C’est une priorité pour le pays d’augmenter son offre d’électricité pour stimuler la croissance économique. Dans ce sens, une série de projets sont en cours pour pallier aux problèmes de déficit énergétique à court et à long terme. L’enjeu principal est la mobilisation des fonds pour exécuter les différents projets
La dernière édition du rapport « Africa’s Pulse » de la Banque Mondiale met en évidence l’impact du faible taux d’accès à l’électricité, des défaillances et des coûts élevés de l’approvisionnement en électricité sur le développement économique de l’Afrique. Il insiste surtout sur l’innovation et le mixte des sources d’énergie pour accélérer l’accès à l’électricité. Qu’en est-il pour le Burundi ? Quels sont les projets en cours pour résorber le déficit énergétique ? Burundi Eco cherche des éléments de réponse auprès du ministère en charge de l’énergie.

Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines : «Ce n’est pas d’un seul coup de baguette magique que le Burundi va s’aligner dans les pays ayant des réseaux électriques plus denses»
D’après Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, le Burundi connait un problème de déficit énergétique surtout dans le secteur de l’électricité puisque le taux d’électrification reste faible. Seulement 10% de la population a accès à l’électricité alors que les pays comme la Tanzanie ont une couverture de 67,5%. Parallèlement, la demande ne cesse d’augmenter surtout avec l’extension du parc industriel, la pression démographique, etc.
La production évolue en dents de scie
A cela s’ajoutent la vétusté des équipements et l’érosion du sol qui influe négativement sur la capacité de production des barrages hydroélectriques. La production de l’énergie n’est pas constante. Elle est évolutive. La centrale hydroélectrique de Rwegura prévue initialement pour produire 18 MW ne produisait qu’entre 8 et 12 MW depuis 2016. Cela est imputable à la vétusté des équipements et à l’érosion du sol qui diminue le niveau du lac de retenue d’eau. M Sindayigaya se réjouit du fait que le barrage de Rwegura retrouve sa capacité maximale de production de 18 MW. « Heureusement que ces derniers jours suite à l’abondance de la pluviométrie, le lac de retenue d’eau vient d’atteindre son niveau maximal. Les turbines de cette centrale produisent 18 MW. Il y a même possibilité de réduire la quantité d’électricité en provenance des centrales thermiques pour y faire recours pendant la saison sèche », dit-il.
Plusieurs projets en cours pour accroître l’offre
Le secteur énergétique, surtout l’électricité reste le moteur du développement d’un pays. Et le Burundi n’échappe pas à cette réalité. Ces derniers jours, le gouvernement s’active à pallier aux problèmes de déficit énergétique. M. Sindayigaya estime que ce n’est pas d’un seul coup de baguette magique que le Burundi va s’aligner dans les pays ayant des réseaux électriques plus denses.
Ce sont notamment le projet de construction de la centrale hydroélectrique de Jiji-Mulembwe qui permettra de produire environ 50 MW, le projet du barrage hydroélectrique sur la rivière Kirasa dans Bujumbura rural avec une production de 20 MW, le projet de construction d’un barrage sur la rivière Kaburantwa en province Cibitoke qui aura une capacité de 20 MW. Grosso modo, « si on considère les différents projets en cours et s’ils se réalisaient effectivement, cela permettrait d’augmenter l’offre. Celle-ci est estimée actuellement entre 70 et 80 MW pourrait atteindre 400 MW, d’ici 5 ans », conclut le porte-parole du ministère en charge de l’énergie.
Certains projets sont à un stade avancé
Selon le porte-parole du ministère en charge de l’énergie, le pays s’associe avec les autres pays de la sous-région dans le cadre des projets d’interconnexion régionale sur la RUZIZI III. Les travaux avancent à un rythme très satisfaisant. Les travaux vont bon train également sur le chantier de construction de la centrale hydroélectrique de « Rusumo falls » de 80 MW qui seront partagés entre le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie. La fin des travaux est attendue pour 2020. Le pays investit également dans les énergies renouvelables. La centrale photovoltaïque de Mubuga à Gitega d’une capacité de 7,5 MW est en cours de construction dès le depuis le début 2017. Les tableaux 1 et 2 montrent les projets prévus pour accroître l’offre en électricité.
Projets en cours de construction ou avec contrats signés
Dénomination |
Puissance installée |
Source de financement |
Date de mise en service prévue |
Projet HE Mpanda |
10,4 MW |
Gouvernement du Burundi |
2021 |
Projet HE Kabu 16 |
20 MW |
Crédit du Gvt Indien |
2020 |
Projet HE Jiji-Mulembwe (31,5-17,5) |
49 MW |
Crédit BM, BAD, UE, BEI |
2022 |
Projet Rusumo falls (Burundi-Rwanda-Tanzanie, 80 MW) |
26,6 MW (part du Burundi) |
Don pour le Burundi BM, BAD |
2021 |
Ruzizi III (Burundi-RDC-Rwanda, 147 MW) |
49 MW (part du Burundi) |
Crédit BM, BAD, BEI, UE |
2022 |
Projet Ruzibazi |
15 MW |
Financement du Gvt chinois |
2022 |
Aménagement de la centrale solaire de Rubira à Mpanda |
11 MW |
Contrat PPP avec CRD Holding |
2020 |
Aménagement d’une centrale solaire à Mubuga en province Gitega |
7,5 MW |
Contrat PPP avec la Société Gigawatt Global |
2019 |
Aménagement de la CHE en cascades de Kirasa |
17 MW |
Contrat PPP avec le groupement GETRA-EAACO |
2021 |
Aménagement de la CHE Rushiha |
13 MW |
Financement du Gvt chinois |
2021 |
Total |
169.5 MW |
Source : Direction générale de l’Energie/Ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines
Pourquoi privilégier l’hydroélectricité ?
