Il y a quelques jours, la Mutuelle de la Fonction Public s’en prenait à certains pharmaciens les accusant de ne pas servir ses affiliés suivant la nouvelle liste élaborée par cette société. Les pharmaciens disent être accusés à tort et les affiliés se lamentent
Chaque année, les experts de la Mutuelle de la Fonction Publique (MFP) et ceux du ministère de la Santé mettent à jour la liste des médicaments remboursables par la MFP en excluant les médicaments qui ne sont plus sur le marché. Suivant la politique de l’Etat de privilégier les génériques dans la prescription médicale, la MFP a élaboré une nouvelle liste. Ainsi, cette année, la liste est passée de 1255 à 826 médicaments. Ces derniers sont seulement des génériques et des spécialités qui n’ont pas de génériques. D’après Dr Uwineza, le classement se fait par famille thérapeutique. Une ordonnance ministérielle a été publiée dans le but d’appeler les médecins à se conformer à cette politique. Les pharmaciens ont refusé de donner les médicaments en se basant sur cette nouvelle liste de la MFP selon les autorités cette institution. Cependant la nouvelle liste qui devrait entrer en vigueur le 1er octobre est l’origine de la mésentente entre la MFP et les pharmaciens.

Dr Marie-Noëlla Uwineza, directrice des prestations à la MFP : « La MFP est capable de payer les factures des prestations de ses affiliés ».
Les pharmaciens rejettent cette accusation et disent n’avoir pas été consulté dans la prise de cette décision. C’est autour d’une table ronde que la question a été débattue.
La MFP aurait pris une mauvaise décision ?
Comptant autour de 800 mille affiliés, la MFP affirme jusqu’à présent pouvoir payer les factures des prestations de ses affiliés. Dr Noëlla Uwineza, directrice des prestations à la MFP explique que 65% des cotisations à la MFP sont réservées à l’assurance santé, 25% au fonctionnement de l’entreprise et le reste aux moyens de survie de l’entreprise. Cela au moment où beaucoup d’affiliés à la MFP avec qui nous nous sommes entretenus se demandent pourquoi la MFP décide de ne rembourser uniquement que des génériques au moment où même si les deux sortes de médicaments (génériques et spécialités) ont les mêmes principes actifs, les spécialités auraient moins d’effets secondaires (disent certains). Selon les commentaires, cette situation aurait été provoquée par la santé financière de la MFP.
Emmanuel Nyawakira, directeur du département de la pharmacie indique que la MFP a fourni les preuves de tricherie de la part des pharmacies au ministère. « Nous avons analysé ensemble les médicaments qui sont sur le marché avec les experts de la CAMEBU. On a fait le même constat », ajoute-t-il. Au ministère de la Santé, on parle d’une décision non qui ne relève pas du hasard.
Les malades, premières victimes
Les conséquences n’ont pas tardé à se manifester chez les affiliés. De la capitale économique en passant par la capitale politique Gitega, jusqu’à d’autres provinces de l’intérieur du pays, les affiliés se lamentent. Les affiliés expliquent que c’est difficile de trouver un médicament avec un bon de la MFP. Parfois, ils disent que les médecins prescrivent des médicaments qui ne figurent pas sur la liste et qu’ils sont obligés de payer 100%.
Sylvain Babonabakize, le représentant légal du Cadre d’Expression des Malades au Burundi (CEMABU) a des inquiétudes quant à la prime cotisée. Pour lui, si la liste des médicaments remboursables par la MFP est écourtée, il fallait également penser à diminuer la prime prélevée sur le salaire de l’affilié. La question qui est revenu souvent est de savoir si la MFP a consulté les affiliés via les syndicats ou associations. « Aucune décision n’a été prise par la MFP, seulement il y avait un médicament qui avait plusieurs noms avec le même principe actif », indique la directrice des prestations à MFP. Elle indique également que les médicaments ne sont pas revus à la baisse, mais plutôt les noms des médicaments.
La grogne entre la MFP et ses affiliés ne date pas d’aujourd’hui
Le représentant du CEMABU dénonce que même les pharmacies de la MFP refusent de servir ses affiliés. Dr Uwineza dément ses propos. Il indique que les grognes existaient même avant la prise de cette décision entre les affiliés et la MFP. Il regrette que leur espoir que la nouvelle direction de la MFP apporte des améliorations s’éteigne petit à petit.
Gilbert Nyawakira, représentant légal de la Confédération syndicale du Burundi (CSB), dit que les affiliés n’ont pas été consultés et que cela risque de se répercuter sur eux sachant que même avant cette décision, il y avait spécialités dont le grand pourcentage du prix était à charge de l’affilié. Les pharmaciens exigeaient des suppléments en plus des 20% à leur charge. En plus, il indique que les pharmaciens refusaient de servir les spécialités quand il s’agissait des bons de la MFP, mais quand il s’agissait des bons des autres sociétés, ils leur servaient sans problème.
