Genre

Quand le harcèlement sexuel gâche toute une carrière

Le harcèlement sexuel demeure un sujet presque tabou. Une des organisations des professionnels des medias vient de briser le plafond en enquêtant sur l’ampleur de ce phénomène dans les organes de presse. Les résultats de cette enquête sont sans appel avec des conséquences qui ruinent à petit feu toute une carrière.

Francine Ndihokubwayo, journaliste et présidente de l’AFJO : «Le caractère tabou des questions se rapportant au sexe dans la culture burundaise empêchent les victimes à dénoncer les auteurs. ».

Dans les milieux professionnels, le fait d’aborder un sujet relatif au harcèlement sexuel irrite les sensibilités. Le phénomène fait objet  d’une opposition farouche chez les conservateurs et des réticences chez une bonne partie des victimes qui souhaitent protéger leur dignité.  Des voix s’élèvent pour briser le silence et agir pour prévenir les cas de violences sexuelles (abus et exploitation sexuels) en milieu de travail.

Un fléau pour l’humanité

Les violences sexuelles et basées sur le genre constituent un fléau pour l’humanité. Certes, les médias contribuent à la prise de conscience sur le phénomène: dénonciation, prévention, vulgarisation de la loi spécifique sur les VBG,…mais les professionnels des médias ne sont pas à l’abri de ce phénomène, alerte Mme Francine Ndihokubwayo, journaliste et présidente de l’Association des Femmes Journalistes du Burundi (AFJO).

Cette organisation professionnelle dont la principale mission est de promouvoir et de défendre les droits des femmes en général et des femmes journalistes en particulier estime que ce phénomène figure parmi les défis à la participation des femmes dans les médias, identifiés dans la Charte des Médias sensibles au genre et aux jeunes.   « Le harcèlement sexuel est défini comme toute forme de comportement non désiré, verbal, non verbal ou physique, à caractère sexuel, qu’il ait lieu entre égaux ou dans le cadre d’une hiérarchie ; le fait d’user à l’encontre d’autrui d’ordres, de menaces ou de contrainte physique ou physiologique, ou de pressions graves, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, en abusant de l’autorité conférée par ses fonctions ».

Des comportements assimilés au harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel reste un sujet  presque tabou. Ce phénomène est éclipsé par le manque de statistiques qui le décrivent. Même les témoignages sont rares et timides. Une récente  étude menée par l’AFJO auprès de 120 journalistes en novembre 2022 met en exergue les différentes formes de violences ignorées jusque-là, mais qui hantent le secteur médiatique. Les résultats montrent que les harceleurs exigent des caresses, des rencontres et des faveurs sexuelles (selon 52,4% des enquêtés), rappelle Mme Ndihokubwayo.

Dans le pire des cas, ils menacent  de chasser ou de réprimander une personne si elle refuse des avances sexuelles. De plus, les participants à cette enquête rapportent des contacts physiques ou attouchements corporels comme gestes déplacés assimilables au harcèlement sexuel. Il en est de même pour les messages romantiques ou tendancieux reçus par téléphone ou par mail. Ces messages sont accompagnés par des images sexuelles non sollicitées qui dérangent l’intimité. L’étude n’a  pas passé pas sous silence les cadeaux tendancieux et la fixation du regard aux parties intimes. Le point culminant est atteint quand les harceleurs s’autorisent d’inviter les victimes présumées à sortir ensemble, à une visite à la maison ou à prendre un verre ensemble.

Un lourd silence sur le harcèlement sexuel

D’après la présidente de l’AFJO, la dénonciation des auteurs pose problèmes. Seuls 38% des enquêtés  avouent s’être confiés à quelqu’un après avoir été victime d’un harcèlement alors que 23,8% des enquêtés n’ont rien dit.

Les raisons avancées sont, entre autres : la crainte de perdre l’emploi  (pour 60,3% des enquêtés), la peur d’être stigmatisée (pour 46,8%) ou réprimée par l’auteur. De plus, le caractère tabou des questions se rapportant au sexe dans la culture burundaise empêchent les victimes à dénoncer les auteurs. A en croire l’étude, les auteurs sont souvent  un supérieur hiérarchique ou une personne ayant une position hiérarchique supérieure à celle de la victime, un collègue ou une personne ressource.

Le harcèlement, un phénomène à lourdes conséquences

Le fait de banaliser les questions relatives au harcèlement sexuel de la part des professionnels suscite des interrogations. Le risque est que les victimes seront traumatisées et elles perdront le goût de développer des sujets y relatifs, d’être la voix des sans voix ou de s’intéresser aux sujets relatifs aux violences sexuelles. La présidente de l’AFJO prédit le pire : il y aura un désintéressement des femmes envers le métier de journaliste.

L’une des conséquences néfastes est que les victimes développent une forme de dépression suite au harcèlement chronique et finissent par ranger les micros. D’autres des mécanismes d’autodéfense. De surcroit, les journalistes ne sont plus des bons acteurs dans la défense et la promotion des droits de l’homme

Des stratégies de lutte contre le harcèlement sexuel

Certaines victimes préfèrent garder le silence, de peur de perdre leur emploi,  d’être stigmatisées; ou du fait que les questions liées au sexe sont tabous dans la culture burundaise. De ce fait, les stratégies de prévention et de lutte contre le harcèlement doivent insister sur la libération de la parole sur le phénomène, car c’est elle qui permettra d’en connaître davantage les causes.

L’AFJO a déjà mis en place une cellule d’écoute et d’orientation des victimes. Ces dernières peuvent appeler au numéro vert (67 701 701) pour dénoncer les cas de harcèlement.  Il a été élaboré et adopté par les responsables des médias un code de conduite pour prévenir le harcèlement sexuel dans les médias. Ainsi donc, l’AFJO reste disposée à collaborer avec d’autres partenaires pour relever ce défi. Mme Ndihokubwayo encourage les journalistes à briser le silence sur ce phénomène.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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