Ces derniers jours, la Serbie est devenue la route migratoire la plus importante pour les Burundais. Les candidats à l’exil, des jeunes surtout, mais souvent des familles entières, sont prêts à braver tous les dangers en route vers l’espace Schengen. Beaucoup se demandent si vraiment, l’espoir d’un avenir meilleur dans ces pays dits de promesse en vaut la peine. Les avis divergent

Des files d’attente devant le bureau de la compagnie Ethiopian Airlines. Les gens font la queue pour acheter des billets d’avion.
Qui pousserait d’un agent de la banque à tout planquer pour s’aventurer sur un terrain très épineux avec sa femme et ses 3 enfants. C’est l’histoire de Louis (pseudo) qui a tout vendu, sa maison, sa voiture, et tout patrimoine qui le liait avec sa terre natale avec l’objectif de rejoindre l’Europe. Louis et sa famille seraient aujourd’hui en Belgique et ils auraient fait une escale en Serbie. Des familles entières, des jeunes, des hommes et des femmes, peu à peu le Burundi se vide.
Le flux des Burundais est devenu en peu inquiétant. Certains même en font une blague pour montrer l’ampleur du phénomène. « Les amis, aidez-moi à comprendre. Depuis des jours, il n’y a pas des files indiennes aux parkings de bus contrairement au bureau de la compagnie Ethiopian Airlines où les gens font la queue pour acheter des billets d’avion ? Il se passe quoi à Bujumbura ? Les gens se rendent désormais dans les quartiers par avion ? », en voici une.
Cela étant, la compagnie Ethiopian Airlines est la seule compagnie qui peut desservir la ligne Bujumbura-Belgrade en passant par Istanbul en liaison avec Turkish Airlines. Les autres compagnies d’aviation ont commencé à manifester leur volonté d’entrer dans ce jeu. Sur les ondes de la radio Bonesha FM, l’Organisation Nationale de Lutte contre la Criminalité Transnationale (ONLT où est ton frère ?) fait état de 200 burundais qui ont quitté le Burundi vers la Serbie dans la seule journée du 23 septembre 2022.
Tout part d’un accord entre le Burundi et la Serbie
En février 2018, le Burundi a révoqué la reconnaissance de l’indépendance du Kossovo. En échange, la Serbie et le Burundi ont signé l’accord général de coopération bilatérale permettant aux ressortissants Burundais d’être exemptés de visa d’entrée en Serbie. Le 15 juin 2022, l’Assemblée Nationale a adopté le projet de loi portant ratification par la République du Burundi de cet accord. Et, depuis, la Serbie est le seul pays d’Europe qui n’impose pas de visa aux Burundais. Aujourd’hui, en Serbie, les Burundais représentent le troisième groupe de réfugiés, derrière les Afghans et les Syriens. En arrivant à l’aéroport de Belgrade, beaucoup de Burundais sont arrêtés par la Police en les empêchant de demander l’asile.
« Les routes de l’impossible »
Quoi de plus normal pour un homme en fleur de l’âge que de chercher à améliorer les conditions de vie pour lui-même et pour sa famille ? Mais ce n’est pas à n’importe quel prix. Pour les migrants burundais, la Serbie n’est qu’une escale. L’objectif, c’est de rejoindre la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche… Mais légalement, c’est impossible.
