Les femmes, les jeunes et les personnes vivant avec un handicap sont minoritaires dans les organes de prise de décision au Burundi. Cela étouffe en quelque sorte leur contribution dans le développement du pays. Que souhaiteraient-ils trouver dans le prochain code électoral ?

« Il faut que les femmes aspirent aux postes de prise de décision ».
Selon le récent recensement général de la population burundaise, les jeunes représentent 65 % des citoyens burundais. Malgré ce taux majoritaire, certains jeunes regrettent de ne pas être suffisamment représentés dans les organes de prise de décisions, encore moins dans les postes électifs. Les causes sont entre autres le fait que souvent les jeunes ont une image infantile dans les yeux des autorités plus âgées. Ils les considèrent comme s’ils n’ont rien à partager suite à leur jeune âge. Cela fait que les jeunes soient écartés quand il s’agit de prendre de grandes décisions et parfois leur sort est décidé sans qu’ils soient consultés. « Pourtant, personne ne peut bien exposer les préoccupations et les contributions des jeunes mieux que ces jeunes eux-mêmes », regrette Didier Ndikumana, membre de Youth Impact Mission (YIM), une association qui promeut le leadership des jeunes.
Pour pouvoir accéder aux postes électifs, l’intégration dans les partis politiques est la voie la plus sûre. Certainement, car la plupart des postes de prise de décision exigent l’affiliation aux partis politiques. Comme l’explique Ariel Nsabiyumva, membre de YIM, le problème est que la plupart des jeunes n’intègrent pas les partis politiques par conviction. La situation financière précaire de la plupart des jeunes, fait qu’ils intègrent les partis politiques pour des intérêts personnels. Ceux-ci se retrouvent ainsi en train de jouer le rôle des « ibikoresho » des plus âgés de ces partis politiques. Mais quand il s’agit de partager les différentes responsabilités au sein du parti ou du pays, ces jeunes ne sont pas prioritaires. Le peu de jeunes qui ont le privilège d’accéder à ces postes sont tellement minoritaires que leurs voix ne partent pas très loin.

« il faut que les compétences des uns et des autres damnent le pion à leur appartenance ethnique et politique ».
Ces jeunes suggèrent leur intégration dans les différents postes de prise de décisions depuis la colline jusqu’au niveau national. « Cela faciliterait la canalisation des idées constructives et innovatrices dont disposent les jeunes. Cela permettrait également de répondre au vraies questions qui hantent les jeunes, car elles seront posées et expliquées par les concernés-eux même », trouve Alexis Dusabe de YIM. Une autre suggestion de ces jeunes est que les compétences des uns et des autres damnent le pion à leur appartenance ethnique et politique. Comme l’a fait savoir Noëlla Brunella Igiraneza, cela éviterait qu’il y ait des incompétents qui soient placés dans les postes de prise de décisions juste parce qu’ils appartiennent à tel ou tel autre parti politique ou à telle ethnie.
« Le quota minimal de 30% semble être devenu maximal »
Les femmes restent minoritaires dans les postes de prise de décision au Burundi. Parfois, elles n’atteignent même pas le quota de 30% proposé par l’accord d’Arusha. Un quota que madame Pélagie Gahungu, coordonnatrice de Burundi Leadership Training Program (BLTP) constate qu’il est devenu un quota maximal avec le temps. Dans les institutions exigeant la prise en compte du quota de 30 %, les chiffres actuels montrent que ce quota est plus ou moins respecté. On citerait entre autres l’Assemblée Nationale et le Sénat, où les femmes sont représentées respectivement à 41,5% et à 41 %. La représentation des femmes parmi les administrateurs et les conseillers communaux est respectivement de 36% et 33 %.
La situation est différente au niveau collinaire où le quota n’est pas de 30% pour la représentation des femmes n’est pas exigée. Les femmes ne représentent actuellement que 19 % des conseillers collinaires et n’ont pas encore tout à fait atteint 8% parmi les chefs de collines. Selon Mme Gahungu, cela montre que n’eût été l’exigence de l’accord d’Arusha, la représentation des femmes dans les différents postes de prise de décisions serait de loin inférieure à 30 %.
Malgré que les femmes commencent à intégrer les partis politiques, peu sont celles qui y occupent des postes de prise de décisions. « Certaines d’entre elles se contentent de danser et d’entonner les hymnes de ces partis politiques. Il faut qu’elles comprennent qu’elles valent plus que cela et osent briguer les postes stratégiques », fait savoir Mme Gahungu. Selon cette dame, il faut sensibiliser les femmes pour que celles qui adhèrent aux partis politiques puissent aspirer à faire partie des organes du parti depuis la base jusqu’au niveau national. Il faut également que les femmes qui sont déjà dans les postes de prise de décisions soient des modèles pour leurs paires.
A la veille de l’élaboration d’un nouveau code électoral, Mme Gahungu suggère aux organisations qui militent pour les droits de la femme d’être vigilantes pour que les nouveaux textes électoraux changent en faveur de la femme. « Il faut veiller également à ce que les femmes qui soient élues sont celles qui pourront mettre en avant l’intérêt général », propose-t-elle.
Les personnes vivant avec un handicap, ces oubliés de la constitution Burundaise
Rémy Ndereyimana est secrétaire exécutif de la fédération des associations des personnes handicapées du Burundi. Selon lui, les textes qui régissent l’inclusion des personnes vivant avec un handicap dans les places de prise de décision existent bel et bien. Les discours politiques ambitieux sur ce sujet existent aussi. Il regrette cependant que le problème réside au niveau de leur mise en application.

Les personnes vivant avec un handicap ont le droit d’élire dans la dignité.
M. Ndereyimana ne nie pas qu’il y a des personnes vivant avec un handicap qui sont dans les postes de prise de décision. Il précise que ceux-ci n’y sont pas en tant que représentants des personnes vivant avec un handicap. Selon lui, la convention des Nations Unies ratifiée le Burundi exige que les personnes vivant avec handicap soient représentées par ceux qui sont élus par leurs pairs et qui ne sont pas des militants des partis politiques. « Un militant travaille pour l’intérêt du parti tandis qu’un représentant des personnes vivant avec un handicap défend les intérêts des personnes vivant avec handicap », explique –t-il. Et d’ajouter que selon cette convention, ces représentants doivent provenir des associations des personnes vivant avec handicap, engagées dans la défense des droits de ceux-ci.
Il attend du nouveau code électoral la mise en place des mesures permettant aux personnes vivant avec handicap d’élire avec dignité. Il a cité entre autres le cas des sourds qui, par manque d’interprètes, n’accèdent pas à l’information que ce soit lors de la campagne électorale ou lors du vote. Il suggère également la mise en place des bulletins de vote avec brailles pour permettre aux aveugles d’élire avec dignité. Il faut également que les urnes soient accessibles aux personnes vivant avec handicap surtout ceux qui se déplacent sur les chaises roulantes. « On reconnait un gouvernement responsable par sa capacité d’inclure les catégories les plus vulnérables. Il faut qu’il se souvienne qu’il y a des catégories qui doivent être aidées pour être au même niveau que les autres », fait-il savoir.
Il appelle les personnes vivant avec un handicap à militer dans les partis politiques, à élire et à se faire élire. Aux responsables des partis politiques, il les appelle à ne pas écarter les personnes vivant avec un handicap de leurs formations politiques mais à leur donner l’opportunité d’exhiber leurs compétences.
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