Dans le cadre des activités académiques, un enseignant de l’ENS a mis au point un vin fabriqué à partir du miel. Un bon exemple de mise en pratique des connaissances scientifiques qui devrait inspirer d’autres chercheurs Burundais
Tout est parti d’un projet de mémoire que le Dr Désiré Niyongabo, enseignant à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) a proposé à deux de ses étudiants ressortissants de la province de Cibitoke. Le projet a ensuite séduit l’entreprise AKI(Akuki Kuka Inka) Sprl qui voulait se lancer dans la production du vin de miel. Les promoteurs de cette entreprise ont acheté 3 bouteilles d’hydromel à l’étranger qu’ils ont goûté et n’ont pas particulièrement trouvé bon. Ils ont mis au défi Dr Niyongabo de produire un hydromel de bonne qualité. Ils lui ont procuré quelques matériels. ‘’Si vous parvenez à reproduire quelque chose qui ressemble à ça on saura que vous avez réussi’’, se rappelle l’enseignant de l’ENS. Il se met tout de suite au travail. C’est comme ça que l’hydromel ‘’Made in ENS’’ est né.

Dr Niyongabo, visionnaire ?
Ce chercheur qui a travaillé pendant 10 ans au Centre d’Etudes Nucléaires de Karlsruhe en Allemagne a des idées claires pour développer le pays à partir de ce qu’il possède. Ce chimiste de formation indique que le génie chimique n’est pas loin du génie agroalimentaire. « Comme scientifique, je vois certaines réalités que les autres ne voient pas forcément. Il y a certaines richesses que nos ancêtres nous ont léguées que nous ignorons. Un pays comme la France gagne plus ou moins 64 milliards d’euros par an avec le vin de raisin. Je savais qu’il y a des fruits ici chez nous, la banane entre autre, avec lesquels on peut faire du vin de 12 ou 13 % d’alcool sans autres additifs ni sucré ajouté. Un vin doit avoir au minimum 10% d’alcool. Il faut donc des fruits d’une teneur en sucre comprise entre 20 et 25% de teneur en sucré. Je me suis alors dit : le Burundi est un pays relativement riche en bananes. C’est anormal que les Français se fassent autant d’argent avec le raisin alors que nous avec nos bananes on continue à croupir dans la misère. Et si on pouvait améliorer nos techniques vinicoles et ne pas continuer à fabriquer un vin exécrable comme le Rugombo, ce serait bien. Si on fabriquait un vin compétitif de qualité internationale, le Burundi ne pourrait peut-être pas prétendre gagner autant que la France mais, même si on gagnait un seul milliard d’euros, cela pourrait totalement modifier l’environnement économique du pays », a indiqué le docteur en Chimie Nucléaire de l’Université de Louvain en Belgique. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les recherches du Dr Niyongabo.
Rien que des techniques de vinification traditionnelle
« Nous avons commencé à travailler avec le miel parce que les promoteurs le voulaient ainsi mais les techniques œnologiques (techniques de fabrication du vin) étant les mêmes, la même technique peut être reproductible, à quelques modifications près, à la banane et aux autres fruits. D’ailleurs on a déjà essayé la combinaison du miel et de l’ananas », a indiqué Dr Niyongabo. C’est à peu près les techniques de vinification traditionnelle connues qui ont été utilisées. On dilue le miel dans de l’eau et on y ajoute quelques additifs sans oublier la levure. La fermentation primaire dure une vingtaine de jours. Après, il faut séparer le vin de la lie. Si la lie reste trop longtemps, elle risque de lui impartir un mauvais goût. Cette opération s’appelle le soutirage. Après le 1er soutirage, on laisse le vin maturer pendant plusieurs mois à la température ambiante. Ensuite on fait 3 ou 4 soutirages après 3 ou 4 mois pour clarifier le vin jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de dépôts au fond de la cuve. Après, on embouteille le vin.
Les propriétés de l’hydromel, sa force
L’hydromel est un vin qui garde un certain mythe. Dans presque toutes les civilisations, on aimait bien ce vin. Evidemment il garde un arrière-goût de miel que les gens apprécient. Il ne faut pas non plus oublier que le miel possède des propriétés organoleptiques et médicales reconnues. En buvant ce vin, les gens espèrent profiter de toutes ses bonnes propriétés. Ses particularités font sa force et lui assure une renommée qui pourrait peut-être faciliter sa commercialisation.
La commercialisation du vin « Made in ENS » pour bientôt
4500 l de ce vin ‘’Made in ENS’’ sont déjà prêts. Pour son packaging, 8000 bouteilles ont déjà été livrées. AKI qui est le promoteur du projet a déjà acquis un terrain pour la construction d’une usine à Vyegwa (Ngozi). Bientôt, on passera la commande des machines. Même le design de l’étiquette a été déjà faite. Il ne reste qu’à baptiser le vin. ‘’Akanyamuneza’’, nom qui a été provisoirement retenu ne satisfait pas totalement le Dr Niyongabo, car c’est un nom difficilement prononçable par les étrangers alors que ce vin est non seulement destiné à la consommation locale, mais également à l’exportation. Même si le prix de la bouteille de ce vin n’a pas été définitivement fixé, le chercheur l’estime entre 20 et 30 mille FBu.
Un exemple à suivre
Le pari gagnant du Dr Niyongabo devrait servir d’exemple aux autres chercheurs. Ils sont bien sûr utiles quand ils dispensent les connaissances aux apprenants, mais ils sont encore plus utiles quand ils prêchent par l’exemple. Il ne suffit pas d’inculquer les connaissances aux apprenants. Encore faut-il leur montrer comment mettre ces connaissances au service du développement du pays. A ce sujet, Dr Niyongabo plaide en faveur des cahiers de charges qui seraient confiés aux chercheurs dans différents domaines. Des moyens pourraient leur être attribués pour exécuter ces cahiers de charges dont la finalité serait le développement du pays. C’est comme ça que le pays pourra exploiter son potentiel sortir de la pauvreté.
De tels travaux sont à encourager. Quant à l’installation de l’usine, je garde des doutes sur le lieu d’installation (Vyegwa) et je n’ai rien contre cet endroit, sauf que, géographiquement, les conditions climatiques et autres éléments pouvant influencer la qualité du vin peuvent être différents à Vyegwa par rapport au vin produit à l’ENS. J’ai pas assez d’éléments pour affirmer ceci, mais on se rappelle bien de la qualité des boissons produites par la brasserie de la région.