Développement

Le Projet Hydroélectrique Jiji et Mulembwe : Le rendez-vous ne sera pas respecté

L’exécution du Projet Hydroélectrique Jiji et Mulembwe accuse des retards compte tenu des délais qui étaient prévus. De la construction de deux centrales Jiji et Mulembwe, des lignes de transport et des postes de transmission, les bailleurs de fonds mettent la pression sur les entreprises de construction de redoubler d’efforts pour rattraper si possible le temps perdu

Le méga projet hydroélectrique Jiji-Mulembwe va coûter au total 270,40 millions USD.

 

En compagnie du ministre de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, les principaux bailleurs, à savoir : la délégation de l’Union Européenne (UE), la Banque Mondiale (BM), la Banque Africaine de Développement (BAD) du gigantesque Projet Hydroélectrique Jiji et Mulembwe (PHJIMU) ont effectué du 19 au 20 janvier 2023 une descente de haut niveau sur tous les sites qui impliquent le projet. Il s’agit des chantiers en construction de deux centrales Jiji et Mulembwe, de la base vie pour les lignes de transport de Nyakararo et les deux postes de transformation de Kabezi et celui de dispatching de la RN1.

La construction de deux centrales hydroélectriques sur les rivières Jiji et Mulembwe est assuré par le Groupement des Sociétés CMC et ORASCOM respectivement italienne et égyptienne, les lignes de transmission par l’entreprise indienne KEC International et postes associés, l’entreprise française VINCI. Le constat est le même pour chacune de entreprises : les travaux sont en retard.

La centrale hydroélectrique Jiji pourrait être mise en service en mai 2024

Le constat est que les travaux accusent des retards par rapport aux délais qui étaient prévus. Au niveau du barrage Jiji, le dessablement est déjà terminé. Les travaux en cours concernet la construction du barrage proprement dit, du mur de barrage (permettant de faire le lac de retenue) ainsi que le creusement du tunnel qui va écouler l’eau vers la maison du barrage. Sur le barrage Mulembwe, les travaux ne sont pas du tout avancés. 

Toutefois, le groupement de construction des deux barrages estime que la mise en service de la première centrale (Jiji) est prévue d’ici mai 2024 alors que le délai prévu dans les contrats d’exécution de ce projet est décembre 2023. Mais là également, lors de la visite certains techniciens n’en croyaient pas un mot, vu les travaux restants qui restent à faire.

Des difficultés d’approvisionnement à l’origine des retards

Le Groupement des Sociétés CMC et ORASCOM de construction des deux barrages évoquent plusieurs raisons à l’origine des retards. Il s’agit entre autres de la pénurie du carburant qui s’est manifesté durant l’année 2022, des aléas climatiques, des glissements des terrains. La zone de construction des deux barrages est très difficilement praticable pendant les périodes pluvieuses.

Au centre de dispatching de l’énergie sur la RN1, le DG de la Regideso n’a pas été satisfait de l’état d’avancement des travaux.

 

En plus, Ibrahim Uwizeye, ministre en charge de l’énergie ajoute que la Covid-19 et le conflit Russie-Ukraine ont impacté négativement l’avancement des travaux. Une grande partie du matériel utilisé proviendrait de l’Ukraine. Ce qui a fait que les prix des matériaux augmentent exponentiellement. Et de profiter cette occasion pour demander aux principaux bailleurs d’accorder des financements additionnels pour l’achèvement du projet. Les responsables de ces entreprises projettent la mise en service de la première centrale (Jiji) au mois de mai 2024 alors que le délai prévu dans les contrats d’exécution de ce projet est décembre 2023. Le ministre Uwizeye a demandé aux entreprises de construction de redoubler d’efforts pour rattraper si possible le temps perdu.

Où en est-on avec la construction des lignes de transmission ?

Vendredi le 20 janvier 2023, la visite s’est poursuivie sur la base vie de KEC International qui se charge de la construction des lignes de transport de l’électricité qui proviendra de Jiji-Mulembwe. Sur cette base, l’entreprise affirme que le matériel pour fondation des pylônes et des câbles est disponible. Toutefois, l’entreprise accuse également des retards. Elle avance comme raisons le problème de libération des emprises et les problèmes techniques liés aux routes d’axes. Pour des raisons techniques, il y a des fois où il y a nécessité de changer les routes d’axes tel que libéré dans les contrats. 

