Commerce

Corridor Central Versus AFAB : Le commerce transfrontalier, une vache laitière pour accroître le PIB

Une centaine de femmes commerçantes transfrontalières membres de l’Association des Femmes Entrepreneures du Burundi (AFAB) ont été formées sur le régime commercial simplifié grâce à l’appui du Corridor Central. Cela en dates du 6, du 8 et du 9 novembre 2022. Le passage de l’informel au formel de ces femmes leur permettra de contribuer non seulement au développement de leurs ménages, mais aussi au développement du pays

Immaculée Nsengiyumva, secrétaire générale de l’AFAB : : « Les commerçantes transfrontalières qui font la fraude sont dans l’informel. Il est difficile pour elles d’avoir accès aux crédits. Pire encore, elles ne peuvent pas participer dans la passation des marchés publics ».

    

« J’ai failli être tué alors que je pratiquais la fraude des pagnes », déplore Fride Ndagijimana, commerçante transfrontalière résidant à Rumonge au Sud-Ouest du pays.

Quinquagénaire et mère de sept enfants, elle témoigne qu’elle a été sauvée parce qu’elle savait prononcer «Magimbi , qui veut dire colocases en Kiswahili parlé en Tanzanie. «Dans le cas contraire, si j’avais prononcé « Mahole » comme cela se dit en Kiswahili parlé en République Démocratique du Congo (RDC) ou en Kiswahili parlé au Burundi, j’aurais été fusillée», témoigne-t-elle.

Mme Ndagijimana indique qu’elle fraudait les pagnes du Burundi vers la Tanzanie. Pour les transporter, elle les mélangeait avec les colocases dans un sac.

Un jour, avoue-t-elle, j’ai pris un boat. « Au lieu de nous embarquer sur les rives du lac, il nous a laissé presque au milieu du lac. Pourtant, c’était une heure du matin. Je devrais transporter un sac rempli de colocases et de pagnes. J’ai fait des manœuvres pour atteindre les rives. J’ai transporté ce sac malgré sa lourdeur. Moi et mes collègues sommes passés près d’un camp militaire où nous avons failli être fusillés. Dieu merci, nous avons continué le chemin », raconte-t-elle avant d’annoncer qu’elle avait loué un stand au marché de Kigoma en Tanzanie. 

C’est là où elle a déposé ces articles qui par après ont été bouffés par ses collaborateurs.

Béatrice Siniremera, veuve, mère de 3 enfants habitant à Rumonge et commerçante transfrontalière notifie qu’elle a payé 7 millions 800 mille FBu d’amendes pour des marchandises d’une valeur de 600 mille FBu.

« Je collaborais avec des hautes personnalités. Ceux-ci transportaient nos articles en provenance de la Tanzanie dans leurs véhicules. Saisis un jour, la personne qui les transportait nous a appelé par téléphone pour nous informer de la mauvaise nouvelle. C’est là où nous avons écopé des amendes », notifie-elle.

Les commerçantes transfrontalières confrontées à moult défis

Pulchérie Ahishakiye, quinquagénaire et mère de trois enfants fait le commerce transfrontalier entre le Burundi et la RDC. 

Elle indique que le petit capital dont elle dispose ainsi que les barrières non tarifaires sur la route Gatumba (RN4) déstabilisent les commerçantes transfrontalières. Par exemple, atteste-t-elle, pour arriver à la frontière à Gatumba, on passe sur trois barrières.

Immaculé Nsengiyumva, secrétaire générale de l’AFAB confirme que les femmes commerçantes transfrontalières qui s’adonnent à la fraude s’exposent. « Une fois attrapées, le risque est qu’elles perdent parfois même le capital avec la probabilité d’être tuées, car elles font la fraude souvent pendant la nuit », martèle-t-elle.

Mme Nsengiyumva précise que les fraudeuses font une concurrence déloyale à ceux qui travaillent dans le formel. 

Par ailleurs, ces femmes sont pour la plupart du temps en désaccord avec les chauffeurs qui les exigent des frais exorbitants pour le transport des marchandises frauduleuses.

Et de reconnaître : « Les commerçantes transfrontalières qui font la fraude sont dans l’informel. Il est difficile pour elles d’avoir accès aux crédits. Pire encore, elles ne peuvent pas participer dans la passation des marchés publics ».

Par contre, insiste-t-elle, lorsqu’elles travaillent dans le formel, elles augmentent le revenu des ménages surtout qu’elles travaillent en toute sécurité et tranquillité. Grâce aux taxes et impôts qu’elles paient, selon toujours Mme Nsengiyumva, elles participent au développement du pays. Celui-ci construit des hôpitaux, des routes, des écoles…dont les bienfaits retournent sur le citoyen. 

Le Corridor Central à la rescousse

Frank Ngoga, Chef du Département Douanes et Facilitation du Commerce au sein du Corridor Central, une organisation régionale regroupant le Burundi, la RDC, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda déclare que le Corridor Central œuvre d’arrache pied pour plaider en faveur de la réduction des barrières commerciales.

