Développement

Le secteur des assurances : un long chemin reste à faire

Le secteur des assurances a enregistré des avancées durant l’exercice 2023, selon un rapport récent de l’Agence de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA). Toutefois, le taux de pénétration a diminué en 2023, passant de 0,95 % en 2022 à 0,88 % en 2023 (primes/PIB). Pour s’améliorer, Jean-Paul Roux consultant international en assurances, bancassurance et micro-assurance recommande au secteur d’offrir un meilleur service client, de réduire ses coûts, de concevoir et de développer de nouveaux produits

Jean-Paul Roux, consultant international en assurances, bancassurance et micro-assurance : « En 2023, la sinistralité RC a baissé de 9 % en raison de la diminution du trafic routier (pénurie de carburant) ».

 

Selon le Consultant, les primes en assurance de Responsabilité Civile (garantie obligatoire) ont augmenté de 62 % en 2023 par rapport à 2022. Cette hausse est expliquée par la décision de l’Etat, par l’ordonnance N°540/93/013 du 2 août 2023, de fixer un tarif minimum majoré pour l’assurance de Responsabilité Civile (RC) concernant les véhicules automoteurs au Burundi.

Le consultant indique que cette disposition tarifaire a déjà porté ses fruits, puisque le ratio Sinistre/Prime (S/P) Auto en RC est passé de 85,4 % en 2022 à 66,2 % en 2023.

« Ce résultat se situe dans les standards internationaux dit-il ». En 2023, les Burundais se sont mieux assurés en souscrivant à l’assurance Tous Accidents en automobile (Tous Dommages) avec une progression de 47 %, et un Sinistres/Primes de 35 %. Le S/P Auto toutes garanties s’est également amélioré, passant de 78,2 % en 2022 à 52,2 % en 2023. Et malgré une forte croissance du chiffre d’affaires, la sinistralité RC a baissé de 9 % en raison de la baisse du trafic routier (pénurie de carburant) », souligne-t-il.

M. Jean-Paul Roux signale que la branche transport connait un déclin, ne représentant que 11 % du portefeuille Incendie-Accidents-Risques-Divers (IARD) en 2023, contre 14 % en 2022. La sinistralité s’est donc dégradée avec un ratio Sinistres/Primes de 71 % (contre 9,1 % en 2022). Il estime que la situation économique du pays et les problèmes liés au carburant expliquent en partie cette évolution.

Un portefeuille de plus de 100 milliards de FBu

Jean-Paul Roux indique qu’en assurance vie, les primes émises s’élèvent à 38 milliards de FBu, tandis qu’en assurance non-vie, elles s’établissent à 63 milliards de FBu, portant le portefeuille global vie et non-vie à 101 milliards de FBu. Il déplore cependant la faible croissance du chiffre d’affaires vie en 2023, qui n’est que de 1,3 %. « Ce résultat est lié à une baisse importante des produits de prévoyance, de 3,3 milliards de FBu, soit -25 % par rapport à 2022, notamment en raison de la diminution des crédits octroyés par les banques dans les domaines de l’habitat et des prêts personnels », précise-t-il.

Retard dans les indemnisations

M. Jean-Paul Roux regrette que de nombreux Burundais se contentent de souscrire à l’assurance Responsabilité Civile obligatoire. Cependant, en raison des recours administratifs et des contestations, les indemnisations peuvent prendre jusqu’à 1 an ou plus. Ce qui est inacceptable, martèle-t-il. Selon lui, la durée d’attente acceptable pour une indemnisation devrait être comprise entre 3 et 6 mois.

Il confirme que souscrire à l’assurance Tous Dommages serait plus rassurant, car l’assuré serait indemnisé quel que soit son niveau de responsabilité et ceci dans un délai de 30 jours ouvrables. Le consultant rappelle que la valeur de cette assurance équivaut à une prime de 3,4 %   de la valeur pour les véhicules des particuliers. Il déplore également que le constat amiable, un document instauré en février 2022 pour faciliter les déclarations sur les lieux d’accident entre conducteurs adverses, ne soit pas encore appliqué.

