Le système éducatif déverse sur le marché du travail une cohorte de jeunes diplômés. Tous ne parviennent pas à trouver de l’emploi gonflant ainsi le nombre de chômeurs. Le centre d’incubation de Buyenzi propose une alternative à ces jeunes en âge de travailler. Burundi Eco vous amène à la découverte de ce centre sous convention de l’Eglise catholique, qui apporte sa petite pierre à la lutte contre le chômage.

Paul Nkonji, directeur du centre d’incubation des petites entreprises de Buyenzi : « Tout ce qu’ils y apprennent est orienté vers la création de leurs propres entreprises. C’est pour cela que même si on leur enseigne la théorie, la pratique prédomine durant la formation »
Installé dans les bâtiments publics en contre bas de l’Eglise Vivante communément appelée « Chez David », le centre d’incubation des petites entreprises Inde-Afrique de Buyenzi regroupe les jeunes chômeurs pour les former et les inciter à créer leurs propres entreprises. C’est une initiative du gouvernement qui s’inscrit dans sa politique de lutte contre le chômage des jeunes diplômés. Il date de 2008, année du sommet Inde-Afrique. Ce pays asiatique avait promis aux pays africains de les aider dans la création de l’emploi.
Dans le cadre de ce partenariat, il a proposé la création d’un centre de formation professionnel. Le gouvernement du Burundi a affecté les bâtiments de Buyenzi à ce projet. C’est dans ce cadre que les machines ont été acquises depuis l’Inde. L’idée de départ était d’inciter les jeunes à user de leur force et mettre à profit les connaissances acquises pour créer leurs propres entreprises.
On leur apprend donc comment utiliser plusieurs types de machines qui servent à la fabrication des produits agroalimentaires comme le lait de soja, la sauce tomates, les biscuits, les spaghettis, l’huile d’arachides, etc. Mais il y en a d’autres qui servent à la fabrication d’autre produits manufacturés comme les bouteilles en plastique, les bouchons des bouteilles, les fils barbelés, les clous, la liste n’est pas exhaustive. Plus de 20 unités de production fabriquent différents types de produits. On leur apprend aussi des métiers comme la couture, indique Paul Nkonji, directeur de ce centre.
Les jeunes sont répartis en 3 filières
Le centre propose trois filières. La filière « Style et habillement » où les jeunes apprennent la haute couture. Dans cette même filière, ils apprennent aussi la fabrication des sacs à mains et des sacoches. Ensuite il y a la filière de transformation agroalimentaire et enfin la 3ème qui concerne la transformation industrielle. Il est important de signaler que dans ces différentes filières, tout ce qu’ils y apprennent est orienté vers la création de leurs propres entreprises. C’est pour cela que même si on leur enseigne la théorie, la pratique prédomine durant la formation.
Combien de jeunes bénéficient de ce projet ?

Longin Ntakarutimana, directeur technique du centre d’incubation des petites entreprises de Buyenzi : « Il était prévu que l’Inde envoie des techniciens après l’installation des machines pour former nos formateurs. Jusqu’à maintenant, ils ne sont pas encore venus. On ne peut pas former si on n’est pas formé soi-même »
Au début, seule une centaine de jeunes sont venus. En voyant les machines, certains pensaient qu’on voulait leur donner du travail. Quand on leur a expliqué que le centre servait uniquement à former les jeunes, certains sont partis. D’autres pensaient qu’on leur offrirait les machines à la fin de la formation, ceux-là ont déguerpi aussi. Dans la filière « Style et habillement » on a 21 jeunes. Dans celle de transformation agroalimentaire on en a 33, tandis que dans la transformation industrielle ils sont au nombre de 23. Au total, sur 100 jeunes qui s’étaient fait inscrire au départ, il reste 77 qui termineront la formation dans à peu près un mois.
Comment se font les inscriptions ?
Cette promotion est la première. On est passé par le ministère de tutelle qui a adressé une requête à l’Office Burundais de l’Emploi et de la Main d’œuvre (OBEM). C’est lui qui nous a envoyé les 100 jeunes à former, fait savoir M. Nkonji. Seuls ceux qui figurent dans le registre de l’OBEM en possession des cartes de chômeurs et qui sont diplômés bénéficient de cette formation. Nous nous attendions à des lauréats du secondaire, mais on a été surpris d’accueillir des universitaires. Nous avons eu de la chance, car l’Etat nous a accordé un soutien financier. Quant aux matières premières, elles ont été offertes par l’Inde. C’est pour cette raison que nous ne leur avons fait payer que les frais d’inscription de 10 mille FBu. Mais pour les futures promotions, peut-être que ça ne se passera pas comme cela.
Les lauréats apprécient la formation

