L’épargne communautaire est perçue comme un antidote à la pauvreté extrême. Elle favorise la culture de l’épargne pour des millions de personnes hors circuit bancaire classique. Les communautés rurales s’autofinancent pour subvenir à leurs besoins élémentaires. Cependant, le régulateur du système financier tire sur la sonnette d’alarme. La Banque centrale vient de prendre des mesures restrictives à l’endroit de ceux qui opèrent en dehors du circuit bancaire.

Les associations de crédit et d’épargne des villages développent la culture de l’épargne, du crédit et renforce la cohésion sociale.
En décembre dernier, la rédaction du journal Burundi Eco a dépêché un reporter au Sud du pays pour réaliser des reportages sur le développement inclusif. Durant son séjour dans la province de Rutana plus précisément à Gihofi en commune Bukemba, il a pu échanger avec les membres des coopératives sur l’épargne communautaire.
D’après Mme Jéphrine Mpagazekumana, un quadragénaire a la tête de l’association « DUFASHE IMPFUVYI », les groupements pré-coopératifs participent au développements local. L’activité principale dudit groupement est d’épargner des petits montants à travers les cotisations des membres. Ces derniers cotisent entre 500 et 2 500 FBu par semaine. L’idée derrière est de combattre l’extrême pauvreté qui sévit dans les ménages. Ainsi, les membres de cette coopérative achètent à crédit l’huile. Ils ont deux semaines pour rembourser le montant dû. « Nous achetons un bidon de 20l que nous partageons équitablement avec tous les membres. Nous attendons que tout le monde rembourse avant de faire une autre commande. Chacun a deux semaines pour régler la facture », renseigne-t-elle.
Une association d’entraide
Ce groupement à vocation d’entraide investit également dans le développement agricole. Les membres sont souvent sollicités pour travailler dans les champs. Pour une demi-journée, chaque membre perçoit 1500 FBu quand il a travaillé pour un des membres de la coopérative alors que s’il embouchait un journalier, il paierait au moins 4 000 FBu.
La coopérative qui compte dans ses rangs 29 membres dont trois hommes vole au secours des orphelins. Chaque membre cotise 200 FBu pour venir en aide aux personnes vulnérables et aux orphelins. « A chaque rentrée scolaire, les élèves en situation d’indigence reçoivent un kit scolaire pour les encourager à poursuivre leurs études », fait savoir Mme Mpagazekumana.
L’union fait la force
Les coopérateurs se sont inspirés des discours de feu président Pierre Nkurunziza qui invitait de temps en temps la population à travailler en synergie pour s’auto développer. « De son vivant, il nous disait que c’est une grande perte de voir que les femmes ne sont pas regroupées en coopératives. Il ne cessait de sensibiliser sur les avantages de travailler en groupement, surtout en ce qui l’épargne et le crédit », se remémore la responsable de la coopérative DUFASHE IMPFUVYI qui jouit d’une expérience dans la gestion des coopératives. Elle fut membre d’une autre coopérative, mais elle a claqué la porte car la coopérative était caractérisée par une opacité dans la gestion des fonds.
L’union fait la force, dit-on. Les membres de la coopérative ont de quoi se réjouir. A la fin de chaque année, ils partagent le montant épargné, mais rien n’empêche celui qui est en besoin de financement de contracter un petit crédit remboursable moyennant un faible taux d’intérêt. A titre illustratif, quand on contracte un crédit de 10 000 FBu, on rembourse 11 000 FBu. Ce qui permet aux membres de la coopérative de subvenir à leurs besoins.
Pour une bonne gestion des fonds et une meilleure traçabilité, chaque opération est enregistrée dans un registre tenu régulièrement. La trésorerie verse chaque fois que de besoin sur un compte ouvert dans une microfinance de la place les cotisations. La président de la coopérative souhaite investir dans le petit commerce. « Nous envisageons mettre en place une boutique alimentaire au profit des membres de notre coopérative et de la population environnante. Ce qui permettra aux membres de la coopérative de s’approvisionner en denrées alimentaires », dévoile Mme Jéphrine Mpagazekumana. Leur ambition est de lancer un business rentable même si le budget fait toujours défaut.

En dépit des avantages susmentionnés, les SILCs et les tontines peuvent conduire à des cas de blanchiment d’argent, de vols ou aboutir à des conflits sociaux.
Un projet valise
Le modèle Village Savings and Loan Association (VSLA) est répandu à l’échelle mondiale, surtout dans les pays en développement. Depuis les années 1990, il aide des millions de personnes pauvres à accéder et à gérer leurs propres services financiers de base en toute indépendance et transparence. L’approche d’épargne communautaire est très récente. Elle a été largement vulgarisée par les Ongs œuvrant dans le développement communautaire au Burundi. Des groupements d’épargne communautaires ont été répertoriés sur l’ensemble du territoire.
L’épargne communautaire diffère étrangement de la microfinance. Au moment où les Institutions de Microfinance (IMF) mettent l’accent sur le crédit, les revenus générés par les intérêts constituent leur principale source de revenus. L’épargne améliore la gestion de la trésorerie des ménages et convient pour les communautés plus pauvres. D’ailleurs, personne ne s’est jamais plaint d’avoir trop d’épargnes.
Les tontines, un couteau à double tranchant
Ces derniers jours, la Banque centrale veut en découdre avec les circuits illicites d’épargne et de crédit. Dans un communiqué du 14 décembre 2023, la BRB a alerté le public sur l’existence d’activités illégales exercées à travers des systèmes frauduleux et des groupements de personnes souvent appelés « SILCs ». Le régulateur juge que ces activités illégales peuvent faire objet de poursuites pénales. La Banque centrale encourage le public à collaborer avec les institutions qui sont sous son contrôle.
Dans un entretien avec nos confrères du journal IWACU, l’économiste Diomède Ninteretse rappelle que les associations de crédit et d’épargne des villages développent la culture de l’épargne, du crédit et renforce la cohésion sociale. En dehors de ces crédits, indique-t-il, les gens discutent de leur vie au niveau des quartiers et des collines. En dépit des avantages susmentionnés, les SILCs et les tontines peuvent conduire à des cas de blanchiment d’argent, de vols ou aboutir à des conflits sociaux. Pour la Banque centrale, les flux financiers illicites fragilisent le portefeuille des institutions financières en gonflant la taille des créanciers non recouvrables. Pire encore, ils détériorent la confiance entre les agents économiques et les intermédiaires financiers officiels. Ce qui peut déstabiliser toute l’économie nationale.
Le modèle de l’Association villageoise d’épargne et de crédit (VSLA) crée des groupes d’épargne autogérés et auto capitalisés qui utilisent l’épargne de leurs membres pour s’accorder mutuellement des prêts. Généralement, ils comptent entre 10 et 25 membres et proposent des services d’épargne, d’assurance et de crédit autogérés dans les bidonvilles urbains et les zones rurales isolées.
Les études déjà menées sur cette approche montrent que le villageois est moins intéressé à diriger une entreprise qui a besoin de crédit pour se développer. Bien qu’ils bénéficient de prêts, la plupart des membres des groupes d’épargne (GS) sont réticents à prendre des risques et préfèrent généralement stabiliser les flux de trésorerie des ménages en épargnant plutôt que de contracter des emprunts qui comportent un risque d’endettement. En ce sens, les VSLA constituent un moyen efficace d’aider même les ménages les plus pauvres à gérer leur argent plus efficacement et à éviter de s’endetter. Le modèle offre de manière fiable les bons produits au juste prix et cela sur le pas de la porte.
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