Editorial

Une déprivatisation qui ne rassure pas

La libéralisation du secteur café ne profite pas au producteur. C’est du moins le bilan négatif sorti des rapports d’évaluation de l’impact de la privatisation de la filière café. Cela ne fait aucune ombre d’un doute, l’Etat veut à tout prix reprendre les commandes du « navire ». Pour cause, le non-paiement des caféiculteurs et le non-rapatriement des devises qui perdurent ainsi que les organes de régulation qui ne jouent plus leur rôle. Ainsi, un plan ambitieux de redressement de la filière café a été validé par le conseil des ministres en octobre dernier. Cette volte-face du gouvernement inquiète les investisseurs privés opérant dans ce secteur d’autant plus que le contenu de ce document n’a pas été rendu public.

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L’entretien des vergers caféicoles est un travail fastidieux qui nécessiterait tout de même une récompense compte tenu des efforts fournis. De plus, les petits exploitants manquent cruellement de ressources pour acheter les intrants ou payer les travailleurs saisonniers. Par contre, les caféiculteurs se retrouvent fortement endettés et sans ressources pour subvenir aux besoins quotidiens à l’issue de la campagne. C’est pour cette raison que certains ménages renoncent à la culture du café. L’initiative de protéger les intérêts du caféiculteur est salutaire. Pourtant, les opérateurs privés et l’Etat se renvoient la balle en ce qui concerne la fixation du prix du café cerise. En conséquence, il est rare que les ménages investissent leurs maigres ressources dans le café au détriment d’autres cultures ou activités d’élevage ou non agricoles. Une étude menée par l’Agence des Etats Unis pour l’aide au développement (USAID) cible le bas prix du café cerise comme l’une des principales causes de la baisse de la production. Il est le plus bas de la sous-région.

L’une des conséquences directes de la privatisation de la filière café a été la chute des prix. Le prix du café cerise est passé de 650 FBu par kg à 350 FBu. Les dividendes reversés aux caféiculteurs restent minables alors que le café est pourvoyeur du pays en devises. A titre illustratif, le café vendu sur le marché international a généré 6.478.392 USD, soit 12,2 milliards de FBu lors de la campagne précédente. Un café très prisé à l’échelle internationale mais qui profite peu au caféiculteur. Quel paradoxe ?

Revenons-en aux principaux défis du secteur. Ce sont notamment : une faible fertilité des sols, le vieillissement du verger caféicole, la mauvaise application des techniques culturales (taille, paillage, fertilisation, désinsectisation …), les perturbations climatiques (grêle, sécheresse, pluies irrégulières) et les insectes ravageurs. En tout cas, le réengagement de l’Etat ne sera pas sans conséquences du moment que la viabilité des entreprises étatiques laisse à désirer. Ce document si stratégique apportera-t-elle des solutions durables à ces défis ? Toutefois certains facteurs ne sont pas maîtrisables. Le café burundais est commercialisé sur le marché international à des milliers de km. De là, le gouvernement n’est plus maître du jeu. Espérons que la nouvelle stratégie donnera un coup de pouce au rythme de rapatriement des devises afin de d’étouffer les difficultés macroéconomiques actuelles.

Pour inverser la tendance, le gouvernement et les différents acteurs du secteur café doivent élaborer une stratégie cohérente qui permettra une augmentation durable de la production et une stabilité des prix du café cerise. Au niveau de la nouvelle stratégie de redressement, le mieux serait de fixer la ligne de démarcation pour déterminer qui fait quoi. Sinon le fait d’éjecter tous les investisseurs privés de toute la chaîne de valeur serait un pari risqué.

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Benjamin Kuriyo.

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