Le secteur de l’éducation est confronté à de nombreux défis. Ce sont notamment le manque d’infrastructures adéquates, l’insuffisance du matériel didactique, les sureffectifs des élèves, le manque de personnel enseignant, etc. Par conséquent, il est urgent d’arrêter des stratégies pour améliorer les conditions d’apprentissage en milieu scolaire

Me Jean Samandari, président et représentant légal de la Coalition pour l’Education pour Tous « BAFASHEBIGE » : « Un enfant ne peut pas bien assimiler la matière s’il ne dispose pas de manuels scolaires »
«Malgré les efforts déployés pour la construction des infrastructures scolaires, celles-ci restent insuffisantes », fait savoir Me Jean Samandari, président et représentant légal de la Coalition pour l’Education pour Tous « BAFASHEBIGE ». D’ici 2020, les études faites projettent les besoins en infrastructures scolaires à 932 salles de classe supplémentaires à travers tout le pays. Pour atteindre ce gap, il faut construire en moyenne 310 classes par an, précise M. Adelin Ntanoga, directeur des programmes et des politiques à Actionaid Burundi.
Le surpeuplement des classes, une réalité
Les effectifs pléthoriques dans les classes sont une réalité. Les indicateurs relatifs aux conditions d’accueil des enfants montrent que le ratio élèves/salles de classe était estimé à 74 élèves par classe au niveau national. Toutefois, on consate une grande variabilité entre les provinces. Les provinces de Kirundo, Muramvya et Muyinga affichent des taux élevés d’effectifs avec une moyenne de près de 100 enfants par classe. La marie de Bujumbura est une exception avec la moyenne de 116 enfants par salle de classe.
Les conséquences des effectifs élevés sont sans équivoques. Dans un contexte de classes surpeuplées, tous les élèves ne sont pas suivis et encadrés par l’enseignant. Celui-ci avance avec les plus forts. Il n’a pas le temps de s’occuper de chaque élève, car il doit finir le programme prévu pour l’année scolaire, déplore les spécialistes de l’éducation. Le pléthore d’élèves dans les classes nuisent aux performances des apprenants. Car, dans ces conditions, un enseignant doué soit-il ne peut pas dispenser des leçons convenablement, note Me Samandari.