Les pharmaciens se dédouanent
La DG de la MFP dénonçait certaines pharmacies grossistes qui avaient pris l’habitude de fabriquer des emballages avec des noms des spécialités alors que les médicaments qu’ils contenaient étaient des génériques. « Tu ne peux pas changer juste un emballage et puis imposer de payer 30 000 FBu un médicament qui devrait coûter 3.000 FBu » disait-elle.
Le président de l’ordre des pharmaciens trouve que c’est normal qu’un médicament ait plusieurs noms. Seulement, il explique que même si un médicament peut avoir sous plusieurs noms avec les mêmes principes actifs, le nom d’un médicament peut indiquer qu’il a une valeur ajoutée par rapport à un autre. Il donne l’exemple d’un générique qui a un goût amer dont l’usine pharmaceutique décide de changer le nom du médicament du simple fait qu’il a enlevé ce goût. Il explique que le nouveau médicament doit obligatoirement avoir un coût élevé.
« Le principe de la MFP est que l’affilié puisse trouver le médicament. Pour ce qui est du gout ou de l’esthétique n’est pas considéré », mentionne Dr Uwineza. Elle ajoute que le principe de la MFP est que le médicament possède le principe actif.
Pour leur part, les médecins disent que la MFP comme entreprise a le droit de dresser une liste des médicaments remboursables, mais que c’est parfois le malade qui devient victime en cas de prescription d’un médicament qui n’est pas sur la liste. Ils indiquent cependant que la prescription se fait à base des symptômes des malades et des résultats des examens de laboratoire.
Le problème ne réside pas dans la révision des listes
Réviser la liste des médicaments remboursables par la MFP et leurs prix est une bonne chose, mais le président de l’ordre des pharmaciens critique la façon dont la MFP a procédé.

Désiré Bizimana, président de l’ordre des pharmaciens : « La MFP rembourse les médicaments à bas prix de façon que les pharmaciens n’engrangent pas des bénéfices ».
Dans la conférence de presse de la MFP, les responsables de la MFP avaient recommandé aux pharmaciens de donner l’équivalent qui est sur la liste en cas de prescription d’une spécialité en demandant d’abord l’avis du médecin prescripteur. Cependant, le président de l’ordre des pharmaciens fait savoir qu’il y a des cas où les médicaments ne sont pas disponibles et sont insubstituables…La solution est de retourner chez le médecin traitant. En plus, le président de l’ordre des pharmaciens explique que les personnes qui sont derrière les comptoirs des pharmaciens n’ont pas la même formation, n’ont pas la même connaissance des médicaments.
Cependant, si cette situation relèverait d’un cas de tricherie, Nyawakira salue la décision prise, mais demande que la MFP s’assure que ses affiliés n’en soient pas victimes.
Comment expliquer le malentendu entre la MFP et les pharmaciens
Un autre problème évoqué est celui de la pénurie des médicaments dans les pharmacies de la MFP. La directrice des prestations à la MFP explique cette pénurie par les procédures d’importation. Les importations des médicaments doivent passer obligatoirement par les marchés publics. Si les importations des médicaments via les marchés publics ne connaissaient des lenteurs, il n’y aurait pas ce problème de faire appel aux pharmaciens privés », indique-t-elle. Cela étant, on fait recours aux pharmaciens privés quand les médicaments ne sont pas disponibles dans les pharmacies de la MFP.
Le président du conseil de l’ordre des pharmaciens se demande pourquoi la mésentente ne survient toujours qu’avec la MFP alors qu’avec les autres sociétés d’assurance, les pharmacies entretiennent une bonne collaboration. « Pourquoi les affiliés de la MFP seraient les seuls victimes ? » se demande-t-il. Il se demande pourquoi les agents de la MFP qui sont dans les pharmacies permettent que ces médicaments soient servis.
Pour ce qui concerne le prix des médicaments, le président de l’ordre des pharmaciens jette le tort à l’organe qui doit fixer le prix. Pour lui, si cet organe prenait les choses en main, il n’y aurait plus cette spéculation à laquelle le MFP fait allusion. De plus, il indique qu’une autre raison qui pousse les pharmaciens à ne pas servir les affiliés de la MFP est que cette dernière rembourse à bas prix de façon que les pharmacies n’engrangent pas des bénéfices.
Y’a-t-il une solution à ce brouhaha ?
Tous les intervenants approuvent qu’il serait sage de faire asseoir toutes les parties prenantes, afin de trouver une solution qui avantage tout le monde. Mme Uwineza est épouse l’idée et indique que peut-être après les échanges d’autres idées jailliront. « La tenue de cette rencontre est en cours de préparation »
Toutefois, le représentant du ministère de la Santé indique que malgré la politique de l’Etat de prescrire les génériques, en cas d’inefficacité des génériques, on peut prescrire les spécialités.
Il faut mentionner que ces interventions ont été faites dans la synergie des médias de trois radios (Isanganiro, Rema FM et Izere FM), deux journaux (Burundi Eco et Iwacu) et le collectif de bloggeurs YAGA sous le financement de la Coopération Suisse et du Royaume des Pays-Bas via la benevolencija.
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