Economie

Pénurie du carburant : la pêche frappée de plein fouet

Les activités de pêche sont paralysées suite à la pénurie du carburant qui sévit au Burundi et dans la région. La commune de Rumonge enregistre d’énormes manques à gagner provenant des recettes communales. Des conséquences sont aussi énormes pour des gens exerçant des activités connexes

Nous sommes mardi le 12 avril 2022. Il est 18h, au site d’embarquement de Rumonge. Les derniers rayons du soleil illumine une cinquantaine d’embarcations amarrées à une trentaine de mètres du rivage. 

Ces pirogues de pêche se balancent allègrement au gré des vagues du lac Tanganyika. Ils semblent murmurer, se plaindre, ils ne vont pas vaillamment fendre les vagues et prendre d’assaut le large et rentrer au petit matin, bondés de ’’mukeke’’ de ’’ndagala’’ et autres ’’nyamunyamu’’, la fierté de notre lac et de nos cuisines.

Trêve de rêverie, c’est l’heure pour les quelques pêcheurs d’entrer dans les eaux douces du Lac Tanganyika.  Un changement inhabituel s’observe. Il y a peu de mouvement. Peu de pirogues de pêche s’agitent. 

Pendant presque une heure, il n’y a que quelques équipes de pêcheurs (igipe), reconnaissables par leurs gilets de sauvetage de couleur orange, qui viennent se faire enregistrer à la marine burundaise. 

« Il faut s’enregistrer avant d’entrer dans les eaux », nous précise un pêcheur sur place. Trois groupes de pêcheurs se feront enregistrer. Cela au moment où le site de débarquement de Rumonge compte plus de 300 pirogues de pêche munis de moteurs Yamaha pour remorquer deux ou trois autres embarcations. 

« C’est suite à la pénurie du carburant. Presque la majorité ont suspendu les activités de pêche », révèle-t-il, la mine peu enthousiaste. Pressé, faute de temps, le pêcheur rejoint les autres dans l’eau sans nous dire plus. « Il faudra revenir demain matin », lâche-t-il. Le moteur de sa pirogue se met en marche et s’éloigne en quelques minutes du rivage, l’aventure commence.

Le marché est quasiment vide, les claies surélevées pour le séchage du poisson offrent un spectacle désolant.

Mercredi le 13 avril 22. Il est 6h 30 au site de débarquement de Rumonge. Il fait beau. Les rayons du soleil se reflètent sur les eaux du lac Tanganyika. Plusieurs pirogues sont accostées tout prêt des rives. On peut constater qu’un bon nombre de pirogues de pêche n’ont pas pu embarquer la nuit dernière. 

De nombreuses personnes affluent sur les lieux progressivement, curieux de voir la prise du jour : des portefaix, des pêcheurs qui n’ont pas pu prendre le large, faute de carburant, des commerçants venus s’approvisionner, etc. 

L’expression de leur visage en dit long, ils n’attendent pas grand-chose d’autant plus que plus des trois quarts des pirogues de pêche n’ont pas bougé.

L’endroit est méconnaissable : quelques individus prennent douche sur les rives du lac, d’autres lavent leurs habits au moment où d’autres y puise de l’eau. D’habitude, ce point d’embarquement est animé mais il y a ce matin un silence, on entend que le bruit des vagues qui viennent se briser sur le rivage.

Après presqu’une heure sur les lieus, une première pirogue accoste. C’est la désolation totale. La prise n’a pas été bonne avec toutes les dépenses en carburant. 

Les pêcheurs font descendre un seau à moitié vide de ’’ndagala’’ argentés scintillants au soleil. Le marché est quasiment vide, les claies surélevées pour le séchage du poisson offrent un spectacle désolant.

Quand même le marché noir broie du noir

Différents pêcheurs rencontrés affirment se rabattre au marché noir pour avoir du carburant. Selon eux, un bidon de 20 litres se négocie entre 130 mille FBU voire 160 mille FBu alors qu’il se vend à 54 mille FBu en cas normal. 

« Durant cette nuit, nous avons utilisé deux bidons de 40 litres de carburant pour un coût de 220 mille FBu. Mais, vous constatez qu’on a eu un demi seau de ’’ndagala’’ d’une valeur d’environ 50 mille FBu. C’est une perte pour nous et pour le patron », se lamente J. C, pêcheur, il vient de sortir du lac Tanganyika, déçu. 

Les pêcheurs dénoncent qu’ils sont souvent attrapés en possession de bidons contenant du carburant sur la route Bujumbura-Rumonge. « On se ravitaille dans des bidons. Il n’y a pas d’autres moyens ». Ils demandent au ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines de leur accorder des autorisations spéciales pour s’approvisionner n’importe où et dans des bidons

Des conséquences énormes

Selon Gabriel Toyi, président de la Fédération des pêcheurs le nombre des pêcheurs au Burundi s’élève à plus de 15 mille. « Ils n’ont d’autre activité que la pêche ». 

Sans carburant, il n’y a pas de travail et s’ils n’exercent pas leur métier, ils n’ont pas de quoi nourrir leurs familles, explique-t-il, le regard perdu dans le lac. Un patron-pêcheur rencontré sur les lieux fait savoir qu’une semaine vient de s’écouler sans pêche. Ses pirogues sont à l’arrêt. Il précise avoir déjà enregistré une perte d’1 million de FBu. 

Des personnes exerçant des activités connexes à la pêche sont aussi touchées par l’arrêt des activités de pêche comme ceux qui déchargent les bateaux, ceux qui sèchent le poisson, ceux qui rechargent les grosses batteries pour les lampes de pêche ou encore les réparateurs de moteurs. « Auparavant, je parvenais à gagner 20 à 30 mille FBu par jour mais actuellement je ne travaille pas. Je ne sais pas comment nourrir ma famille », se demande Pierre Ndayisenga, portefaix au site de débarquement de Rumonge. 

Une femme détenant un restaurant sur place affirme avoir réduit la quantité de nourriture pour ses clients. « Normalement, je préparais 6 kg de riz le matin mais aujourd’hui je n’ai préparé que 3 kg par manque de clients ». 

Dans différents restaurant-bars, le prix du poisson a pris l’ascenseur : un poisson grillé ’’mukeke’’ qui se vendait à 5000 FBu, il y a une semaine se négocie entre 7.000 et 8.000 FBu voire plus quand, il y en a. 

Les taxes communales plongent

Approché, l’administrateur de la commune Rumonge, confie que les recettes communales sont en chute libre faute de poisson. Selon Jérémy Bizimana, sa commune enregistre chaque jour une perte de plus d’  un million de FBu issu de la taxation des produits halieutiques par rapport au mois précédent.

A propos de l'auteur

Bruce Habarugira.

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