Gouvernance

Récupérer les terrains de l’ESTA accaparés par les privés : David contre Goliath

Le jour de la célébration du 61ème anniversaire de l’indépendance, le président a décoré les personnes qui ont dû surpasser leurs intérêts personnels au profit de l’intérêt général. Parmi ceux-ci, il y avait Isaïe Mbonihankuye, directeur de l’Ecole Secondaire des Techniques Administratives (ESTA) qui s’est battue bec et ongles pour récupérer les terrains de l’école qui ont été octroyés par les privés. Un combat qui a fallu lui coûter la vie

Isaïe Mbonihankuye, directeur de l’Ecole Secondaire des Techniques Administratives (ESTA) : « Quand le travail que tu as abattu te rends fier, tu as la paix du cœur. Et cette paix n’a pas de prix ». (Photo : Akeza net)

En 1953, l’athénée primaire a été créé puis supprimé en 2003 pour que ses locaux puissent abriter désormais l’ESTA à partir de 2004. Cette dernière occupait à l’époque les locaux qui par après ont abrité l’Ecole Normale Supérieure (ENS) mais qui, aujourd’hui, abrite le Lycée Vugizo. C’est là que Isaïe Mbonihankuye, directeur de l’ESTA depuis 1997 tombe dans l’affaire des terrains qui ont été ôtés à l’Athénée Primaire pour être octroyés aux privés. Le Directeur de l’ESTA fait savoir qu’à cette époque, on disait que le but de la suppression de l’Athénée Primaire était de faire taire les parents des enfants qui avaient déjà engagé un procès pour récupérer ces terrains. C’est là qu’Isaïe Mbonihankuye s’engage à prendre la relève du comité des parents et à commencer à récupérer tous les terrains dont les premières spoliations datent des années 1970 et les derniers de 2016, qui se situe entre 1 à 1,5 ha, soit près de la moitié de l’ensemble de la superficie de l’école.

Le calvaire du directeur commence

Dès qu’il a commencé le combat de récupération des terrains désormais appartenant à l’ESTA, les problèmes ont commencé pour lui puisque ceux qui avaient attribué ces terrains aux privés étaient soit un ancien ministre, soit un haut cadre de l’Etat, des gens qui étaient plus puissants que lui. Il raconte : « Ces derniers sachant qu’ils avaient octroyer ces terrains dans l’irrégularité ont tenté de le corrompre, mais sans succès. Après, ils ont tenté de me faire chanter parce qu’ils voulaient m’écarter de cette affaire. J’ai été renvoyé de mon travail, mais j’ai réintégré plus tard après m’être expliqué »

Pas que ça. Ayant tout tenter pour le faire arrêter, mais en vain, le directeur dit qu’il a su qu’un projet de l’éliminer a été concocté mais que Dieu l’a secouru. « Toutefois, je sentais que peu importe ce que j’encourais, je devrais aller jusqu’au bout et accomplir la mission que le pays m’avait chargé de préserver ses biens », témoigne-t-il

« Je n’ai pas été flatté par l’argent. »

Mbonihankuye dit que ceux qui s’étaient accaparés des propriétés de l’école lui avait proposé une grosse somme d’argent pour qu’il puisse abandonner l’affaire. “ Je savais que ceux qui possédaient ces terrains pouvaient me donner une grosse somme d’argent et que je pourrais me frotter les mains, mais je n’allais pas avoir la paix dans mon cœur. Mon esprit m’aurait toujours accusé de la haute trahison ».

Mais, pourquoi ce directeur va-t-il risqué sa vie pour récupérer des biens qu’il ne va pas bénéficier directement. Mbonihankuye explique que l’éducation qui l’a reçue lui a permis d’acquérir une certaine valeur : mettre la dignité devant les biens matériels. « Il y a des gens qui se moquent de moi du fait que je ne possède même pas une voiture alors que je suis directeur d’une école qui se porte bien financièrement », confie-il avant de lancer : « Ma dignité n’a pas de valeur. On ne peut pas la convertir en termes des richesses ». Pour lui, quand on a la fierté venant d’un travail qu’on a fait, cela suffit pour avoir la paix du cœur. « Et cette paix n’a pas de prix », souligne-t-il.

Les antivaleurs priment désormais sur les valeurs.

Mbonihankuye regrette le mépris réservé aux valeurs qui étaient les piliers de la société de nos ancêtres.  « Les antivaleurs sont désormais considérés comme des valeurs », fait-il observer avant d’ajouter : « Se battre pour l’intérêt général est considéré comme un manque de sens. Aujourd’hui, les gens qui ont le courage de s’accumuler des richesses, peu importe les moyens utilisés, sont considérés comme des vaillants », se désole-t-il.

Aujourd’hui, la propriété de l’ESTA a été récupérée en totalité après un long combat judiciaire. Le directeur estime qu’elle sera bientôt clôturée. « C’est une fierté, mais surtout une victoire pour moi, pour ceux qui m’ont aidé dans ce combat, mais surtout un bon exemple pour tout Burundais qui ne croyait plus en l’existence des personnes qui défendent l’intérêt général », dit-il fièrement.

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.

Un commentaire

Les commentaires sont fermés.

éditorial

Faire respecter les prix : Une mission impossible

Faire respecter les prix : Une mission impossible

Au mois de décembre dernier, un ultimatum de 15 jours a été donné au ministère en charge du commerce par le Président de la République du Burundi pour faire face aux défis liés à la spéculation sur les prix. Cependant, les prix n’ont pas été fixés dans le délai imparti. Ce n’est que le 27 mars 2025, trois mois après, que la ministre en charge du commerce a signé une ordonnance fixant les prix minimums et maximums d’une trentaine de produits de première nécessité tels que le riz, les haricots, la viande, la farine de maïs, les pommes de terre, etc.

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 655

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook

  • éditorial

    Faire respecter les prix : Une mission impossible

    Faire respecter les prix : Une mission impossible

    Au mois de décembre dernier, un ultimatum de 15 jours a été donné au ministère en charge du commerce par le Président de la République du Burundi pour faire face aux défis liés à la spéculation sur les prix. Cependant, les prix n’ont pas été fixés dans le délai imparti. Ce n’est que le 27 mars 2025, trois mois après, que la ministre en charge du commerce a signé une ordonnance fixant les prix minimums et maximums d’une trentaine de produits de première nécessité tels que le riz, les haricots, la viande, la farine de maïs, les pommes de terre, etc.
  • Journal n° 655

  • Dossiers Pédagogiques