Alexis Bizomenyimana, délégué de classe de la section « Style et habillement » : « Un tailleur qui n’a pas suivi cette formation a du mal à élargir ses horizons. Nous avons appris les procédures pour soumissionner en cas d’appel d’offre. On a appris également quelques notions de marketing »
Alexis Bizomenyimana est le délégué de classe de la section « Style et habillement ». Il se dit très satisfait de la formation qu’ils sont en train de terminer. Néanmoins, il demande aux autorités du centre de la prolonger de quelques mois pour que les jeunes diplômés chômeurs puissent avoir le temps de maîtriser certaines matières qu’ils ont survolées.
On n’apprend pas seulement la technique. A part ça, on nous enseigne comment créer et gérer nos propres entreprises après la formation. En plus, on nous inculque le sens de l’innovation. On apprend à anticiper suivant les besoins du marché. J’ai personnellement appris comment faire la feuille de devis et la feuille de débit qui permettent de bien planifier le travail. Je sais comment fidéliser la clientèle, déclare M. Bizomenyimana.
« On a appris également quelques notions de marketing »
« Au lieu de prendre beaucoup de commandes et ne pas les satisfaire, mieux vaut prendre celles qu’on est capable d’honorer. Au cas contraire, il faut augmenter le personnel et agrandir son entreprise tout en maintenant de bonnes relations avec les clients », indique M. Bizomenyimana. Un tailleur qui n’a pas suivi cette formation a du mal à élargir ses horizons. Nous avons appris les procédures pour soumissionner en cas d’appel d’offre. On a appris également quelques notions de marketing, fait savoir M. Bizomenyimana. S’ils possèdent des connaissances, les jeunes n’ont pas encore de moyens pour concrétiser leurs projets. C’est pour cette raison que le délégué de la section « Style et habillement » demande aux responsables du centre de les aider après la formation en les dotant de petits capitaux et de machines dans le but de lancer leurs propres entreprises.
Une formation pour formateurs s’impose
Il y a beaucoup de machines que les formateurs ne maîtrisent pas. Ils ont besoin de parfaire leur formation. Il était prévu que l’Inde envoie des techniciens après l’installation des machines pour former nos formateurs. Jusqu’à maintenant, ils ne sont pas encore venus. On ne peut pas former si on n’est pas formé soi-même, fait savoir Longin Ntakarutimana, directeur technique du centre. Ce projet d’incubation de petites entreprises est nouveau au Burundi. Nous avons besoin de visiter un centre modèle pour améliorer le fonctionnement du nôtre. En Ethiopie, en Egypte, au Mali, en Afrique du Sud, ce genre de centres existe. Il serait intéressant d’aller voir comment ça marche ailleurs.
Former les jeunes ne suffit pas
L’objectif du centre n’est pas de former les jeunes seulement. Nous voudrions qu’après la formation les jeunes se regroupent en coopératives où on continuerait à les suivre et à les accompagner. Le centre pourrait en outre les aider à créer leurs propres structures. Ça ne sert à rien de former un jeune qui ensuite retourne dans la rue. Nous avons approché les Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Coopération Technique Belge (CTB) et le gouvernement dans ce sens. Nous attendons que les promesses se concrétisent, indique le directeur du centre.
Travailler avec les privés
Dans le but de redynamiser les activités du centre, nous avons approché des entrepreneurs privés qui voudraient utiliser nos machines contre rémunération. Il faudra voir comment combiner la formation des jeunes tout en permettant aux privés de profiter de nos unités de production. Nous voudrions travailler avec des artisans qui pourraient nous aider en même temps à former nos jeunes. Les matières premières qu’on utilise sont extrêmement chères. Le centre ne pourra pas se les procurer dans le futur. L’entreprise TODHAC Burundi est déjà intéressée, souligne M. Nkonji.
L’Etat n’étant plus capable d’embaucher tous les jeunes diplômés, le centre d’incubation pour les petites entreprises de Buyenzi, malgré ses imperfections, est une bonne initiative dans la lutte contre le chômage des jeunes. Il devrait être mieux soutenu pour atteindre ses objectifs.
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