans 7 ménages de cette colline. La police de Kayanza a également saisi 3 machines dépulpeuses lors de cette fouille. « Celles-ci ont été utilisées pour dépulper les cafés cerises qui venaient être récoltés sur pied par la population ». En présence du gouverneur de cette province, ces cafés ont été remis à l’Office pour le Développement du Café du Burundi (ODECA) pour éviter la détérioration de la qualité. Deux suspects ont été appréhendés au moment où 7 autres sont encore recherchés selon toujours M. Niyingabira. Le procureur général révèle qu’une partie de ce café a été acheté clandestinement aux agriculteurs et une autre partie proviendrait des stations de lavage compte tenu de la qualité. D’où, la complicité des personnels des usines, dénonce-t-il. «Certains chefs d’usines des milieux environnants ont été arrêtés afin de s’enquérir de la manière dont les cafés provenant des stations de lavage ont pu arriver dans ces ménages», précise-t-il tout en ajoutant que des enquêtes approfondies sont en cours déterminer l’identité des fraudeurs.

396 sacs contenant à peu près 27 tonnes de café parche frauduleux ont été saisis sur la colline Kigume.
Des cas de fraude s’intensifient
Cette quantité de café fraudée est découverte à Gatara au moment où d’autres sont saisies ces derniers jours à la frontière burundo-rwandaise. Le 21 mai, plus de 10 sacs de café cerise et parche transitant vers le Rwanda ont été saisis dans la commune de Busiga de la province de Ngozi. Le 25 avril, la province de Kayanza a annoncé avoir saisi dans la commune Kabarore 25 kg de café cerise et 5 kg de café parche transitant vers le Rwanda. 300 kg de café parche transitant vers la même destination ont été saisis dans la même commune le 21 avril. 40 kg de café parche et 75 kg de café cerise transitant toujours vers le Rwanda ont été respectivement saisis le 20 et 19 avril dans la commune de Kabarore.
Des prix toujours insignifiants
Selon les caféiculteurs de Gatara, les prix encore faibles et le retard dans le paiement seraient les principales raisons de cette vente illégale de café. Même si le prix au producteur par kg de café cerise A vient d’être augmenté de 100 FBu (de 700 à 800 FBu), ce montant reste insuffisant pour les agriculteurs. Ils jugent ce prix largement faible par rapport au Rwanda où un kilo de café cerise reviendraient à 9 mille FBu.
« Le prix d’un kilo de café est actuellement inférieur aux prix d’un kilo de haricot, d’huile de palme alors qu’entretenir le café est un travail de combattant qui demande beaucoup d’efforts et de temps », se lamente T. H, cultivatrice de café. «Comme on le considère comme de l’or, qu’il le soit aussi pour les caféiculteurs», propose D. K, caféiculteur tout en demandant au gouvernement d’augmenter le prix du café jusqu’ à au moins à 1500 FBu.
Les caféiculteurs de Gatara informent également qu’ils sont payés tardivement. « Depuis avril 2022, on n’est pas encore payé. Si mon enfant tombe malade, je ne suis pas capable de recourir aux structures de santé pour le faire soigner », dénonce un autre cultivateur de café. Ils demandent d’être payés chaque semaine ou deux semaines.
Les pays voisins, les meilleurs offrants
Au Rwanda où transite le café fraudé, en 2022, le prix du kilogramme de fèves est officiellement fixé à 410 francs rwandais (0,4 $) contre 248 francs rwandais (0,24 $) un an plus tôt. Cette hausse de près de 65 % du tarif garanti devrait permettre d’améliorer le niveau des dépenses des producteurs dans les opérations d’entretien de leurs plantations et de stimuler la hausse des rendements des caféiers.
Ce qui est étonnant, c’est que le prix n’est pas si différent qu’il pourrait être la cause de cette hausse. Selon un spécialiste du secteur du café, le café provenant du Burundi serait vendu plus puisqu’il est réputé être un café de qualité.
Des efforts significatifs sont consentis
Le DG de l’ODECA reconnait que le secteur du café est important pour l’économie du pays et de la population. « Que la population sache que le café est parmi les premiers pourvoyeurs de devises et que ces derniers appuient dans la construction des infrastructures publiques notamment les routes, les hôpitaux, les centres de santé… »
Selon lui, depuis le retour de l’Etat dans le secteur du café, des efforts particuliers sont consentis pour rentabiliser cette culture notamment l’augmentation du prix au producteur. Actuellement, les agriculteurs touchent 800 FBu par kilo pour le café cerise A alors qu’ils touchaient 500 FBu en 2020. Le café cerise B est acheté à 400 FBu au moment où il s’achetait à 250 FBu.
Le gouverneur de Kayanza met en garde les caféiculteurs
Remy Cishahayo, gouverneur de la province de Kayanza exhorte les caféiculteurs à couper court avec la vente illégale du café et à l’acheminer vers les stations de lavage officielles. « Faites attention. Vous avez franchi la ligne rouge. Vous êtes en train de ruiner l’économie du pays. Demain, vous allez vous plaigner que les écoles, les routes, les centres de santé ne sont pas construits. Si vous êtes attrapés, vous allez être poursuivis par la justice et vous ne bénéficierez d’aucune miette de la quantité saisie ».
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