Société

La pauvreté : facteur de diminution des dépenses festives

Les ménages burundais continuent à allouer, en moyenne, 8,37% de leurs budgets aux dépenses festives alors que plus de la moitié de la population, soit 51,15% est monétairement pauvre. Cela ressort du cahier n°20 du Centre Universitaire de Recherche pour le Développement Economique et Social (CURDES). Celui-ci convie à la réduction de telles consommations auxquelles il faudrait substituer l’épargne et l’investissement

Prof. Rédempteur Ntawiratsa : « Malgré leur situation de précarité, les ménages pauvres dépensent en moyenne 7, 7% de leurs budgets annuels dans les festivités ».

Selon Prof. Rédempteur Ntawiratsa qui a fait l’analyse sur les dépenses festives au Burundi sous le prisme de l’économie du bonheur, les différents chocs subis par la population ces trois dernières décennies (guerre civile de 1993-2005, crise électorale de 2015, covid-19 et guerre russo-ukrainienne) ont diminué les revenus des ménages. Ce qui a aggravé l’indigence.

« Plus de la moitié de la population, soit 51,15% est monétairement pauvre. Cependant, les ménages burundais continuent à allouer, en moyenne, 8,37% de leurs budgets aux dépenses festives », explique-t-il.

Une telle allocation des revenus, indique Prof. Ntawiratsa, ne semble pas rencontrer la politique du régime actuel mis en place en 2020. « Le conseil des ministres du 8 septembre 2021 a interdit les fêtes en semaine pour lutter contre la propagation du Covid-19. Cette décision gouvernementale ayant été maintenue après la suspension d’autres mesures de précaution prises contre cette maladie », rappelle-t-il avant de marteler qu’on peut présumer que le maintien de cette interdiction a pour finalité de réduire le temps consacré aux fêtes dont les préparatifs grignotent certainement sur la tranche horaire réservée au travail des ménages.

Des cérémonies combinées

Prof. Ntawiratsa signale que les ayants droit ont décidé de combiner certaines cérémonies qui, jusqu’alors, étaient séparément organisées. C’est le cas de l’enterrement et de la levée de deuil partielle ou de la remise de dot, du mariage civil et religieux ainsi que de la levée de voile.

« Leur impact sur le fonctionnement de la société et, singulièrement, sur les solidarités communautaires, augure d’un processus irréversible de dysfonctionnement des normes traditionnelles et d’une recomposition des contrats solidaires et sociaux. La crise de solidarité se conjugue désormais avec une logique utilitariste explicite à travers l’ère du donnant-donnant », explique Prof. Ntawiratsa.

Et d’annoncer : « Ce tiraillement de la société burundaise entre le respect de la tradition et le réalisme économique mérite un éclairage par l’économie du bonheur. Celle-ci est une branche de l’économie qui s’intéresse particulièrement aux déterminants du bonheur (le bonheur peut être appréhendé comme un complexe du bien-être à la fois physique, psychologique, intellectuel et social) ».

L’importance d’être entouré par les personnes qu’on aime

Prof. Ntawiratsa notifie qu’à partir d’un certain seuil de revenu, la qualité de la vie sociale a un impact plus durable sur la satisfaction qu’une augmentation de salaire. « Etre entouré de personnes que l’on aime semble très important et a un effet plus durable qu’une augmentation de revenus », renchérit-il.

Cependant, en dépit de l’attachement à la tradition, avise Prof.Ntawiratsa, la société burundaise est contrainte de réduire la part des dépenses festives dans les dépenses totales.

En d’autres termes, poursuit-il, les dépenses festives sont une fonction positive des revenus des ménages. La récente mesure du gouvernement interdisant les fêtes en semaine s’ajoutant à la programmation de plusieurs festivités le même jour semblent témoigner du crépuscule des temps anciens.

Prof. Ntawiratsa se demande ce qui justifie des dépenses festives dans l’une des économies les plus faibles de la planète. D’après lui, pourquoi même les monétairement pauvres consacrent-ils pas moins de 7,7% de leurs budgets aux dépenses festives ? Altruisme ou placement social déguisé ?

« Malgré leur situation de précarité, les ménages pauvres dépensent en moyenne 7, 7% de leurs budgets annuels dans les festivités même si un quart d’entre eux n’y consacrent aucune ressource. Les ménages aisés font un peu mieux avec 9, 08% en moyenne tandis que 25% d’entre eux n’y allouent qu’au plus 1, 45% », constate Prof.Ntawiratsa.

Il souligne que la part du budget consacré aux festivités diminue de 2, 3% si le ménage est monétairement pauvre. Les familles nombreuses consacrent légèrement plus de revenus aux festivités, soit 0, 8% de plus que les ménages de petite taille. Cela au moment où les chefs de ménage plus âgés affectent moins de ressources aux dépenses festives, soit 2, 28% de moins. Les ménages dirigés par les femmes accordent légèrement plus d’importance aux festivités que ceux dirigés par les hommes à concurrence de 0, 68% tandis que les ménages ruraux, réputés encore plus ancrés dans la tradition de solidarité, dépensent environ 4, 01% de plus que les citadins, à revenu égal.

Toutefois, reconnait Prof. Ntawiratsa, la part du budget allouée aux festivités n’est aucunement influencée par le niveau d’instruction.

Il plaide en faveur de la réduction des dépenses indispensables auxquelles il faudrait partiellement substituer l’épargne et l’investissement. Et ce, en droite ligne du discours actuel des hautes autorités, faisant de l’entrepreneuriat un levier essentiel du développement économique en général et de l’autonomisation des jeunes et des femmes en particulier. L’une des qualités d’un bon entrepreneur étant d’être économe, il serait donc contradictoire d’encourager, même passivement, des consommations non indispensables compte tenu de la précarité de plus de la moitié des ménages burundais.

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A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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