Société

Quid de l’insertion professionnelle des étudiants handicapés ?

L’insertion professionnelle des étudiants handicapés pose problème. Les connaissances disponibles sur l’accès à l’enseignement supérieur des jeunes handicapés et leur devenir professionnel sont encore incertaines et limitées. Pourtant, Sophie Ntirandekura, une des étudiantes en situations d’handicap ne baisse pas les bras

Depuis son  jeune âge, ses parents ne le délaissent pas. «  Nous ferons tout pour nous adapter à votre handicap », m’ont-ils assuré. Elle était soutenue. Les parents l’emmenaient à l’école. Elle  a fait ses études primaires au centre des handicapés Saint Jean Bosco de Muyinga. C’est là d’ailleurs que Sophie Ntirandekura a eu de l’expérience dans la vannerie. Puis elle a fait  l’école secondaire au Lycée Technique Christ Roi de Mushasha dans la section  Gestion et Comptabilité.

L’année 2017 marque un tournant pour elle. Sophie Ntirandekura a eu la chance de réussir à l’examen d’Etat. Elle  entre à l’université du Burundi dans l’Institut Supérieur de Commerce (ISCO) dans le département de développement communautaire. C’est cette année-là qu’elle entre dans la vie active. Elle commença difficilement mais, peu après, elle s’habitua malgré son infirmité. Pour le moment, elle fait le Bac3.  Toutefois, elle n’a pas baissé les bras. Elle continue son métier de vannerie malgré les difficultés auxquelles elle fait  face quotidiennement.  De la vannerie, elle sait  bien tirer profit. A côté de la modique bourse qu’elle perçoit chaque mois, elle parvient à  subvenir à ses besoins quotidiens.  Sa vie   s’est considérablement améliorée depuis lors.

Faire l’université étant handicapée n’arrange pas les choses

Selon Sophie Ntirandekura,  être handicapé entraîne forcement des difficultés. Il faut s’adapter. Il faut une certaine  organisation pour les cours,  passer les examens partiels… Mais les professeurs sont conciliants. Une fois que les adaptations sont faites, ça se passe plutôt bien, quand bien même on apprend beaucoup à se débrouiller et à développer les compétences. Je ne me sens pas  discriminé, même si les autres étudiants n’ont pas été pour la plupart confrontés au handicap auparavant. Elle précise que malgré son infirmité, elle parvient à suivre les cours comme tant d’autres étudiants à la vie normale. Pour être au même niveau, il faut faire preuve de volonté. »

Elle fait beaucoup de temps pour arriver à la faculté. Cependant, pour arriver à la faculté, elle se lève très tôt pour aller voir si quelqu’un de bonne foi peut lui donner un rift. Rappelons que Sophie Ntirandekura est logée au Campus Mutanga et doit aller suivre les cours au Campus Rohero IPA. Parmi 60 étudiants, elle est seule à vivre avec un handicap. Elle fait 3 km pour arriver à l’IPA chaque jour. C’est un travail de longue haleine pour elle.  Il lui arrive souvent de  manquer un rift pour arriver à l’heure. Toutefois, elle ne suit pas les cours tous les jours.  Les moyens déplacements lui font défaut.

Sophie Ntirandekura, handicapée de naissance fait l’université et n’a pas croisé les bras. Elle fait des activités paracadémiques

Mais elle  persévère dans la vie estudiantine. Elle nous a révélé que les difficultés sont nombreuses. Durant la période des sessions, parfois je passe l’examen  en solo.  Sophie Ntirandekura affirme que c’est à cause de l’absence des infrastructures adaptées  à sa vie d’ handicapé.

Etre handicapé n’est pas synonyme de croiser les bras

Handicapé de naissance, Sophie Ntirandekura  n’a pas croisé les bras. Elle fait des activités paracadémiques. Elle nous a révélé que lorsqu’elle n’est pas à la faculté, elle fait la vannerie.  Là où elle vit au campus Mutanga, il y avait des corbeilles et des paniers sur sa table. Impressionné par la beauté de ces corbeilles et de ces paniers qui  décorent  sa chambre, je lui ai  posé la question de savoir d’où lui est  venue l’idée de faire  tout cela. Elle m’a expliqué qu’elle faisait la vannerie depuis longtemps. Elle  l’a apprise grâce à sa mère.  Oui, je  fais la vannerie parce que ma mère le faisait depuis longtemps, j’appréciais les corbeilles qu’elle tressait et le design qu’elle leur donnait à la finition, dixit Sophie Ntirandekura. C’est là d’où est née l’idée de la vannerie qui tient à cœur Sophie Ntirandekura. Hormis ses frères, que ce soit mes grandes ou petites sœurs, elles exercent le métier de vannerie. Sophie Ntirandekura est la seule qui est  parvenue à faire l’université parmi les sept filles et trois garçons que compte sa famille.