Les acteurs du marché

M. Jean-Paul Roux confirme que le leader du marché est la Société d’Assurance du Burundi (SOCABU), avec 47 % du marché en Vie et 25 % en Non-Vie, selon le rapport annuel de l’ARCA paru le 21 mars 2025. Ce rapport montre également un écart croissant en chiffre d’affaires entre les branches IARD (non-vie) et les branches vie, respectivement 63 milliards et 38 milliards de FBu.

JUBILEE, une filiale de JUBILEE HOLDING, basée au Kenya et détenue majoritairement depuis 2022 par l’assureur allemand ALLIANZ, occupe la deuxième place (avec 15,7 % du marché), tandis que le groupe SOCAR se situe en troisième position, suivi de BICOR et BIC. La société INKINZO, lancée en 2019, occupe actuellement la cinquième place du marché non-vie, certifie le consultant.

« Au 31 décembre 2023, le marché burundais des assurances s’est élargi avec l’arrivée de nouvelles sociétés. Il compte désormais 22 compagnies d’assurances, dont 12 dans le secteur non-vie et 10 dans le secteur vie. Parmi elles, neuf sont en mesure de constituer un groupe d’assurances vie et non-vie », fait-il savoir.

Jean-Paul Roux souligne que le travail des assureurs est facilité par les intermédiaires d’assurance, tels que les courtiers, les agents généraux (19 au total), les mandataires non-salariés et les bancassureurs rémunérés à la commission. Selon lui, les courtiers sont des commerçants, et les clients leur appartiennent. « En 2023, le marché de courtage est dominé par la société ASCOMA, qui détient 28 % de part de marché, suivie par AGEAGL (20 %) et CIBCO (10 %) », informe-t-il.

Le constat amiable, instauré en 2022, n’est pas encore appliqué.

 

Un taux de pénétration bas

Jean-Paul Roux annonce que le taux de pénétration des assurances en 2023 est de 0,88 % (primes/Produit Intérieur Brut), en baisse par rapport à 2022 (0,95 %). Ce taux est de 13 % en Afrique du Sud, de 2,3 % au Kenya et de 1,8 % au Rwanda, tandis qu’il atteint 7 % au niveau mondial, souligne-t-il. On doit donc viser en 2028, un taux de 1,5% pour se rapprocher des pays voisins.

Le consultant identifie plusieurs défis pour les assureurs, qui freinent le développement du secteur. D’après lui, les assurances manquent de systèmes d’information performants et intégrés. De plus, elles ne tirent pas parti du nouveau règlement du Bancassureur du 19 mars 2024 pour développer des produits d’assurance auprès des banques et des microfinances.

M.Jean-Paul Roux s’inquiète également du manque de cadre légal spécifique à l’assurance agricole et la faible utilisation du digital, tant pour la souscription des contrats que pour le paiement des prestations, notamment en assurance vie.

Comme le propose l’ARCA, il souhaite la création d’une table de mortalité unique pour le marché local de l’assurance vie, ainsi qu’une communication nationale pour sensibiliser les Burundais à la souscription d’assurances, dans le cadre d’une éducation financière.

Il invite également à renforcer les capacités et les compétences des assureurs, tant en interne que sur le terrain, par des formations continues.

« L’assurance est un secteur à défricher. Ce secteur présente des lacunes en matière de communication, en présence sur le terrain pour être plus proche des clients, et en systèmes d’information intégrés pour bien analyser les données et offrir un meilleur service client. Il est impératif de réduire les coûts, de concevoir et de développer de nouveaux produits », conclut-il. Il insiste également sur la nécessité d’améliorer la qualification du personnel en contact direct avec la clientèle pour mieux communiquer et inciter les Burundais à adhérer à l’assurance.

Il termine en citant le philosophe Sénèque : « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il se dirige », pour dire que le secteur de l’assurance au Burundi doit définir son ambition, ses objectifs pour tracer le chemin à emprunter pour y parvenir.

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A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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