Au début de cette semaine, les parlementaires des pays africains et du monde arabe étaient réunis en conclave pour échanger autour des effets de la double crise sur les économies arabo-africaines. Les exportations chutent alors que les besoins d’importation des hydrocarbures, des denrées alimentaires et d’autres produits de base restent importants. Des recommandations ont été formulées afin de rendre les économies plus résilientes aux chocs extérieurs
Les travaux de la 9ème réunion de concertation de l’Association des Sénats, Shoura et Conseils Equivalents d’Afrique et du Monde Arabe (ASSECAA) ont pris fin ce mardi 20 septembre 2022. Il était question d’échanger autour des effets et des répercussions de la pandémie de Covid-19 sur les économies arabo-africaines et la réponse des gouvernements
Dans sa présentation, Pr Léonidas Ndayizeye, expert en économie et enseignant à l’université du Burundi a passé en revue les répercussions économiques de la double crise due à la pandémie de Covid-19 et à la guerre meurtrière qui oppose la Russie à l’Ukraine. Il a essayé de relever l’impact de ces deux crises sur les économies arabo-africaines.

Les effets de la crise se font sentir surtout avec l’augmentation des prix des produits importés.
Un ralentissement de l’activité économique mondiale
La pandémie de Covid-19 a entrainé sur son passage des pertes en vies humaines et d’énormes dégâts économiques. En matière d’échanges commerciaux, l’Afrique entretient des liens commerciaux avec les pays durement affectés par la pandémie, en l’occurrence la Chine d’où est parti le coronavirus. En outre, les pays africains commercent avec les pays dits développés, eux aussi, touchés par la crise sanitaire, fait savoir Pr. Ndayizeye.
Ainsi, avec la suspension des vols internationaux, le confinement des populations et la fermeture des frontières terrestres et maritimes, le commerce mondial a été piégé. Concrètement, la pandémie de Coronavirus a provoqué le ralentissement de l’activité économique mondiale. Ce qui a fait chuter l’exportation des biens et des services africains, en particulier celle des produits de base dont le continent dépend beaucoup, explique l’expert en économie. Pour Dr Augustin Iyamuremye, président du sénat rwandais, le changement climatique rend le défi de la sécurité alimentaire plus difficile, car le régime des pluies dont dépend l’agriculture en Afrique a considérablement changé pour devenir imprévisible, mais aussi la désertification ne cesse de s’aggraver dans certaines régions. Certes la pandémie de Covid-19 et la crise en Ukraine constituent un énorme fardeau supplémentaire auquel nos pays sont toujours confrontés, mais les solutions à ces défis sont connues et sont à la portée de l’Afrique. Il suffit de travailler davantage ensemble et de coordonner toutes les actions collectives mutuellement bénéfiques.
Le Burundi frappé de plein fouet
Le Burundi a connu une détérioration de sa balance commerciale. Les exportations domestiques ont connu une baisse sensible de 68,5 % au cours du second trimestre de 2020. Paradoxalement, les importations du pays ont augmenté dans l’ordre de 13%. Par conséquent, la gestion des dépenses publiques est remise en cause, analyse Pr Ndayizeye.
Les pays africains ont vu les recettes publiques et les réserves internationales baisser. Leur performance budgétaire et la viabilité de leur dette en pâtissent. Les pays du monde arabe ont vu leurs dettes exploser. Les déficits importants ont augmenté la dette publique (60% du PIB), aggravant ainsi une situation d’endettement déjà vulnérable. Les deux parties du monde dépendent essentiellement des matières premières à exporter. Les pays devraient tirer des leçons pour adopter des politiques macroéconomiques afin de renforcer leur résilience face aux chocs extérieurs.
La crise ukrainienne ajoute le drame au drame
La crise russo-ukrainienne a mis le feu aux poudres. Déjà, Cette crise est venue avec un paquet de défis supplémentaires. Elle a provoqué notamment des crises alimentaires, énergétiques et financières qui dictent le quotidien des citoyens du monde entier. Les deux pays en conflit sont des greniers du monde pour le blé, le maïs et d’autres produits non agricoles. L’Ukraine et la Russie sont des acteurs majeurs dans l’alimentation (céréales), les engrais et de l’énergie (gaz et pétrole). A titre illustratif, les deux pays cumulent plus de 28% du volume des exportations mondiales de blé, commente le professeur Léonidas Ndayizeye.
Sur le continent, les effets de la crise se font sentir surtout avec l’augmentation des prix des produits importés, notamment le carburant et les fertilisants. Le conflit a provoqué la crise du pain puisque les pays arabes importent le blé. On redoute la résurgence des hostilités comme celles observées pendant le printemps arabe.
Les incertitudes sont si grandes que personne ne peut prédire la fin de cette crise. Les pays doivent diversifier les chaines d’approvisionnement des produits de première nécessité. Les dirigeants des pays africains doivent veiller à la souveraineté alimentaire par le biais de l’agriculture vivrière pour réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, propose-t-il.
L’Afrique devrait investir dans l’agro-industrie
Le président du sénat rwandais appelle ses homologues à investir davantage dans l’industrie agroalimentaire pour subvenir aux besoins des populations. Dans son intervention, Dr Iyamuremye reconnait qu’avant le Covid-19 la situation alimentaire de l’Afrique était déjà fragile en raison d’une faible productivité et surtout des barrières commerciales.
Pour lui, la transformation des produits agricoles en Afrique est une tâche urgente. « Nos populations ne peuvent pas être satisfaites quand nous leur disons qu’il y a la guerre en Ukraine et en Russie alors qu’ils constatent que nous pouvons produire ce dont nous avons besoin ». D’emblée, l’industrie agricole peut être une voie de solution, mais les pays africains doivent davantage commercer les uns avec les autres. L’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) élargit le champ des possibilités pour que l’agro-industrie africaine atteigne son plein potentiel. « Notre continent continue à importer des aliments que nous sommes capables de produire nous-même simplement à cause des barrières commerciales internes », déplore le sénateur Iyamuremye. Or, les parlementaires légifèrent et adoptent des budgets pour les pays respectifs. Ainsi, le secteur agricole et l’industrie énergétique méritent toute l’attention à travers la mobilisation des investissements nécessaires pour promouvoir l’agro-industrie.
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