Le gouvernement du Burundi demande que les routes d’axes soient respectées tel qu’elles sont dans les contrats. Le DG de la Regideso dit que les changements des routes d’axes impliqueraient le chambardement des indemnisations. Les ingénieurs de la délégation ont demandé à ce que l’ingénieur conseil qui est l’entreprise canadienne AECOM, suive de près cette question pour que les travaux avancent.

Quant à ce qui est de la libération des emprises, le coordinateur du PHJIMU indique que 50% des indemnisations ont été réglées, mais que KEC n’a pas encore parcouru toute la distance libérée.

L’état d’avancement des constructions pour les postes de transformation n’est pas satisfaisant

Sur le site de transformation de l’énergie se trouvant à Kabezi dans la province de Bujumbura, Ir Albert Manigomba, directeur général de la Regideso n’est pas du tout satisfait de l’état d’avancement des travaux de ce poste qui réceptionnera l’énergie provenant des barrages Jiji-Mulembwe. Le DG de la Regideso et la délégation ont constaté que l’entreprise Vinci a beaucoup trainé les pieds. Encore, il a été constaté que les recommandations de la dernière visite n’ont pas tenues en considération, surtout sur le volet environnemental. Il avait été recommandé de voir comment canaliser les eaux de pluie pour protéger le site et étudier les risques que les travaux peuvent avoir sur la RN3.

Le constat a été le même au centre de dispatching de l’énergie sur la RN1. Le Directeur Général de la Regideso recommande à l’entreprise de construction une mobilisation forte du personnel et des équipements adéquats pour rattraper les retards enregistrés. « Il en va de votre réputation », fait remarquer le représentant de la BAD. Il explique que VINCI a l’intérêt que sa tâche soit accomplie comme il faut, surtout que ce n’est pas le dernier projet des bailleurs de fonds qui intéresserait l’entreprise. La réussite du projet déterminera la suite de la collaboration.

A la base vie de KEC International, e matériel pour fondation des pylônes et des câbles est disponible. Toutefois, l’entreprise accuse également des retards.

 

L’autre constat est la mauvaise collaboration entre les trois entreprises qui exécutent le projet. Des points de divergences techniques sont révélés surtout pour les connexions sur les lignes entre VINCI et KEC sur le dimensionnement d’une part et VINCI et ORASCOM d’autres part. Là encore, l’ingénieur civil a été appelé d’être vigilant et trancher sur la question afin qu’il y ait une interconnexion entre les trois exécutants du projet.

La continuité du financement dépendra de la résorption des retards

Au nom des bailleurs de fonds de ce projet, Claude Bochu, ambassadeur de l’Union Européenne au Burundi a réitéré son engagement à appuyer ce projet mais après une évaluation de son avancement. « Il faut d’abord regarder ensemble les causes et les responsabilités des retards qui ont été importants ».

Le méga projet hydroélectrique Jiji-Mulembwe va coûter au total 270,40 millions USD et est financé respectivement par l’Etat burundais (6%), l’Union Européenne – Banque Européenne d’Investissement – Commission Européenne (49%), la Banque Mondiale (37%) et la Banque Africaine de Développement (8%).

Le projet Jiji-Mulembwe qui apportera un supplément de 49,5MW vient en complément à d’autres projets hydroélectriques nationaux (Ruzibazi, KABU 16) et régionaux (Rusizi III, Rusumo Falls) bénéfiques au Burundi et soutenus par les mêmes bailleurs de fonds 

Selon Claude Bochu, 200 mille nouvelles connexions en électricité seront faites aux entreprises et à la population. Il souhaite que les populations locales, les écoles et les structures de santé soient les premières à bénéficier de l’électricité avant qu’elle ne soit transportée à Bujumbura.  Et d’inviter les investisseurs privés à investir dans le domaine de l’énergie. « Ce ne sera pas suffisant pour atteindre les objectifs de l’accès universel à l’électricité d’ici 2030. Il faut aussi intéresser les investisseurs privés à investir dans ce domaine », recommande-t-il. 

Dona Fabiola Ruzagiriza et Bruce Habarugira

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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