Gouvernance

Suspension de la collecte de l’argent dans les parkings : La décision est irréversible

Depuis bientôt un mois, le ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique a suspendu la collecte des cotisations dans les parkings des bus et lieux publics par les associations des transporteurs. Les conséquences de cette décision se font sentir chez les rabatteurs. Ils vivent un calvaire innommable actuellement, affirme le député Léonce Niyongabo, président des associations des rabatteurs du Burundi.  Pour le ministre en charge du Développement Communautaire, la décision est irréversible. C’était un vol commis par ces associations

Vendredi le 19 mars 2021, Gervais Ndirakobuca, ministre de l’Intérieur a tenu à l’endroit des représentants des associations de transporteurs, une réunion d’évaluation de la mesure de suspension de la collecte par ces dernières, des cotisations dans les parkings des bus et lieux publics prise depuis bientôt trois semaines. Nerveux, Ndirakobuca a levé l’équivoque. La décision est irréversible. Il les a plutôt qualifiés de voleurs et il a promis que des enquêtes vont être faites pour savoir la destination de l’argent collecté.

Gervais Ndirakobuca, ministre de l’intérieur : « La suspension de la collecte de l’argent dans les parkings par les associations des transporteurs est irréversible ».

Elles n’ont pas respecté les lois

Pour le ministre Ndirakobuca, ces associations n’ont pas respecté les règlements. « Vous avez changé vos associations qui étaient au départ sans but lucratif en des associations avec but lucratif ou en des coopératives. Dans les ordonnances d’agrément, il n’y avait pas la collecte de l’argent. Cela est la cause de tous les problèmes, de tous les maux », a lâché le ministre très en colère. Il a indiqué que la mesure a été prise dans le cadre de les ramener à leurs objectifs de départ et cela dans l’intérêt de la population.

« Vous avez spolié la population »

« Vous dites que vous collectez de l’argent chez les transporteurs. Ce n’est pas vrai. C’était l’argent de la population. Le conducteur d’un bus de l’intérieur du pays qui vient de payer 6 000 FBu va augmenter le prix du ticket de transport. Les conséquences pèsent sur la population », leur explique Ndirakobuca. Et de préciser que c’est seul l’Etat qui a dans ses missions, la collecte des impôts et taxes.

Des questions se succédaient avec un ton faramineux. «Vous avez été à la hauteur de l’Etat. Vous avez dépassé les limites.  Vous avez spolié la population. Où va cet argent que vous avez collecté? », insiste Gervais Ndirakobuca. « Vous êtes des transporteurs, Vous conduisez des voitures. Vous avez collecté de l’argent pendant dix ans, mais quand une route est endommagée, vous êtes les premiers à crier et à demander au gouvernement de la réhabiliter. Combien de routes avez-vous construites? Combien de routes avez-vous réhabilitées avec les milliards que vous collectez depuis des années ? ».

Bosco Minani, président de l’ATRABU : « Les frais collectés dans les parkings servaient dans le fonctionnement de l’association ».

L’Etat a été défaillant

Pour Ndirakobuca, le ministère de l’intérieur a failli à sa mission. Il devrait veiller au respect des règlements ainsi qu’au bien-être de la population. Au nom du gouvernement, il a demandé pardon à la population suite à la défaillance de l’Etat dans le rôle de protéger la population. « Un certain groupe de gens est venu collecter de l’argent dans les parkings sous nos yeux ».

Le ministre a déploré que les membres de ces associations de transporteurs se soient faits emprisonnés pour leurs intérêts. « C’est déplorable. Vous avez créé un gouvernement dans un autre ? ». Et de préciser que ces collectes sont suspendues pour de bon. « Il faut oublier que vous allez reprendre la collecte de l’argent sur les lieux publics ou dans les parkings. Que vos membres viennent payer dans vos bureaux selon leur volonté », souligne Ndirakobuca tout en clarifiant que c’est l’administration qui est en charge de la collecte des taxes et les impôts.

Il informe qu’une commission va être mise sur pied pour analyser et savoir le montant de l’argent collecté par ces associations. « Rassurez-vous, ce n’est pas fini. Nous devons connaître les gens que vous ne révélez pas et qui sont derrière ces cotisations »  Vous avez dépassé les limites et cela est inadmissible.

