Développement

Etats Généraux de l’Assurance : Pour doubler le chiffre d’affaires de ce secteur d’ici 2022

Actuellement, le chiffre d’affaires du secteur des assurances est de 40,6 milliards de FBu. L’Agence de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA) a formellement demandé aux assureurs de porter ce chiffre à 80 milliards de FBu en 2022. Comment doubler le chiffre d’affaires en 5 ans avec un taux de pénétration de seulement 0,75%? Les intervenants dans ce secteur viennent de se réunir à Ngozi pour explorer les voies et moyens d’atteindre cet objectif. Burundi Eco y a dépêché un de ses reporters

En 2013, le chiffre d’affaires du secteur des assurances était de 33,6 milliards de FBu alors que le PIB  était à peu près de 3. 812 milliards de FBu pour un taux de pénétration de ce secteur de 0,88%. En 2017, ce chiffre d’affaires est passé à 40,6 milliards pour un PIB de 5.397 milliards de FBu et un taux de pénétration de 0,75%, soit une diminution de 0,13% du taux de pénétration de l’industrie d’assurance ces 4 dernières années. Au lieu de suivre la progression du PIB, le secteur des assurances suit le chemin inverse au regard des chiffres évoqués qui ont été présentés par Ir. Alain Fernand Nkengurutse, le chef de la Cellule des Statistiques et Etudes Economiques à l’ARCA

Un taux de sinistralité de 82,8% dans la catégorie « automobile »

D’après toujours Ir. Nkengurutse, sur 100 FBu de primes acquises, 48 FBu servent à couvrir les sinistres. A elle seule, la catégorie Véhicules terrestres à moteur  communément appelée « Automobile »  a une sinistralité de 82,8% qui dépasse le maximum théorique de 65%. Cela a un impact négatif sur la santé financière des compagnies d’assurance qui sont obligées de puiser dans d’autres catégories pour payer l’indemnisation de cette catégorie d’assurance. Mais d’une manière générale, en assurance Non Vie, une hausse significative de sinistralité a été observée au cours de l’exercice 2017 avec un taux de 48% contre 35,1% en 2016. Les participants aux Etats Généraux de l’Assurance (EGA) ont été unanimes à reconnaître que cela n’est pas de nature à augmenter le taux de croissance de la branche des assurances. Quand on sait que la branche automobile représente 45% du portefeuille des compagnies d’assurances Non Vie, on comprend pourquoi Tatien Sibomana, secrétaire exécutif de l’association des assureurs du Burundi (Assur), un des organisateurs de ces EGA, dit que la structure du marché burundais des assurances est déterminée en profondeur par le déficit de la branche Automobile qui produit ses effets en cascades et empêche le développement du secteur dans son ensemble

Sur un total de 40,6 milliards de FBu de chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur des assurances, l’assurance Vie pèse seulement 14,5 milliards de FBu tandis que l’assurance Non Vie se taille la part du lion avec 26,1 milliards de FBu

Une augmentation inquiétante des charges

Les frais de gestion sont passés de 10 milliards de FBu en 2013 à 13 milliards de FBu en 2017, soit une augmentation de 3 milliards de FBu. Quant au produit d’exploitation en Non Vie, elles sont passées de 24 milliards de FBu en 2013 à 26 milliards de FBu en 2017, soit une augmentation de 2 milliards de FBu. La croissance des frais de gestion est passée de 43% en 2013 à 50% en 2017, a indiqué Ir Nkengurutse dans sa présentation. Cet accroissement affecte négativement le résultat des compagnies d’assurance et diminue la marge bénéficiaire.