D’où arriver dans un de ces pays est un parcours de combattant. De la Serbie, ils entrent en Bosnie puis en Croatie. Selon les témoignages de ceux qui s’y sont rendus, ils passent des heures et des heures dans la forêt en se cachant de peur que la police ne les arrête. Ceux qui sont attrapés sont conduits dans camps de réfugiés où la plupart s’évadent vers la Slovénie, Arrivé en Slovénie, ils peuvent aller dans n’importe quel pays de l’Europe, mais sans rien comme papier ou autre bien pour ne pas attirer l’attention. A entendre ça, on dirait que c’est chose facile. Ceux qui sont parvenus à arriver dans ces pays de l’Europe de l’Ouest, ils parlent d’un périple difficile à vivre. Ils escaladent les montagnes, traversent des forêts et rivières qui ont déjà causées la mort de beaucoup de gens, dont un jeune burundais. Ce périple peut durer des semaines, des mois
Une fois arrivés dans les pays de l’Europe de l’Ouest, un autre combat commence, celui d’avoir le droit d’asile. Pour avoir ce droit, il faut expliquer le pourquoi de l’asile et montrer les preuves. A défaut, ils risquent d’être refoulé dans le pays d’origine. La Belgique est le pays qui compte beaucoup de Burundais qui empruntent le couloir voie de la Serbie. Les centres d’asile sont débordés et ceux qui n’ont pas la chance d’être accueillies dans ces centres dorment dans les gares et d’autres endroits publics. Mais, malgré ce qu’ils ont vécu ou vivent, ceux qui se sont confiés à Burundi Eco n’en regrettent pas.

De la Serbie à l’un des pays de l’Europe de l’Ouest, les migrants escaladent des montagnes, traversent les rivières et les forêts.
Ont-ils torts ou raison ? Les avis divergent
Depuis que « l’affaire Serbie » a éclaté dans les médias, tout le monde ne parle que de cela. Les uns en parlent avec méfiance, d’autres avec compassion, mais aussi d’autres sont motivés à braver tous les dangers pour rejoindre l’Eldorado européen. Les premiers ne comprennent pas pourquoi quelqu’un peut se procurer une somme de 15 millions de FBu et au lieu d’investir dans une activité génératrice de revenus dans le pays, se lance dans une aventure avec le risque de laisser sa vie dans le ventre des rivières européennes.
Mais d’autres pensent qu’aucune personne n’oserait prendre ces risques si rester au pays ne serait pas le pire choix que d’en prendre. Burundi Eco a voulu reprendre un post Facebook d’un jeune œuvrant dans l’événementiel dans la capitale économique. « Le manque d’opportunité, le chômage, la pauvreté, le désespoir…, la liste est longue pour ce qui est des raisons qui poussent ces jeunes à risquer leur vie », commente-t-il ? Pour lui, ceux qui disent que ces jeunes devraient créer des opportunités, il n’y va pas par quatre chemins : « soit ils sont rassasiés, soit, ils ont été placé par le système en place et mangent ses fruits, soit ils sont corrompus et incompétents pour voir la misère dans laquelle vit le peuple. A ceux qui disent qu’ils devraient investir ces 15millions de FBu dans le pays il répond : « comment est le climat d’affaires au Burundi ? Ceux qui ont tenté la chance savent comment ils ont été ruinés à cause de la concurrence déloyale qui sévit dans le pays, des mandataires politiques qui sont dans le business et qui sont exonérés face à des jeunes à faibles capitaux mais qui sont surtaxés ». Et il ajoute que la seule option qui reste est de battre en retraite.
« Ceux qui partent en Serbie sont dans leur droit »
Face à ce phénomène des Burundais qui partent en Serbie en bravant tous les dangers, l’opinion publique n’a cessé de demander que le contrat entre le Burundi et la Serbie soit résilié. Au ministère des Relations Extérieures et de la Coopération au Développement, on explique qu’interdire aux jeunes de se rendre en Serbie à la recherche d’un avenir meilleur serait contraire à la constitution de la République du Burundi. C’est une aspiration tout à fait légitime. Inès Sonia Niyubahwe, porte-parole de ce ministère indique que les décourager dépendra du motif de leur départ.
Me Prime Mbarubukeye, président de l’ONLT Où est ton frère demande à l’Etat Burundais de veiller à ce que l’accord signé avec la Serbie ne compromette pas ses relations avec les pays destinataires des migrants burundais. Encore, il fait un clin d’œil à l’Etat parce que cet accord n’explicite pas que les Burundais arrivés en Serbie peuvent se rendre dans d’autres pays de l’Europe de l’Ouest.
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