Le ministre met en garde toute personne qui collectera encore une fois des cotisations dans les parkings des bus. Selon lui, des mesures draconiennes seront prises à l’encontre des contrevenants.

Le ministre de l’Intérieur recommande à la mairie de Bujumbura de mettre des pancartes identifiants les arrêts-bus selon les quartiers. Cela fera également en faveur des policiers qui assureront l’ordre et l’orientation de la population.

Une mesure louable

Jean Niyondiko est un conducteur de Tuk-Tuk rencontré à l’avenue de l’Université dans la mairie de Bujumbura. Il salue la mesure prise par le ministère de l’Intérieur. Il indique que l’Association des Transporteurs de Tuk-Tuks du Burundi (ATUBU) collectait quotidiennement un montant de 1000 FBu pour chaque Tuk-Tuk. Pour plus de 3000 Tuk-Tuks se trouvant dans la capitale économique, un montant avoisinant 3 millions FBu était encaissé par l’ATUBU chaque jour. Niyondiko déplore que cet argent ne bénéficiait pas aux conducteurs. « On ne connait même pas là où vont ces cotisations. Même si un chauffeur tombe malade, l’association n’intervient pas. Pas d’assurance maladie », se lamente-t-il. A part ces cotisations quotidiennes, les conducteurs de Tuk-Tuks devraient payer 120 000 FBu comme frais d’adhésion au parking.

Fabien Bukuru est chauffeur de bus de type « Coaster » faisant le trajet Bujumbura-Rumonge. Son bus stationne sur le parking Sud se trouvant derrière l’ancien marché central de Bujumbura. Il se réjouit de la mesure prise par le ministère de l’Intérieur. Selon lui, à chaque départ du parking, tout Coaster payait 25 mille FBu aux rabatteurs. C’est le même cas pour un Coaster venu du parking de Rumonge. En moyenne, par jour, il devrait verser un montant de 50 mille FBu pour un trajet Aller-Retour. « Parfois, on paie 75 mille ou 100 mille FBu, selon les périodes », ajoute M. Bukuru. Un minibus de 18 places, quant à lui, devrait payer un montant de 15 mille FBu pour le même trajet.

En moyenne, chaque bus Coaster faisant le tronçon Bujumbura-Rumonge payait aux rabatteurs                  50 000 mille FBu par jour, soit 1 500 000 FBu par mois, soit 18 250 000 FBu par an. En plus de ces cotisations, un nouveau bus devrait payer un montant de 400 mille devraient comme frais d’adhésion au parking.

« Cette mesure a été prise au moment opportun. C’était un fardeau pour nous. Cet argent  que même l’Etat n’encaissait pas, finissait dans les poches d’un groupe de quelques individus. On travaillait pour eux», explique-t-il.

Les cotisations collectées servaient dans le fonctionnement de l’association

Bosco Minani, président de l’Association des Transporteurs du Burundi fait savoir que l’argent collecté servait dans le fonctionnement de cette association. « Les frais étaient utilisés dans l’assurance maladie, dans l’assurance vie des membres. On payait également les employés qui assuraient l’ordre dans les parkings ». Selon M. Minani, l’ATRABU organisait également des séminaires sur le changement des mentalités à l’endroit de ses membres. « On a même les rapports financiers montrant comment l’argent est utilisé », affirme le président de l’ATRABU.

Il demande au ministère de l’Intérieur d’associer les associations des transporteurs dans la nouvelle organisation de ce secteur. Des réunions avec leurs membres vont être organisées pour les sensibiliser à aller payer dans les bureaux de l’ATRABU, informe M. Minani.

Le député Léonce Niyongabo, président de l’association des rabatteurs du Burundi: « Les rabatteurs vivent actuellement un calvaire innommable. Ils vivaient de ce métier. C’était leur seule source de revenus ».

