La pêche est une activité multitâche. Les transporteurs, les fournisseurs de poissons, les commerçants, les pêcheurs, chacun y trouve son compte. La pêche est une activité génératrice de revenus. Des milliers de personnes vivent aux dépens de la pêche. Ceux qui sèchent le poisson, ceux qui déchargent les bateaux ou encore ceux qui rechargent les batteries vivent indirectement de la pêche. Dans ce numéro, nous vous amenons à découvrir comment la pêche stimule les activités entrepreneuriales
Isidore Rwasa est membre du club « ABASHAZANGENDO », ces hommes musclés qui font le chargement et le déchargement des bateaux. Ce jour-là, il attend avec impatience l’accostage des bateaux des pêcheurs. Il vit essentiellement de ce métier qui exige de la patience et du courage. Il se lève tous les matins pour transporter des caisses de poissons.
Les portefaix n’ont pas de salaires bien définis. Ils sont rémunérés par caisse en fonction des captures de la journée. Par conséquent, si la production chute, les portefaix se retrouvent dans la galère. Ils s’arrangent pour trouver de quoi mettre sous la dent. Ikibubu (une caisse de poissons frais) est transportée pour 1 000 FBu ou 2 000 FBu, tandis qu’un seau rempli de poissons frais est transporté pour 500 ou 1 000 FBu, raconte Rwasa.
L’épargne, un mode de survie ?
Notre interlocuteur dénonce le comportement de certains commerçants qui refusent de payer les frais de déchargement. « Après le déchargement des pirogues, certains commerçants de mauvaise foi refusent de nous payer. Nous rentrons bredouille puisque personne ne peut répondre à nos réclamations »
En cas de suspension des activités de pêche-une semaine par mois-, les Bashazangendo vivent de l’argent épargné pendant la période de pêche ou migrent vers d’autres activités. Néanmoins ils apprécient leur travail. « Ce métier nous permet de subvenir aux besoins de nos familles ».
Un pêcheur qui a requis l’anonymat dénonce les mauvaises conditions de travail de ses collegues. Ce quadragénaire est un habitué des lieux, il exerce le métier de pêcheur depuis une dizaine d’années. Pour lui, l’endettement est le principal défi des pêcheurs burundais. Suite à la baisse de la production, le pêcheur touche un salaire minable, regrette-t-il.

Des milliers de personnes vivent aux dépens de la pêche. Ceux qui sèchent le poisson. Par exemple, une caisse de poissons frais est transportée pour 1 000 FBu ou 2 000 FBu.
Le séchage des Ndagala, un métier très prisé par les jeunes
La plupart des jeunes prestaient au site de débarquement de Rumonge. Ils exercent les activités de conditionnement du poisson frais. Ils sèchent les Ndagalas à la lumière du jour sur des claies. Ils gardent également les claies de séchage pendant la nuit. Ils sont payés entre 1500 FBu et 2000 FBu par jour.
Pour les journées ensoleillées, le séchage dure deux jours. Quand il y a un ciel nuageux ou des orages, l’activité peut durer quatre à cinq jours. Dans ce cas, la qualité des Ndagalas se dégrade. Les produits sont couverts à l’aide des sachets imperméables. Les Ndagalas dégagent des odeurs nauséabondes. Quand on les consomme, ils sont agressifs comme s’ils contenaient du piment. On les appelle des Nyamununga. Leur prix est très bas par rapport à celui des Ndagala de meilleure qualité. Un fournisseur de poissons explique que quand il pleut, il travaille à perte.
La recharge des batteries, une activité florissante
Les pêcheurs utilisent les lampes à batteries dans leurs activités nocturnes. Des batteries d’accumulateurs sont utilisées comme source d’énergie. Sur le littoral, le business de recharge des batteries s’y est développé.
Vianney Nimfasha est un jeune qui tient un kiosque disposant d’une centrale de recharge des batteries. A l’intérieur, on aperçoit plus de cinquante batteries interconnectées par des fils conducteurs avec attaches métalliques. Les frais de recharge varient entre 1 500 FBu et 2000 FBu par pièce. C’est un vrai business. Le versement journalier oscille entre 100 000 et 200 000 FBu. Le gars passe toute la journée à soulever les batteries. Son activité s’arrête avec la fermeture du lac. Il rentre le soir très épuisé, dit-il.
Pas de métier sans risque
Pour identifier les batteries, on y inscrit les noms des propriétaires. Ainsi on peut lire « YALE YALE MUNYONGE ». Les batteries peuvent exploser ou provoquer des courts circuits. Dans ce cas, la batterie est vite retirée du circuit d’alimentation. En outre, le jeune homme manipule les batteries sans protection : il ne porte ni masque de protection ni gants. Ce qui l’expose à des risques d’intoxication. Le kiosque ne dispose pas non plus d’un système anti-incendie.
Ce business nécessite un investissement conséquent. Il faut avoir un compteur électrique et d’autres équipements électriques qui sont onéreux, rapporte notre interlocuteur. M. Nimfasha est natif de la commune Rumonge dans la province de Rumonge. Il indique qu’il dispose d’un voltmètre pour vérifier la tension électrique. Pour une batterie à plat, le voltmètre indique 10 à 12 V alors qu’à l’état plein, l’appareil affiche 13V et plus.
La fabrication des bateaux, une affaire des connaisseurs
Le métier de fabricant des bateaux est réservé aux initiées. Rares sont les menuisiers qui maîtrisent le calcul des angles et la détermination de la capacité du bateau. A coups de marteau, Oscar Havyarimana apporte les dernières retouches au premier bateau en planche qui sera largué sur le lac Dogodogo situé dans la province de Cibitoke. Ce quadragénaire relaie le fabricant de bateau de pêche en provenance de Rumonge. A notre arrivée au site de Rugombo, celui-ci était déjà parti.
Notre interlocuteur s’occupe de la phase finale du bateau avant de livrer la commande. M. Havyarimana nous explique comment on fabrique un bateau. Du moins, les principales étapes. C’est une affaire des connaisseurs ! On fixe quatre piquets équidistants sur lesquels on va monter des planches. Il faut deux à trois jours pour monter un bateau de 3,20 m avec des planches de 10 m, se remémore-t-il. Le coût total s’élève à 200 000 FBu. On va utiliser des pagaies pour ramer. Il s’occuper de mettre du coton trempé dans l’huile entre une planche et une autre pour empêcher l’eau de s’infiltrer. Les planches sont accolées les unes aux autres à l’aide des clous en suivant la forme longitudinale du bateau. Pour couronner le tout, on utilise des fers à béton réadaptés pour fixer les coins des bateaux. L’affaire terminée, il reste à mettre le bateau sur l’eau.
Pour rappel, de nombreuses femmes qui préparaient la nourriture pour les pêcheurs (Abapishi) ont été définitivement chassées du site de débarquement. Cette mesure a été prise pour décourager le phénomène de concubinage qui était endémique dans les régions côtières. La plupart d’entre elles se sont tournées vers le commerce des produits halieutiques.
Bon article