Emmanuel Mashandari, président du CONAPES : « Le grand problème est qu’on demande aux enseignants de fournir trop d’efforts alors qu’il y a des matières qui leur échappent.»
D’après Emmanuel Mashandari, président du Conseil National du Personnel Enseignant du Secondaire (CONAPES) les effectifs pléthoriques dans les écoles posent un problème crucial. La nouvelle méthodologie dite par « groupes » n’est pas applicable. Cette dernière encourage la participation des enfants dans de petits groupes alors qu’il n’y a pas assez d’espaces dans les classes. Le système d’évaluation est également remis en cause. L’organisation des évaluations orales très pratiquées au niveau du 1er cycle deviennent problématique.
« Les effectifs vont encore augmenter avec la rentrée scolaire », note Mme Annonciate Ndayizigiye directrice du lycée municipal de Gikungu en Mairie de Bujumbura. La première conséquence est l’insuffisance des bancs pupitres. « Nous n’allons pas avoir assez de sièges pour tous les élèves », dit-elle. Les sureffectifs des élèves impactent également sur l’organisation des évaluations. « Les enseignants évaluent les élèves en deux temps. Si auparavant, on devait mettre 45 min à interroger les élèves. On aura plus d’une heure pour faire le tour de tous les élèves. Certains préfèrent organiser les interrogations pendant l’après-midi », explique Mme Ndayizigiye.
Quid de la qualification des enseignants ?
La question du profil des enseignants du quatrième cycle de l’école fondamentale se pose avec acuité. L’organisation des enseignements par domaines (en lieu et place de l’enseignement par disciplines) n’a pas été accompagnée par des formations de mise à niveau suffisantes, ni par une réforme de la formation initiale, lit-on dans le Plan Transitoire de l’Education (PTE). « Ni les instituteurs du primaire promus enseignants dans le quatrième cycle de l’ECOFO, ni les professeurs des disciplines des anciens collèges, devenus professeurs d’au moins deux disciplines regroupées dans un domaine, n’ont été réellement préparés à ce changement », insistent les auteurs du PTE
Au niveau du 4ème cycle, la plupart des enseignants dispensent des matières qui n’ont pas fait objet d’une formation initiale. Comment un physicien peut enseigner la chimie, ou un biologiste peut enseigner des leçons sur la physique. En réalité, les enseignants ne donnent que des chapitres qui ont trait avec leur formation initiale, estime Mashandari.
Le grand problème est qu’on demande aux enseignants de fournir trop d’efforts alors qu’il y a des matières qui leur échappent. Pour Mashandari, on devrait partir du sommet à la base. Avant la mise en application de toute réforme, il fallait commencer par la formation des futurs formateurs au niveau des instituts pédagogiques, estime-t-il.
Les besoins en enseignants persistent
La politique de redéploiement n’a pas du tout résolu le problème de manque d’enseignants. « Les effectifs des enseignants restent insuffisants. La problématique du manque d’enseignants qualifiés se pose avec acuité surtout pour le 4ème cycle du fondamental », apprend-on du PTE. En 2016, les statistiques montrent que le ratio élèves/maître était de 56 élèves pour un enseignant au niveau national. Par ailleurs, les données décrivent une grande disparité entre les directions provinciales de l’enseignement. Ainsi, les provinces de Cibitoke, Kirundo, Ngozi, Kayanza et Muyinga avoisinent 70 élèves par enseignant.
A l’horizon 2020, les statistiques estiment les besoins en enseignants à 6 380 enseignants à recruter rien que pour les 3 premiers cycles de l’école fondamentale (1ère-6ème année). Depuis plusieurs années, le nombre d’enseignants restent en deçà des besoins exprimés. A titre illustratif, l’année scolaire 2015-2016, l’enseignement fondamental avait besoin de 5857 enseignants. Mais le gouvernement n’a autorisé que le recrutement de 2000 enseignants. Au cours de cette année, seulement 1000 enseignants ont été recrutés. Pour cause le manque de moyens.
Le manque de matériel didactique fait agoniser le secteur
A côté de l’insuffisance des enseignants qualifiés et des infrastructures scolaires, les équipements font aussi défaut. Pas mal d’écoles font face au manque criant de manuels scolaires. Ce qui remet en cause la qualité de l’enseignement. « Un enfant ne peut pas bien assimiler la matière s’il ne dispose de manuels scolaires », indique Me Samandari.
Pour le cycle post-fondamental, la disponibilité des manuels scolaires enregistre un grand retard. « Jusqu’aujourd’hui, il y a des écoles qui n’ont pas encore eu de livres. En d’autres termes, il y a des matières qui n’ont pas été enseignés », déplore Mashandari. Ce syndicaliste évoque également le manque de supports pédagogiques. Le cours sur les Techniques de l’Information et de la Communication (TIC) exige au moins la disponibilité d’un ordinateur. Or très peu d’écoles en disposent. Ça devient un casse-tête pour un enseignant d’apprendre aux apprenant comment manipuler un ordinateur sans la pratique. De surcroît, l’informatique n’a pas fait l’objet d’une formation initiale pour 99% des enseignants, confie-t-il.
La double vacation ajoute le drame au drame

La problématique des effectifs élevés se pose avec acuité au niveau des écoles. Le sureffectif favorise les tricheries et réduit la participation des apprenants. Le nombre d’élèves par classe a une influence décisive sur la réussite scolaire.
Pour compenser le manque de salles de classe, la majorité des classes des trois premiers cycles de l’école fondamentale (54 % des groupes pédagogiques) font recours à la double vacation (deux groupes se relayant dans une salle de classe). « Cela a pour conséquence la réduction du temps d’apprentissage. Il est estimé que les élèves du primaire en double vacation ne bénéficient actuellement que de 490 heures de temps d’apprentissage annuel », précise le PTE. Il importe de signaler que le temps scolaire annuel est officiellement fixé depuis 2012 à 855 heures pour les deux premiers cycles et 950 heures pour le 3ème cycle.
Selon Me Samandari, l’enseignant qui travaille en double vacation n’est pas motivé. Son salaire reste invariable malgré les efforts fournis. De plus, en travaillant deux gongs, il risque de se fatiguer et de ne pas bien dispenser les cours. Par conséquent, cela se répercute sur l’élève qui doit supporter toutes les conséquences de la double vocation, s’indigne-t-il.
Les observateurs s’inquiètent de la baisse du niveau des lauréats du système éducatif Burundais. Il s’observe une dégringolade de la qualité de l’enseignement d’année en année, estiment-ils. Ils appellent le gouvernement à arrêter des stratégies pour améliorer les conditions d’apprentissage. Le secteur de l’éducation est un domaine transversal où tous les acteurs devraient travailler en synergie pour inverser la tendance.
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