Un panier de fruits sur la tête, elles sont nombreuses à sillonner les quartiers de Bujumbura. La fatigue, la faim, la peur de la police sont entre autres les trois mauvais anges gardiens de la femme vendeuse de rue dans la capitale. Dans ce contexte qui met l’accent sur les conditions de travail, le reporter de Burundi Eco est allé à la rencontre de ces championnes de l’économie familiale
C’est une évidence. La grande majorité des commerçants ambulants est faite de femmes, les hommes étant presqu’absents dans le jeu. De jeunes et moins jeunes femmes entrent tous les matins dans la ville pour y vendre les fruits. Cela, malgré l’interdiction de cette pratique par les autorités municipales.
Nous sommes au quartier Nyakabiga, avenue de la République, au sortir du village des enfants SOS. L’aiguille d’une montre indique 11h47, le soleil brille et la chaleur est intense. Elles sont là, debout comme si elles étaient indifférentes du climat environnant. Du coin de l’œil, les deux vendeuses surveillent la circulation. Elles s’attendent toujours à une mauvaise surprise éventuelle. L’une accepte timidement la conversation. Elle est âgée d’une quarantaine d’années. Un sourire illumine son visage un peu pâle. Pieds nus, cette femme est visiblement endurcie par les épreuves de la vie. Comme un point dans un vaste tableau, Marianne (nom emprunté) représente ici une foule de femmes de même catégorie.
Une journée d’une combattante infatigable
Marianne raconte la journée d’une véritable combattante. Leur travail est difficile et obligeant. Courageuses, elles se lèvent tous les matins, vont acheter les fruits qu’elles revendent chaque jour, parfois un peu plus loin. Elles optent de se rendre au marché de Cotebu pour négocier avec le fournisseur ou elles attendent là-haut dans les montagnes.

Elles sont obligées de sillonner les quartiers pour vendre, ne s’arrêtant quelques fois que pour se reposer un peu dans une place qui leur semble plus ou moins sûre
Elles se lèvent très tôt pour acheter à un bon prix. Parfois avec un petit enfant sur le dos, ces femmes n’ont pas droit à un abri contre les intempéries de la journée. Elles sont souvent exposées au soleil et à la pluie. « C’est pénible, mais on ne peut pas rester à la maison sans rien faire. Tout le monde n’est pas en possession de terres cultivables», réagit Marianne. Cette femme nous confie que le travail qu’elle fait n’est pas d’un grand intérêt. Elle affirme qu’elle peut gagner seulement entre trois et quatre mille francs burundais après une longue journée de course. Ce qui lui permet néanmoins de gagner quotidiennement son pain.
Selon cette femme, elles n’ont pas où déposer leurs marchandises. Elles ne peuvent pas faire autrement. « Nous sommes toujours pourchassées par la police et si la malchance nous tombe dessus, on nous arrache toutes nos marchandises», explique notre interlocutrice. Elle dit qu’elles sont obligées de sillonner les quartiers pour vendre, ne s’arrêtant quelque fois que pour se reposer un peu dans une place qui leur semble plus ou moins sûre. Il y en a qui peuvent être appréhendées par la police. Dans ce cas, elles paient une amende allant jusqu’à cinquante mille, quelques fois après un emprisonnement. En revanche, ces professionnels du cache-cache ne paient pas les taxes.
A la question de savoir comment une vendeuse de rue parvient à s’acquitter de ses devoirs de famille, la réponse semble ne pas lui venir facilement en tête. Elle répond après un moment d’hésitation : « Si on n’a pas quelqu’un qui doit s’occuper des enfants et de la maison, on cherche une bonne». Elle affirme aussi que son mari ne s’immisce pas dans son travail et qu’il lui laisse la liberté de gérer son petit capital. A en croire ses propos, les maris de sa localité collaborent bien avec leurs épouses et toutes les tâches sont partagées dans la famille.
Pour elle, le métier de vendeur de rue revient presqu’exclusivement aux femmes. Elle explique que le faible intérêt qu’elles en tirent serait à l’origine de cette faible représentativité du sexe masculin dans ce genre de commerce. « Les hommes privilégient les travaux qui leur permettent de gagner 7 000FBu et plus par jour. Il est très difficile pour eux de travailler toute la journée pour gagner 3 000 FBu ou moins». Elle pense aussi que la faible inclusion de la femme dans d’autres emplois serait à l’origine de leur présence majoritaire dans ce métier. Malheureusement, ces courageuses championnes de l’économie familiale sont toujours pourchassées, combattues.
Les pourchasser ne suffit pas, il faut aussi les écouter
A quelques pas de là, un de ces hommes rares présents dans le métier dépose son panier plein de bananes mûres. Il transpire. Nous nous approchons de lui. Cet homme semble ne s’inquiéter de rien. B.M épaule son épouse avec qui il alterne. «Aujourd’hui madame est restée à la maison pour s’occuper des travaux domestiques», raconte-t-il. Il dit qu’il va très loin, à 15 km de marche pour s’approvisionner. Pour lui, il n’y a pas à s’inquiéter quant à l’occupation des enfants. L’essentiel est de leur trouver du pain. Interrogé sur la garde de leurs enfants à la maison, B.M réagit très rapidement : « Non, nos enfants ne peuvent pas aller dans la rue, car nous gagnons de quoi les faire vivre. »
Cet homme, apparemment d’un âge un peu avancé, ne va pas sans faire part de ses observations sur ce métier. Il dit que les pourchasser est plutôt une injustice leur imposée par les administratifs. « C’est ce travail qui nous fait vivre. Le problème est que nous n’avons pas quelqu’un qui intercède pour nous ». Pour lui, on devrait trouver des places pour tous, car personne ne peut passer toute la journée dans la rue s’il a où mettre ses affaires. Il affirme que les autorités de la Mairie de Bujumbura n’ont jamais voulu les rencontrer pour écouter leurs doléances.
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