Editorial

Inabordables prix des denrées alimentaires

La flambée des prix affecte le quotidien des Burundais. Depuis plus d’un an, nous assistons à une hausse généralisée et continue des prix des denrées alimentaires. Les chiffres publiés par l’Institut National de la Statistique du Burundi, ex-ISTEEBU font froid sur le dos. L’inflation alimentaire ne fléchit pas sur le marché.  «L’inflation annuelle atteint 28%. Cette augmentation des prix est tirée en grande partie par les prix des produits alimentaires et les prix des boissons non alcoolisées. Ceux-ci enregistrent une hausse de 40% entre février 2022 et février 2023», lit-on dans le baromètre des prix de l’Institut National de la Statistique du Burundi.

Benjamin Kuriyo, Directeur de publication

D’habitude, les prix devraient chuter pendant la période de récolte pour remonter au moins pendant la période de semis et de plantation. Ce qui n’est pas le cas. La situation qui prévaut fauche toutes les prévisions des économistes et les tendances des institutions de Bretton Woods. Aujourd’hui, l’inflation alimentaire est hors norme. Pour comprendre ce phénomène, il faut analyser de près l’environnement socio-économique du pays.   

L’interventionnisme de l’autorité dans la fixation des prix des produits de première nécessité a perturbé la commercialisation des denrées alimentaires. Avec l’opérationnalisation de la fameuse agence de gestion des récoltes (ANAGESSA) en 2021, la situation s’est empirée. Le prix du kilo du maïs sec qui coûtait 400 FBu à l’époque a monté jusqu’à 1300 FBu (février 2022) pour culminer une année après à 2000 FBu (février 2023). Par ailleurs, la collecte du maïs a ouvert la voie aux commerçants spéculateurs.

Ceux-ci se voyaient évincés de la chaîne d’approvisionnement des denrées alimentaires. Cela au moment où la constitution des stocks publics n’a pas contribuée à la stabilité des prix sur le marché. Par exemple, entre février 2022 et février 2023, le prix du haricot, supposé aliment de base pour les Burundais a connu une augmentation  de 133%.

Le gouvernement a tenté de réguler les prix des céréales, mais c’était trop tard pour stopper la flambée des prix. Les conséquences de la double crise de la pandémie de Covid-19 et le conflit ukrainien étaient déjà perceptibles avec l’augmentation des prix du carburant qui explose les coûts de transport. Ce qui se répercute sur le consommateur final. La société civile évoque également la démographie galopante. Donc, il y a beaucoup de bouches à nourrir alors que la production va decrescendo.

De plus, l’année 2022 qui a été déclarée comme une année agricole a été caractérisée par un manque criant de fertilisants pour la saison culturale A et B. Les aléas climatiques ponctués d’une part, par les pluies torrentielles ont accentué l’érosion du sol. Et d’autre part, la sécheresse prolongée dans les régions de Kumoso, Imbo et Bugesera a affecté le rendement agricole. A cela s’ajoutent, le manque et/ou la cherté de semences et la faible disponibilité des moniteurs agricoles pour encadrer les agriculteurs ce qui a remis en cause les efforts du gouvernement d’accroitre la productivité agricole.

Le pays devrait donc importer les denrées alimentaires pour satisfaire la demande de plus en plus croissante. Or, la pénurie des devises qui perdure a fragilisé l’économie nationale, une économie qui peine à s’en remettre des effets de la crise socio-politique de 2015. Sur ce point, le gouvernement et la société civile émettent sur les mêmes ondes. La crise économique résulte du désordre financier en matière de gestion des devises et la politique de refinancement. La société civile crie haut et fort à la mauvaise gouvernance qui gangrène le pays, notamment l’opacité autour de la gestion des devises et la gestion des finances publiques.

Sur le plan économique, l’hyperinflation plonge encore le pays dans une récession économique. Les consommateurs rationnent les achats. Leur préoccupation est d’avoir de quoi mettre sous la dent. Par contrainte budgétaire, ils s’en passent des achats d’autres articles (les habits, les chaussures, etc.). L’heure n’est pas à la mode !

Ainsi, l’activité économique tourne au ralenti. Des employés ne sont pas payés régulièrement ou sont contraints d’observer un chômage technique. La pauvreté dans les ménages gagne du terrain. Ce qui conduit inéluctablement à une stagflation.

Pour gagner la bataille contre l’inflation, le gouvernement devrait stabiliser les prix des produits les plus consommés. C’est du moins l’avis du président du CURDES, prof Gilibert Niyongabo dans un entretien accordé à nos confrères du groupe de presse Iwacu. « …il faudrait que le gouvernement subventionne les prix à l’achat ». Certains pays comme la Tunisie subventionnent depuis des années les denrées alimentaires (pains, viandes, céréales,..), mais cette dose est difficilement applicable dans un contexte de surendettement et de relance économique.

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Benjamin Kuriyo.

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