Les rabatteurs dans l’impasse

Au niveau de l’association des rabatteurs, on indique que ces derniers sont dans l’impasse. Le député Léonce Niyongabo indique que les rabatteurs vivent actuellement un calvaire sans nom. « Ils vivaient de ce métier. C’était leur seule source de revenus. Ils n’ont pas de diplômes. Ils ne peuvent pas avoir d’autres métiers à exercer », révèle-t-il tout en précisant que durant les trois semaines qui viennent de s’écouler, certains rabatteurs ont morts de faim. « Le montant de 1000 FBu ou 2000 FBu qu’ils collectaient leur permettait à se démener pour leur survie». Actuellement, ils ne sont pas capables de payer les frais de santé. Ce député, président de l’association des rabatteurs du Burundi déplore que dans certaines provinces du pays, les rabatteurs ont été chassés des parkings par certains administratifs alors que la mesure concerne seulement la collecte des frais. « Mais le ministre a bel et bien souligné que les associations restent fonctionnelles, mais qu’elles ne collectent pas les frais sur les lieux publics ou sur les parkings. Si un rabatteur se trouve dans le parking, un chauffeur qui a un cœur charitable peut lui donner 1000 FBu de sa propre volonté», a-t-il expliqué.

Leurs projets mis à l’arrêt

Pour Hon. Niyongabo, les projets qui étaient en cours sont momentanément à l’arrêt. « Pendant le peu de jours que nous venons de passer à la tête des associations des rabatteurs, nous avons initié un projet d’acheter des véhicules pour les rabatteurs. Nous comptons également collaborer avec les microfinances pour permettre aux rabatteurs de contracter des crédits mais, avec cette mesure, ces projets sont tombés dans l’eau. Aucune microfinance ne peut nous donner des crédits sans sources de revenus », se lamente-t-il. Nous avons acheté une parcelle de 70 millions de FBu. Nous comptions y exercer des projets de développement mais ces projets sont maintenant à l’arrêt. Il n’y a pas de moyens financiers à mettre à l’avancement de ces projets.

Avec l’implication du gouvernement, ce député espère que la mesure va être revue. « Qu’il nous donne des limites à ne pas franchir. Si tous les rabatteurs restent à la maison, ils vont beaucoup souffrir. Par exemple, il y a des rabatteurs démobilisés qui étaient jadis des combattants ou qui étaient dans l’armée, s’ils restent dans leurs ménages sans rien faire, comment est-ce qu’ils vont vivre? Certainement au rabais. Peut-être ils vont devenir des malfaiteurs », s’indigne Léonce Niyongabo. Il demande qu’ils soient laissés dans les parkings, mais sans collecter l’argent.

Ndirakobuca fait un clin d’œil à d’autres associations sans but lucratif, qui, dans leurs activités, collectent de l’argent. Il leur demande de se ressaisir dans les plus brefs délais. Actuellement, dans la capitale économique, pas d’activités de collecte de l’argent dans les parkings. La mairie de Bujumbura est en train de s’organiser pour faire ce travail.

A propos de l'auteur

Bruce Habarugira.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur.
La rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires enfreignant ces règles et les règles de bonne conduite.



éditorial

Sans transparence, pas de confiance

Sans transparence, pas de confiance

Dans une interview accordée au journal Burundi Eco, Albert G. Zeufack, directeur des opérations de la Banque Mondiale pour quatre pays africains, à savoir : la République Démocratique du Congo (RDC), l’Angola, le Burundi et São Tomé-et-Príncipe, en visite au Burundi à la mi-avril 2025, est revenu à plusieurs reprises sur un mot-clé : transparence. « Sans transparence, il ne peut pas y avoir de confiance », a-t-il affirmé. Selon lui, la transparence est essentielle à la mise en œuvre des visions claires formulées par le gouvernement pour conduire le pays vers un développement durable. Il rappelle d’ailleurs :« La transparence des données est fondamentale. »

    Abonnez-vous à notre bulletin

    Journal n° 657

    Dossiers Pédagogiques

    Facebook


  • éditorial

    Sans transparence, pas de confiance

    Sans transparence, pas de confiance

    Dans une interview accordée au journal Burundi Eco, Albert G. Zeufack, directeur des opérations de la Banque Mondiale pour quatre pays africains, à savoir : la République Démocratique du Congo (RDC), l’Angola, le Burundi et São Tomé-et-Príncipe, en visite au Burundi à la mi-avril 2025, est revenu à plusieurs reprises sur un mot-clé : transparence. « Sans transparence, il ne peut pas y avoir de confiance », a-t-il affirmé. Selon lui, la transparence est essentielle à la mise en œuvre des visions claires formulées par le gouvernement pour conduire le pays vers un développement durable. Il rappelle d’ailleurs :« La transparence des données est fondamentale. »
  • Journal n° 657

  • Dossiers Pédagogiques