Minerval, matériel de cours, équipements divers, logement, transport… Les études supérieures peuvent devenir un réel gouffre financier pour les étudiants. Des dépenses colossales qui empêchent de plus en plus les étudiants à mener une vie décente, là où la précarité estudiantine s’impose chaque année un peu plus suite au coût de la vie. Burundi Eco a fait un tour dans un quartier devenu depuis quelques années un nouveau home de plus d’une centaine d’étudiants boursiers et prêt boursier

On est au quartier Kanyare, un des quartiers de la zone Rohero qui abrite les étudiants de l’université du Burundi. Il suffit d’arpenter les escaliers de ce quartier pour s’engloutir dans le fief des étudiants boursiers et prêt boursiers qui n’ont pas eu cette noble chance de loger dans les homes universitaires. Des sentiers labyrinthes nous y mènent, tout au long de cette pente fragile qui ne connaîtra peut-être pas de route asphaltée, car jonchée sur une montagne laide. Les seules maisonnettes qui servent d’abris aux étudiants sont construites au bord d’un ravin. Seuls les ouvriers pourraient révéler le secret dont ils ont pu user pour arriver à y ériger ces maisons.
Dans une des chambrettes, une femme étudiante est assise avec son bébé dans ses bras. Quand elle apprend que nous sommes là pour un reportage, elle se met à se lamenter que depuis qu’elle est là, d’autres reporters sont toujours venus constater leurs conditions de vie mais que jusque-là aucun changement n’a été opéré. Nous arpentons le sentier et nous trouvons contrebas du sentier, des jeunes hommes qui bavardent entre eux. Une fois les présentations finies, on a eu l’impression qu’ils attendaient depuis longtemps l’occasion de révéler au « monde extérieur » leur vie dans ce coin loin de leur université. «Nous avons déjà maintes fois parlé de notre cas, mais aucun changement n’a été opéré pour nous sortir de cette galère», lance un d’entre eux le visage dans le vide. Avec raison, car les conditions dans lesquelles ils vivent sont très différentes de celle de leurs collègues qui se la coulent douce dans les homes universitaires. Une petite baraque d’environ 4 m² sert de logement à huit personnes. Pour la plupart des locaux, l’ameublement est constitué d’une petite table, et de deux ou trois tabourets.

A l’extérieur, un espace fait office de cuisine et de barza pour la trentaine de locataires d’une même parcelle. Histoire de départager les 40.000 FBu de loyer vu que quelques-uns d’entre eux, depuis bientôt 6 mois, n’ont jamais touché un sou sur leur prêt bourse
Le retard dans la perception, une épine dans le pied des étudiants
Le retard dans la perception de ce prêt-bourse pousse les étudiants à se retrouver dans le surendettement. Parfois, ils ne peuvent pas trouver de l’argent pour les photocopies. « Sans prêt-bourse nous ne pouvons plus bien suivre les cours. Nous venons de l’intérieur du pays, de familles modestes. On n’a pas de familles qui peuvent nous héberger à Bujumbura. Il y en a qui ont préféré abandonner le cursus universitaire. On contracte des dettes ici et là dans l’attente du prêt-bourse », fait savoir Jean de Dieu Sibomana, étudiant habitant à Kanyare.
Par exemple, les étudiants de Bac 2 viennent de passer plus de 5 mois sans toucher le prêt-bourse. « Comment peut-on vivre pendant une telle longue période sans aucune autre source de revenu ? Des anomalies caractérisent aussi le Bureau des Bourses d’Etudes et de Stage (BBES). Chaque étudiant doit payer 500 FBu dit de « transport » retiré à la source. Imaginez-vous plus de 800 étudiants qui doivent payer cette somme ! Où va cet argent », s’interroge cet étudiant. Avec le retard du prêt-bourse, ces étudiants affirment que beaucoup d’entre eux ratent les examens parce qu’ils n’ont pas pu avoir les moyens de faire les photocopies des syllabus à temps. « Je connais au moins trois étudiants qui ont raté la session à cause du manque de syllabus », confie-t-il.