La plupart des projets se concentrent dans le secteur de l’hydroélectricité et de l’énergie solaire. M. Sindagaya fait savoir que l’hydroélectricité est privilégiée car elle est la moins chère. « Le coût de production d’un kWh par les centrales solaires oscille autour de 0,16 USD. Il est encore plus élevé pour les centrales thermiques, car il est fonction du prix du brut sur le marché international. Pour la centrale thermique construite par la société Interpetrol, le coût atteint 0,24 USD. Par contre, les centrales hydroélectriques offrent de l’électricité à un coût très bas estimé à 0,12 USD par kWh », a-t-il dit.
Les sources de financement, un véritable challenge
Les défis ne manquent pas dans la réalisation de ces projets. M. Sindayagaya relève que le principal défi est lié au manque de fonds. Sinon la volonté politique est là. Et d’ajouter que le Burundi est un pays qui n’a pas assez de ressources pour financer des projets d’une telle envergure. Il compte principalement sur l’apport des partenaires traditionnels comme l’Union Européenne, la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement (BAD) et les gouvernements des pays amis du Burundi qui accordent des financements sous forme de dons ou de crédit. Cependant, le porte-parole reste optimiste qu’avec l’exploitation des minerais, les ressources pourront augmenter pour financer ce genre de projet.
Projets en étude avancée
Dénomination |
Puissance installée |
Source de financement |
Niveau d’étude |
Projets HE Ruv 216 (15 MW), 169 (20 MW) et 167 (15 MW) |
50 MW |
Montage financier par la Sté Kermas pour le nickel Musongati |
Etudes d’exécution terminées (2024) |
Centrale thermique à base de tourbe |
15 MW |
En ppp avec la société BUCECO |
Etude de faisabilité en cours (2023) |
Importation d’énergie à partir de l’Ethiopie |
200 MW |
Gvt du Burundi |
Manifestation d’intention exprimée (2022) |
Centrale, HE de Ruzizi IV (Burundi-RDC-Rwanda, 287 MW) |
96 MW (part du Burundi) |
Crédit BM, BAD, BEI, UE |
Etudes d’exécution en cours (2026) |
Total |
361 MW |
Source : Direction générale de l’Energie/Ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines
L’exécution des projets prend du retard
Certains observateurs s’inquiètent déjà des délais d’exécution de ces projets. Ils se basent sur les prévisions de la BAD qui projetaient la mise en marche de la centrale hydroélectrique JJI- Mulembwe en 2015. Mais les travaux n’ont pas encore commencé. M. Sindayigaya n’exclut pas la lourdeur des procédures administratives qui pèsent sur les délais d’exécution.
Pour le cas du projet de la centrale hydroélectrique Jiji-Mulembwe, « les différents partenaires dont la BAD, l’UE ou encore la BM ont déjà donné leur contribution. La BM joue le rôle de chef de file dans ce projet. Les procédures administratives prennent du temps », constate M. Sindayigaya. Il affirme que de la préparation des dossiers d’appel d’offre jusqu’à l’attribution du marché, la BM doit donner son aval. Au stade actuel, l’analyse des dossiers est terminée. On n’attend que l’avis de non objection pour l’attributaire avant que les travaux physiques démarrent sur le terrain, révèle M. Sindayigaya.
Il importe également de souligner que la construction de la centrale n’est pas une condition nécessaire et suffisante pour avoir de l’électricité. D’autres travaux sont nécessaires pour clôturer le projet. Ce sont notamment la mise en place d’un réseau de transport et de distribution : l’installation des poteaux électriques, l’achat des équipements tels que les transformateurs, les câbles électriques, etc. Donc, des activités qui demandent aussi des moyens et du temps.
Le coût d’électricité est élevé
Dans son récent rapport, la Banque Mondiale estime que le tarif moyen de l’électricité en Afrique subsaharienne est de 0,17 USD (prix hors TVA et autres taxes) par kWh avec des disparités selon les pays. Au Burundi, le prix moyen d’un kWh est de 0,20 USD, soit légèrement supérieur à la moyenne africaine. Sindayigaya justifie ce tarif. « Puisque les coûts de production ne sont pas les mêmes pour les différentes sources d’énergie, on fait le mixte des sources de production et la moyenne pondérée de toutes ces sources d’énergie permet à ce que le coût soit de 0,20 USD », explique-t-il. Il signale que d’autres paramètres entrent en jeu dans la fixation de ce prix. Ce sont surtout les pertes techniques enregistrées sur le réseau de transport. A titre d’exemple, le réseau de transport d’électricité du poste de la Société Internationale d’Electricité des Pays des Grands Lacs à Bukavu enregistre des pertes estimées à 4% de Bukavu à Bujumbura.
Eu égard à tous ces projets en cours, il y a lieu d’espérer que le Burundi pourra venir à bout de son déficit énergétique. Ce qui accélérera la croissance économique, surtout avec l’expansion des secteurs minier et industriel.
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