Dans le cadre de la consolidation de la paix entre les différentes composantes de la société du Burundi, depuis 2010, le gouvernement a mis en place 26 villages de paix à travers différentes communes du pays. La commune Gishubi de la province de Gitega en fait partie et son village de paix est de plus en plus dynamique malgré qu’il y ait toujours des défis à relever
« Dans le cadre de la politique nationale de villagisation, en 2010, la population de Gishubi a répondu massivement pour demander des parcelles dans le terrain disponibilisé par la commune pour bâtir des maisons répondant au projet de village de paix qui rassemble plus de 500 ménages. Ce projet a bien marché, car ledit village a été inauguré en 2012 et, actuellement, il ressemble à un centre urbain », fait savoir Tharcisse Nijimbere, ancien administrateur de la commune Gishubi entre 2010 et 2015. Selon cette ancienne autorité communale, la mise en place de ce village était inclusive. Tout un chacun avait le droit d’y bénéficier une parcelle à condition qu’il soit en mesure de construire une maison. L’Etat n’intervenait que dans l’octroi des tôles. Pas mal de personnes y ont construit des maisons, paysans comme fonctionnaires, commerçants comme autres opérateurs économiques.

Le village de paix de Gishubi est dynamique, mais les citoyens lambda ne s’y adaptent pas au même titre que les fonctionnaires.
Les citoyens lambda peinent à s’adapter
Les agriculteurs ont du mal à s’adapter dans ce village de paix. Certains d’entre eux ne peuvent pas abandonner leurs ménages qui se trouvent toujours sur les collines, leurs troupeaux ainsi que leurs champs pour aller s’installer finalement dans ledit village. Ils préfèrent rester à la campagne. « Je vis dans le village de paix depuis cinq ans et mon travail quotidien est le labour des champs. J’ai du mal à parcourir environ six kilomètres par jour pour aller cultiver sur ma colline d’origine, mais j’essaie de le faire même si ce n’est pas facile », confie la prénommée Triphose, une quadragénaire vivant dans ce village. Elle ajoute que ce ne sont pas tous les agriculteurs qui parviennent à parcourir quotidiennement une distance d’une dizaine de kilomètres pour travailler dans leurs champs.
Dans la plupart des cas, ils préfèrent rester sur la colline à proximité de leurs champs et leurs troupeaux. Les autres vivent à cheval entre la colline et le village de paix. Ils restent sur la colline pendant quelques jours pour labourer les champs et rejoignent le village pendant le week-end. Et d’autres qui disposent des moyens cherchent un travailleur qui doit rester sur la colline en vue de s’occuper de leurs biens, notamment le bétail.
Il y a également des propriétaires des parcelles qui avaient construit des maisons dans l’espoir d’en profiter la location. Ce qui n’est pas le cas, car elles ne sont pas beaucoup plus rentables malgré les millions de FBu mobilisés pour les bâtir. Par exemple une maison de trois chambres, clôturée et alimentée en eau et électricité est louée à plus ou moins 40 000 FBu par mois. Ces raisons figurent parmi tant d’autres qui poussent certains propriétaires à vendre leurs maisons à des prix parfois dérisoires. Une source anonyme affirme que même à moins d’un million de FBu on peut s’offrir une maison bien que certaines d’entre elles soient construites en matériaux durables. Elle ajoute que ce sont des fonctionnaires qui achètent ces maisons au détriment des paysans qui sont quasiment incapables de tenir dans ce nouvel environnement.
A ce sujet, Marie Chantal Nduwayezu, actuel administrateur de la commune Gishubi fait savoir qu’elle n’est pas au courant de telles transactions. Ceux qui achètent ou vendent des maisons le font probablement clandestinement, car cette opération n’est pas permise. Les parcelles octroyées dans le cadre de la politique nationale de villagisation ne sont pas vendables. Pourtant, l’article 19 du Décret n°100/143 du 19 septembre 2018 portant statut des parcelles des villages de développement stipule que la parcelle du village aménagé sur les terres domaniales reste un patrimoine de l’Etat pendant 15 ans. Pendant cette période, personne n’a le droit de la vendre ou de l’acheter ni de vendre ou d’acheter la maison qui y est construite.
Une villagisation semi réussie
A l’instar du village de paix de Gishubi qui se trouve dans la zone Nyabiraba, M. Nijimbere souligne que la commune avait l’ambition que toutes ses trois zones disposent chacune d’un village moderne. Mais dans la zone de Mugaruro, cela n’a pas bien marché. On a octroyé des parcelles, mais la population n’a pas pu avoir suffisamment de tôles accordées par l’Etat, car le projet a été interrompu. C’est la population elle-même qui s’est débrouillée pour finaliser les maisons. En plus de cela, les gens qui ont des lopins de terre le long de la RN16 ont eu l’avantage de construire une maison pour bénéficier enfin des tôles de la part de l’Etat. Cela s’inscrit toujours dans le cadre de la villagisation et permet à la population locale d’avoir des habitations décentes.
Selon toujours M. Nijimbere, le village de paix de Gishubi a réussi, car ce ne sont pas que les natifs de cette commune qui y vivent, mais également des ressortissants des communes voisines (particulièrement Ryansoro et Nyarusange). Il est doté d’infrastructures publiques importantes tels que les écoles, le marché, les structures de soins, des institutions financières, les adductions d’eau, etc. Malgré tout, les défis persistent. Par exemple, le projet de l’énergie solaire qui visait l’électrification de ce village s’est arrêté avant qu’un grand nombre de ménages ne disposent des plaques solaires et de matériels connexes pour s’alimenter. Et les poteaux de la Regideso qui s’y trouvent ne couvrent qu’une petite partie. Ce qui fait que pas mal de ménages ne sont pas connectés à l’électricité. Il y a aussi un manque de terrains de jeux excepté pour le football.
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