Elle a dit qu’elle a été encouragée par sa mère qui voyait qu’elle était incapable de faire d’autres activités au même titre que les autres enfants. Pour elle, son travail paracadémique n’est pas aisé.  Les défis sont de taille.  Les matières premières qu’elle utilise sont difficiles à trouver. Les matériels  doivent être importés de Muyinga, sa province natale  ou de  Kirundo. A Bujumbura, il n’y a pas de tiges de papyrus sec.  Je vous rappelle que ces corbeilles sont fabriquées à base de tiges de papyrus et de cordes en plastique. Les sacs de différentes couleurs, elle les  achète au marché entre 800FBu et 1000FBu le sac. Elle a fait savoir que  dans une période d’un mois, elle fabriquera 4 corbeilles et paniers. J’ai choisi de faire la vannerie pour gagner de l’argent en vue de  satisfaire  mes besoins, dit-elle.

Se déplacer est difficile pour les handicapés

Aujourd’hui, Sophie Ntirandekura  considère la vannerie comme son métier.  Le temps qu’elle lui consacre  peut aller jusqu’à 5 jours par  semaine. Le problème qu’elle rencontre en tant qu’étudiante  c’est seulement le manque de temps suffisant pour réviser les cours. Ses collègues l’encouragent dans ces activités paracadémiques et veulent eux aussi apprendre la vannerie.  Après ses études universitaires, Sophie Ntirandekura compte mettre sur pied un atelier de vannerie si les moyens le lui permettent. Elle a précisé qu’en tant qu’étudiante en situation d’handicap, elle a des problèmes pour suivre les cours aisément. Les universités  n’ont pas de salles adaptées à leur handicap. Les étudiants qui sont dans les chaises roulantes ont des difficultés de suivre les cours dans les auditoires en étages. Elle leur arrive souvent pour elle de ne pas faire la classe si le cours est dispensé dans des auditoires en étage. Elle nous a révélé qu’elle rebrousse chemin dans ce cas. Elle ajoute que même les logements et d’autres infrastructures ne collent pas à leur infirmité. Les barres d’accès qui devaient être installées dans les toilettes restent à l’état de projet. Elle a précisé qu’elles sont de moins  en moins nombreuses en tant qu’étudiants à l’université, mais aussi dans les grandes écoles.

Un environnement favorable à la réussite académique

Peu d’études ont porté sur les besoins des étudiants handicapés. Il est important que leur situation actuelle dans les écoles soit étudiée afin de pouvoir fournir des pistes d’intervention pour les personnes impliquées dans leur réussite académique que soient leurs professeurs ou les services d’adaptation pour personnes handicapées. Il importe de supprimer les barrières et de mettre en place des conditions favorables à la réussite des étudiants handicapés. Elle demande aux autorités de tout faire  d’une part pour s’assurer que ces derniers ont un plus large accès à l’éducation supérieure et, d’autre part, pour les aider à réussir leurs études. Les retombées de cette recherche permettront de trouver des réponses aux problèmes des étudiants handicapés. Pour elle, il s’agit de savoir quels sont les facteurs qui rendent leurs études plus faciles ou plus difficiles ? Quelles sont les différences et les similarités entre les étudiants  handicapés et ceux qui ne le sont pas ?  Quels sont les facteurs qui peuvent améliorer la qualité de vie des handicapés et leur taux de  réussite  à l’université?

Sophie Ntirandekura a terminé son propos sur une note d’espoir. Elle pense que d’autres handicapés vont faire les études supérieures comme lui. Et  de prodiguer  les  conseils  aux étudiants comme quoi le travail ennoblit l’homme.  Il faut apprendre  à connaître toute activité génératrice de revenus.

A propos de l'auteur

Ferdinand Mbonihankuye.

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