Dans des sociétés post conflits, des discours humiliants sont utilisés par certains surtout pour protéger leurs positions et intérêts. Malheureusement, ces messages sont des vecteurs de violences interminables. Pour se prémunir contre les conséquences qui en découlent, le rôle des sages est important

Sylvère Ntakarutimana, chercheur doctorant, spécialiste des politiques de paix : « Proférer un discours dévalorisant ou deshumanisant est une façon de protéger les intérêts que procurent les positions qu’occupent certaines personnes dans les sociétés ». (Photo : Akeza)
Un discours humiliant, dévalorisant l’autre membre d’une communauté ou d’un groupe, c’est un discours qui vient créer une frontière entre les communautés en montrant sur le plan identitaire que tel groupe et tel autre a des différences essentielles, explique Sylvère Ntakarutimana, chercheur doctorant, spécialiste des politiques de paix. A partir du moment où on veut marquer la différence entre toi et l’autre, on développe ce genre de discours. Humilier l’autre pour le dévaloriser et lui montrer qu’il n’a pas de droits. Cela devient un peu marrant parce que lorsqu’on tient ce genre de discours, on construit des murs fictifs, opérationnels qui parviennent à diviser les communautés. Et lorsque les communautés sont divisées, elles sont toujours en tensions permanentes et se regardent en chien de faïence. Ensuite la guerre et les violences éclatent.
Au nom des intérêts des uns et des autres
Derrière les messages dévalorisants, il y a toujours une cause. Pour Ntakarutimana, les causes sont naturellement les intérêts. Des intérêts qui sont d’ordre matériel ou immatériel. Matériel dans le sens où il faut protéger les positions dans lesquelles les gens se trouvent. Immatériel dans le sens où sur le plan symbolique, il faut garder par exemple la respectabilité, être dans une position où on est toujours vénéré. Cela fait l’affaire pour beaucoup de personnes, ajoute-t-il. Proférer un discours dévalorisant ou deshumanisant est une façon de protéger les intérêts que procurent les positions qu’occupent certaines personnes dans les sociétés.
Les conséquences sont graves
Lorsqu’on tient un discours défavorisant, excluant l’autre et ne reconnaissant pas ses droits, c’est qu’on craint des conflits qui peuvent survenir de façon indirecte. Celui qui a été mis au bas de l’échelle ne supportera pas de rester éternellement dans cette position et devra à tout moment chercher à relever la tête, à s’émanciper et au besoin se révolter. « Et la révolte, la plupart des fois, passe par la violence », explique-t-il. Cette violence peut être lente au départ. Elle devient par la suite systématique et peut déclencher une guerre. Malheureusement, la guerre n’est profitable à personne. Que ça soit celui qui l’a déclenché ou celui qui la subit, tout le monde est perdant. « Tu déclenches la guerre aujourd’hui, mais tu ne sais pas comment elle va se terminer », commente-t-il.
Pire encore, lorsqu’un conflit se mue en une violence armée, on enregistre beaucoup de dégâts matériels, humains….
La société post-conflit est plus vulnérable
Les discours dévalorisants et humiliants sont souvent tenus dans des sociétés post conflits. Sylvère Ntakarutimana tente une explication : «Dans un contexte post-conflit, les esprits ne sont pas apaisés. Il y a toujours des cœurs qui sont blessés, des blessures qui rappellent les malheurs du passé». Malheureusement, en activant la matrice de la violence, on assiste à des cycles de guerres interminables.
La plupart des fois, ce n’est pas tout le groupe qui agit en masse en obéissant aveuglement à ces messages. Il y a des attitudes à adopter. Certaines personnes qui sont identifiables par leurs positions d’acceptabilité au niveau de la société peuvent avoir un point de dialogue pour ressouder les membres qui se regardent en chiens de faïence. Lorsqu’on donne la parole à cette catégorie de personnes, les autres les suivent aveuglement. La parole d’un sage a toujours été considérée au Burundi.
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