Education

L’enseignement des métiers dans l’impasse

Depuis la mise en place de l’école fondamentale en 2010 avec les réformes qui se sont opérées dans le système éducatif, les lauréats malheureux de la 9ème année de l’école fondamentale sont orientés dans l’enseignement des métiers. Cependant, les centres d’enseignement des métiers ne sont pas équipés et les enseignants ne sont pas qualifiés et encore moins suffisants. Les parties prenantes en débattent

La question était sur la table lors d’une synergie organisée par les radios Isanganiro, IZERE FM et REMA FM, deux médias de la presse écrite à savoir le journal Burundi Eco et le journal Iwacu et le collectif des blogueurs Yaga. Etaient invités dans ce panel Liboire Bigirimana, porte-parole du ministère de l’Education Nationale et de la Recherche Scientifique, Thacien Gashirahamwe, vice-président de l’association « Bafashebige », Joseph Ndayisaba, expert en éducation et David Ninganza, représentant des parents.

David Ninganza, représentant des parents dans cette synergie : « En soi, la politique est bonne, mais, c’est bien qu’elle soit comprise dès sa conception par les parties concernées qui sont les parents, les élèves… et qu’on mette en place un cadre de collaboration ».

Pourquoi ces centres d’enseignement des métiers ont été créés ? Combien de centres sont jusqu’ici construits ? Combien d’entre eux sont fonctionnels ? Combien de fonds alloués à leur fonctionnement ? Sont-ils bien équipés et avec un personnel professionnel et suffisant ? Combien de candidats ces centres ont déjà accueilli ? Combien de lauréats comptent ces écoles et combien d’apprenants abandonnent ? Et pourquoi certains centres ferment ? Qu’est-ce qui devrait être fait pour que ces centres donnent de bons fruits ? Tout a été presque dit.

Les CEM au secours des lauréats malheureux de la 9ème

Certains des Centres d’Enseignement des Métiers (CEM) sont fonctionnels depuis des dizaines d’années, d’autres ont été implantés avec la venue de l’école fondamentale.  Auparavant, les écoles professionnelles des métiers recevaient tous les élèves qui échouaient à l’école primaire en commençant par la 5ème année. Mais avec le nouveau système, les lauréats de l’école fondamentale ont été privilégiés. Les CEM qui accueillaient auparavant d’avoir échoué le concours de la 6ème année, accueilleront désormais ce qui ont échoué le concours de la 9ème fondamentale. Ainsi, les programmes modulés qui étaient sur trois ans ont été accélérés pour une formation de six mois dans les filières choisies par les communautés. Cela permet donc de délivrer des certificats à deux promotions par an.

D’après les directives du ministère de l’Education et de la Formation Technique et Professionnelle, les CEM accueillent les élèves qui ont échoué l’école fondamentale. Outre ces lauréats malheureux de l’ECOFO, les CEM accueillent aussi les recalés du système classique. Le ministère de l’éducation compte 104 écoles techniques, 216 Centres d’Enseignements des Métiers (CEM) et 4 centres de Formation Professionnelle(CFP) et 3 Centres de Formation et de Perfectionnement Professionnelle (CFPP).

Manque d’équipements et d’enseignants qualifiés se constate

A Cibitoke, l’enseignement des métiers souffre du manque d’enseignants qualifiés et de matériels. Célestin Havyarimana, conseiller provincial chargé de l’enseignement des métiers indique qu’il y a certaines écoles qui possèdent uniquement des directeurs. Il demande qu’au moment où le ministère veut recruter 1000 enseignants, ce secteur ne soit pas oublié.

A Ruyigi, parmi les filières préconisées dans les centres des métiers, beaucoup ne sont pas dispensées par manque d’enseignants qualifiés également. L’exemple typique est celui du CEM de Ruyigi qui dispense uniquement le métier de couture. La filière agropastorale a été contrainte de fermer par manque de personnel qualifié. Cependant, il avait été accordé à cette filière du bétail, mais ce centre a préféré garder les lapins et les chèvres. Les vaches et les porcs ont été placés dans les ménages. Même dans la filière couture qui est fonctionnelle, le directeur de ce centre évoque lui aussi le manque d’équipements nécessaires. Il indique que ce manque d’équipement est la cause du faible taux d’enregistrement des nouveaux élèves.

Joseph Ndayisaba, expert en éducation : « Il faut mettre sur pied une politique qui pourrait prendre cinq à dix ans qui donnera des directives à ces CEM. Ainsi les apprenants pourraient y intéresser ».