Il y avait dans le temps un budget pour le déplacement des étudiants. Actuellement, les frais de déplacement ne sont plus disponibles. «Nous accusons les autorités de contribuer la médiocrité de nos résultats, car ils ne font rien pour améliorer les conditions de vie de certains étudiants», martèle un étudiant. Il y a deux poids deux mesures car ceux qui logent dans les homes universitaires sont un peu privilégiés. «Personne ne se soucie de la vie des étudiants externes. Ils ne savent pas comment nous vivons», s’indignent ces étudiants.
Une vie de misère, des conséquences aussi fâcheuses
Malgré la frustration des étudiants rencontrés sur place, ceux-ci acceptent de se confier et nous accueillent dans leur maisonnette. Ces étudiants se débrouillent comme ils peuvent pour trouver quotidiennement de quoi manger mais aussi pour se payer les photocopies de syllabus. Ils doivent aussi établir un horaire pour la préparation de la nourriture. « Chacun doit cotiser mensuellement 25.000 FBu pour la ration. Certains ne parviennent pas à les trouver. On doit se serrer les coudes, car on comprend la situation de tout un chacun », indique un autre étudiant. Avec autant de dettes, même quand le prêt-bourse arrive sur leurs comptes, ils font savoir que c’est difficile de tout rembourser et de rester avec une petite somme.
Le taux de réussite va decrescendo
Selon les étudiants de Kanyare, leurs conditions de vie ont une influence sur leur bas niveau de réussite. «Beaucoup d’entre nous, surtout ceux qui fréquentent le campus Rohero, doivent rester toute la journée à la faculté, ventre vide. En rentrant, ils sont fatigués et à côté de cela, le temps de préparer de quoi manger, le temps pour la révision des cours est très réduite», témoigne Jackson. Les conditions d’apprentissage laissent à désirer. La petite chambrette n’est pas confortable pour huit personnes à faire la révision des cours avec la chaleur qui se trouve à l’intérieur. Partout où nous sommes passés devant les maisonnettes, des étudiants étaient dehors relisant leurs syllabus. Un autre problème aussi important c’est que ces étudiants n’ont plus le temps de fréquenter les bibliothèques suite au manque de frais de transport. «Les professeurs nous demandent de se documenter en consultant les livres dans différentes bibliothèques, mais nous sommes incapables de le faire par manque de moyens de déplacement. C’est difficile pour nous de rentrer à pied à plus de 3 km et de refaire ce chemin pour retourner dans la bibliothèque», relate un des étudiants.
Des inquiétudes quant au remboursement se font aussi remarquer
L’article 23 de l’ordonnance signé conjointement par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et celui des Finances, du Budget et de la Coopération au Développement Economique en date du 22 mars 2018 stipule que tout étudiant qui a bénéficié du prêt-bourse doit le rembourser dès qu’il commence à exercer un emploi ou une activité génératrice de revenu. Et l’article 24 dit que tout employeur public ou privé, avant de signer un contrat de travail avec son employé détenteur d’un titre universitaire doit exiger comme élément constitutif une attestation de redevabilité ou de non-redevabilité vis-à-vis du prêt-bourse. Les étudiants se demandent comment ils pourront parvenir à rembourser cet argent vu que trouver un emploi devient de plus en plus un casse-tête. “Nous craignons que quand on va avoir un boulot, si petit soit-il, on devra faire face au remboursement. Ce qui va toujours nous plonger dans un surendettement sans fin”, s’inquiètent-ils
Du côté de l’université du Burundi, on jette le tort aux étudiants. « Le retard a été causé par certains étudiants qui ont tardé à compléter les contrats car on octroie le prêt sous plusieurs conditions », souligne un cadre de la Régie des Oeuvres Universitaires.
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