Le gouvernement reprend à son compte le combat contre la mendicité. Pourtant, les enfants en situation de rue qui ont été transférés dans les centres de transit situés au quartier Jabe en attendant qu’ils soient envoyés dans leurs familles d’origine demandent qu’on améliore les conditions dans lesquelles ils vivent. Les associations œuvrant dans le domaine de l’enfance demandent à l’Etat de trouver des solutions aux problèmes qui ont fait qu’ils quittent leurs ménages. Sinon, ils craignent qu’ils reviennent dans la rue au galop
Nous sommes lundi le 11 juillet 2022 au quartier Jabe de la commune Mukaza dans la municipalité de Bujumbura où est situé le centre de transit des enfants en situation de rue dénommé Projet Enfant Soleil (PES). Vers 10h, certains enfants en situation de rue sont en train de jouer dans la cours de ce centre. Ils sont assistés par les agents de l’Association Burundaise pour un Monde de Paix sans Drogues (ABMPD). D’autres sont enfermés dans des salles communes. Ils disent qu’il leur manque un ballon pour jouer. Ils s’inquiètent que les conditions de vie ne sont pas bonnes. Certains couchent sur des nattes et d’autres sur le ciment. Certains ont des couvertures pour se protéger contre le froid quand d’autres n’en ont pas. Ils n’ont pas aussi de chaussures et sont exposés aux piqûres des moustiques, déplorent-ils. Seulement ils se réjouissent du fait qu’ils mangent deux fois par jour même si la quantité de nourriture n’est pas suffisante. Pourtant, le pire est qu’ils n’ont pas accès aux toilettes la nuit malgré que ce centre dispose de quatre toilettes, quatre douches et trois robinets d’eau potable. Selon les informations recueillies sur place, ils se soulagent dans des seaux et jettent les déchets le matin comme c’est le cas dans certaines maisons de détention. «Ce qui est gravissime est que pendant le week-end, ces créatures de Dieu restent enfermer dans les salles communes dudit centre. Ils n’ont pas droit de sortir dehors pour déguster la saveur du soleil que Dieu nous a offert», laissent-ils entendre. Et d’ajouter qu’ils portent des haillons malgré la disponibilité de l’eau à cet endroit.

Le ministère ayant la solidarité dans ses attributions s’active pour combattre le phénomène de la mendicité.
Rejoindre leurs familles, leur prière
Au regard des conditions déplorables dans lesquelles ils vivent, certains de ces enfants demandent de les aider afin qu’ils rejoignent leurs familles d’origine. D’autres souhaitent qu’on les aide pour qu’ils soient formés dans différents métiers. Cela dans l’objectif de se créer de l’emploi. Et de préciser qu’il y a d’autres qui veulent retourner sur le banc de l’école.
Un des responsables de ce centre affirme que ces enfants estimés à 65 n’ont ni habits, ni chaussures. Ils dorment sur des nattes dans des salles communes en attendant qu’on trouve des matelas. De plus, ils parviennent à manger deux fois par jour. Et ce centre a une infirmerie pour s’occuper d’eux en cas de maladie, confie-t-il. En cas d’urgence, l’enfant malade est transféré dans un hôpital. De plus, l’hygiène et la propreté sont des activités prioritaires. Chaque matin, on conserve les nattes sur lesquelles ils couchent pour assurer l’assainissement des lieux. Et d’ajouter la prise en charge psychosociale pour leur permettre de changer de comportement. Selon lui, ces enfants y passent au maximum 7 ou 10 jours en attendant qu’ils soient transférés dans leurs familles respectives. Il précise que les causes du phénomène des enfants de la rue sont entre autres la pauvreté des ménages, la délinquance juvénile et le mauvais comportement de certains parents. Pour les adultes appréhendés, Félix Ngendabanyikwa, secrétaire permanent au ministère ayant la solidarité dans ses attributions indique que le ministère en charge de la justice établit des dossiers pour leur infliger des sanctions conformément à la loi. Il invite donc la population à ne pas assister les récalcitrants, car celui qui sera attrapé en flagrant délit de don ou d’assistance sera aussi sanctionné dans l’objectif de maîtriser le phénomène de la mendicité dans tout le pays.
FENADEB : la place de l’enfant ce n’est pas la rue.
Yves Ishimwe, chargé de la planification à la FENADEB se réjouit du fait que l’Etat s’est décidé à combattre la mendicité. Selon lui, la place de l’enfant n’est pas dans la rue. Elle est à l’école. Il est alors ravi du fait que l’Etat va réintégrer ces enfants dans leurs familles d’origine. Seulement, il demande à l’Etat d’étudier d’abord les problèmes qui ont fait qu’ils quittent leurs familles. Il a souligné cela, car pareils efforts ne cessent d’être fournis pour combattre la mendicité. Pourtant, ils reviennent dans la rue au galop après un certain temps. Pour ne pas encore échouer, détecter le nœud du problème pour trouver une solution efficace à cela est une nécessité.
7000 enfants en situation de rue jusqu’en 2021
L’association GIRIYUJA qui assure la protection des enfants affirme aussi que le phénomène des enfants en situation de rue devient de plus en plus inquiétant. Selon les informations relayées par nos confrères de B-NP magazine en 2021, ce phénomène est lié en grande partie à la pauvreté, aux conflits familiaux et à l’augmentation de la population. Il rappelle qu’il y a deux types d’enfants en situation de rue. Ceux qui passent la journée à mendier, soit 12 heures par jour et rentrent le soir (60%), car ils sont en contact régulier avec leurs familles. D’autres ont carrément abandonné leurs familles (40%). En général, ces enfants proviennent des quartiers pauvres comme Buterere, Gisyo. Selon cette association, le Burundi compte aujourd’hui 7.000 enfants en situation de rue dont 5 000 dans Bujumbura Mairie, 120 dans Bujumbura rural, 600 à Kayanza , 530 à Ngozi, 150 à Muyinga, 145 à Kirundo, 155 à Gitega, 147 à Makamba et 153 à Rumonge. Les garçons sont plus nombreux que les filles, soit 90% contre 10%. Cette différence est due au fait que les filles se soumettent plus aux travaux domestiques. Celles-ci sont directement récupérées par l’entourage. Cela non pas par amour, mais pour les exploiter dans des travaux forcés. Quant aux garçons, ils se révoltent et préfèrent rejoindre la rue. Et les plus vulnérables sont ceux qui sont exploités économiquement, explique Giriyuja.
Mgr Eraste Bigirimana de l’Eglise anglicane indique que le phénomène de la mendicité est complexe. Il nécessite donc une coalition des différents partenaires pour éradiquer ce fléau qui fait figure de bombe à retardement, dit-il. Et d’ajouter que le rôle des confessions religieuses est d’une importance capitale sur les plans matériel, moral et spirituel.
Signalons que juste après notre reportage, l’Unicef a octroyé 120 matelas, 120 couvertures et 120 nattes aux centres de transit des enfants en situation de rue dans l’objectif d’améliorer leurs conditions de vie.
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