D’après lui, les frais inutiles imposés aux points de passage frontaliers, le temps de passage aux frontières et l’état délabré des routes freinent le développement du commerce transfrontalier.

« C’est pourquoi, le Corridor Central investit dans la mise en place des postes frontières à arrêt unique (OSBP), dans la réhabilitation et la construction des routes, du chemin de fer… », conclut M.Ngoga.

Un accord commercial entre le Burundi et la RDC pour promouvoir le commerce transfrontalier

L’assemblée nationale a adopté à l’unanimité ce mardi 13 décembre 2022 la loi portant ratification de l’accord commercial entre le gouvernement du Burundi et la RDC.

Pour Capitaine Dieudonné Dukundane, ministre des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements Sociaux qui a présenté le projet de loi, cet accord commercial concerne surtout le commerce transfrontalier effectué par des petits commerçants.

« Ceux-ci sont constituées de femmes et de jeunes qui exportent des quantités ne dépassant pas une valeur convenue de 500 USD par jour et par commerçant. Ainsi, les quantités exportées par ces opérateurs ne peuvent pas causer des pénuries », explique-t-il.

Capitaine Dukundane informe que ce qui est en train d’être fait pour le moment c’est que les associations et les coopératives des commerçants transfrontaliers identifiées sont mobilisées pour produire elles-mêmes les produits à exporter.

Et de renchérir : « Les droits de douanes et les tarifs préférentiels seront appliqués aux produits se trouvant sur la liste convenue et dont la valeur est supérieure à 500 USD. Ce qui n’empêche pas que les négociations vont continuer avec l’application de cet accord afin d’augmenter cette valeur ».

Une fois l’accord commercial entre le Burundi et la RDC appliquée, les droits de douanes et les tarifs préférentiels seront appliqués aux produits se trouvant sur une liste convenue et dont la valeur est supérieure à 500 USD.

La RDC, un grand marché

Le ministre des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements Sociaux rappelle que la population de la RDC est de plus de 90 millions d’habitants sur plus ou moins 11 à 12 millions de Burundais. Ce qui constitue un grand marché pour la production burundaise.

« La signature d’un accord commercial avec la RDC permettra de faire le commerce légal étant donné que l’étude de la Banque centrale et de l’Institut des Statistiques et Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU) de 2019 sur le commerce informel a montré que, seulement 10% rentrent par le commerce formel tandis que 90% disparaissent dans le commerce informel. C’est ainsi que la balance commerciale du Burundi avec la RDC est excédentaire », informe-t-il.

L’intérêt de cet accord, continue Capitaine Dukundane sont entre autres réduire les barrières commerciales tarifaires et non tarifaires, faciliter le commerce transfrontalier principalement pour les femmes à faibles revenus, élargir l’assiette fiscale, augmenter les exportations et créer des emplois en améliorant l’accès aux marchés…

Le Recos au profit du PIB

D’après Capitaine Dukundane, le Régime Commercial Simplifié (RECOS) peut relever le Produit Intérieur Brut (PIB), car il vient pour réguler le petit commerce transfrontalier. Celui-ci est constitué en grande partie d’une façon informelle surtout par les femmes et les jeunes.

Le caractère informel, selon toujours le ministre en charge des infrastructures, résulte des barrières de toutes sortes, barrières tarifaires et non tarifaires subies par les acteurs de ce commerce.

Et de faire remarquer : «Le régime simplifié va aboutir à l’élimination ou à la diminution de ces obstacles».

Il affirme que le RECOS contribue au relèvement du niveau de vie de plusieurs ménages et de la balance des paiements du pays. 

«En 2018, les échanges transfrontaliers informels s’évaluaient à 928 159 000 de FBu, les exportations représentant 275 773 000 de FBu et les importations 652 336 000 de FBu (cfr les données de la BRB de 2019). 

Ce commerce fournit aussi un revenu important aux producteurs des marchandises échangées, aux grossistes et employés des entreprises commerciales, aux vendeurs des services ainsi qu’aux transporteurs de ces produits », précise Capitaine Dukundane.

Et de marteler : « L’enquête sur le commerce transfrontalier réalisée par la BRB en collaboration avec l’ISTEEBU en 2018 montre que la RDC est le premier partenaire dans les échanges commerciaux, constituant ainsi une part de plus de 56% du marché, secondée par la Tanzanie avec 43% des parts ».

Le ministre en charge des infrastructures déplore que les données statistiques montrent que le commerce qui se fait entre les deux pays est pour la plupart informel. « La mise en œuvre de cet accord va favoriser l’augmentation du taux de croissance », rassure-t-il.

Notons que toutes les frontières que le pays partage avec la RDC sont actuellement régies par le règlement de la Communauté Est Africaine (CEA). On applique le Tarif Extérieur Commun (TEC). Les marchandises ne dépassant pas une valeur de 2 000 USD subissent une déclaration simplifiée.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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