A Bururi, la situation est pareille. Au centre de Muzenga, commune Bururi, depuis son implantation à la fin de l’année 2017, il a déjà sorti une seule promotion. La directrice de ce centre indique que pour cette promotion, le centre a fait recours aux enseignants vacataires. Jusqu’à présent, aucun élève ne s’est inscrit dans ce centre. A part ces centres ci-haut cités, les autres ne sont que des épouvantails.

Au ministère, la porte-parole avoue qu’il y a un ça ne va pas mais que ces centres fonctionnent tant bien que mal.

Les CEM ne sont pas convoités

Il s’observe une faible fréquentation de l’enseignement des métiers et une faible capacité d’accueil des CEM par rapport aux établissements d’enseignement général. Les métiers sont négligés. Les élèves ne sont pas attirés par l’enseignement des métiers. Pour Gashiramwe, les pouvoirs décisifs devraient s’atteler à chercher la cause de ce désintéressement. Mais, pour lui, les raisons sont simples : l’absence d’équipements et d’enseignants qualifiés les découragent. Aussi, certains disent qu’ils s’attendaient à des métiers qui seraient vite rentables sur le marché du travail comme la couture, la menuiserie, … Mais le constant est que dans la filière agropastorale qui est un peu fonctionnelle comme à Kiremba ou à Muyinga ne sont pas convoités. Un des lauréats de cette filière à Muyinga dit qu’après sa sortie du CEM, il n’a pas changé de techniques agricoles. Les autres abandonnent en cours de formation puisqu’ils n’y trouvent pas de la valeur ajoutée.

Il faudrait refondre le programme

Pour David Ninganza, c’est une politique nationale qui manque. On demande aux communes de s’occuper de ces centres, mais on oublie qu’ils ont besoin d’être équipés techniquement. De là, on se demande celui qui a la responsabilité de supporter ces CEM, argumente-t-il. Il dénonce le fait qu’on donne le même ordre aux communes qui ne disposent pas les mêmes moyens financiers. Le porte-parole du ministère ne voit pas cela du même œil. Pour lui, il n’y a aucun mal qu’une commune soutienne le gouvernement, surtout que chaque CEM accueille les élèves de sa circonscription. « Le gouvernement ne peut pas résoudre tous les problèmes qui se remarquent dans le secteur éducatif. Les parents et les communes ont le devoir d’accompagner les missions du gouvernement », dit-il. Cela étant, chaque commune dispose de son propre CEM.

Le pays compte 104 écoles techniques, 216 Centres d’Enseignements des Métiers (CEM), 4 centres de Formation Professionnelle (CFP) et 3 Centres de Formation et de Perfectionnement Professionnelle (CFPP).

Mais la question qui se pose est de savoir comment le ministère et les communes collaborent en vue de la perfection de ces centres. David Ninganza fait savoir que vu que les communes n’ont pas les mêmes priorités, la tâche risque d’être compliquée. En soi, la politique est bonne, mais ce serait encore bien qu’elle soit comprise dès sa conception par les parties concernées qui sont les parents, les élèves… et qu’on mette en place un cadre de collaboration, conseille-t-il

Rien n’est encore perdu

L’expert, lui, met plus l’accent sur la formation dispensée dans l’école fondamentale. Il part du principe de l’ex- président de la République qui disait qu’aucun élève ne doit sortir de l’école fondamentale sans bagage suffisant qui lui permet de faire face à la vie. Il explique que l’allure qu’a prise l’implantation de l’école fondamentale devrait être celle prise par l’implantation des CEM. Le plan éducatif 2012-2020 prévoyait qu’en 2020, seuls 27% des élèves iront en post-fondamental, c’est-à-dire qu’on planifiait que le reste irait dans les CEM. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le professeur parle de plus de 60%.

Donc, pour lui, puisque l’Etat veut prendre les choses en main, il avertit que le trajet sera long. « Ce n’est pas un objectif à atteindre dans un an ou deux ans. C’est un long processus », dit-il. Il conseille de mettre sur pied une politique qui pourrait prendre cinq à dix ans qui donnera des directives à ces CEM. Ainsi les apprenants pourraient s’y intéresser.

Quoi qu’il en soit, l’enseignement des métiers soulève des inquiétudes quant à la performance. Pour certains parents, les programmes d’enseignement des métiers n’ont pas été bien élaborés pour dispenser des connaissances suffisantes. Les autres n’ont pas confiance en la capacité des formateurs. Les élèves, dans leur grande majorité, n’accordent aucune importance aux métiers. La plupart en ont même honte. Une psychologie qui préoccupe beaucoup de Burundais.

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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