La révision de la  tarification, une urgence

La tarification des primes d’assurance date de plus 20 ans. Il faut la revoir, ont indiqué plusieurs intervenants lors des EGA de Ngozi. Le tarif le plus préoccupant concerne l’assurance responsabilité civile (RC) de la catégorie « Automobile ». Déjà  en 2009, pressentant la menace  de faillir au devoir  d’indemnisation des victimes ou de leurs ayants-droit, l’Assur avait saisi l’ARCA pour lui demander la révision des tarifs pratiqués. La question que se posaient les participants aux EGA n’était pas de savoir s’il faut un nouveau tarif d’équilibre pour la RC automobile, mais à quelle hauteur le revoir. A titre d’exemple, dans la catégorie Affaires et Promenade, la prime trimestrielle de la RC est de 23.600 FBu pour les motos et les véhicules à 4 places actuellement dans presque toutes les compagnies d’assurance. Elle est de 159.212 FBu pour les bus de 18 places servant au transport rémunéré des personnes et 218. 271 FBu pour les bus de 30 places de cette même catégorie chez Burundi Insurance Corporation (BIC).  La révision des primes qui avait été faite en 2010 avait été suivie d’une grève des transports. Ce qui avait poussé le gouvernement à demander aux assureurs de revenir sur l’ancienne tarification. La révision de la tarification est urgente au risque de couler les compagnies d’assurance, ont indiqué les assureurs présents aux EGA

Les lacunes réglementaires et légales 

Les assureurs trouvent que certaines dispositions légales et réglementaires sont préjudiciables pour le secteur des assurances dans l’état actuel des choses. A titre d’exemple, la loi accorde des compétences illimitées aux tribunaux de résidence (TR) pour connaître les cas d’accident de roulage. Or le juge du tribunal appliquerait d’autres textes que le code des assurances pour calculer les dommages et intérêts (DI). Cela occasionnerait des condamnations disproportionnées à des DI exorbitants, alors le code de l’organisation et de la compétence judiciaire limité la compétence du juge du TR à des litiges qui ne dépassent  pas une valeur d’un million de FBu. A titre indicatif, avec une condamnation à 2.389.082.166 FBu, seules 10 victimes seraient indemnisées par les primes collectées par toutes les compagnies d’assurance en 2016 qui étaient de 24.897. 811 546 FBu, selon les données fournies par M. Sibomana. Il a ni plus ni moins parlé d’une hémorragie financière des compagnies d’assurance à ce sujet. C’est ainsi que les assureurs aimeraient qu’il y ait un glissement vertical des compétences du TR, c’est-à-dire vers les tribunaux de grande instance (TGI). L’autre solution serait de scinder la procédure en deux où le juge du TR garderait la compétence pénale tandis que celui du TGI se chargerait de l’aspect civil du procès. Bien plus, l’article 469 de la loi n°1/02 du 7 janvier relative aux assurances  a été déclaré inconstitutionnel. Cela parce qu’il stipule une rétroactivité difficilement compatible avec la constitution. Par conséquent, les autres articulations qui en découlent sont devenues caduques.

D’autres pièges à contourner

Aux défis qui viennent d’être répertoriés il faut ajouter le manque de culture  de l’assurance. Les Burundais sont très peu nombreux  à prendre une police d’assurance. En témoigne la densité de l’assurance qui est en fait le rapport entre le chiffre d’affaires du secteur et la démographie. Elle a baissé depuis 2014 si l’on en croit le rapport de l’ARCA présenté par Ir Nkengurutse pendant les EGA. Elle est passée de 3787 en 2014 à 3533 en 2017. Cette situation provient du fait que la population burundaise affiche une croissance supérieure à celle du chiffre d’affaires du marché des assurances, indique le rapport de l’ARCA. Plus préoccupant encore,  les Burundais ont une mauvaise perception de l’assureur. Ce sentiment est renforcé par le fait que parfois, en cas de survenance d’un sinistre, les assureurs mettent trop de temps à indemniser les victimes. Il y va sans dire que quand il y a un litige et que l’on est obligé de recourir aux tribunaux, le processus devient encore plus long et compliqué,  mais aussi plus coûteux.

Ce  qui vient d’être évoqué plus haut explique pourquoi le taux de pénétration de l’assurance au Burundi reste faible et que le chiffre d’affaires demeure aussi peu important. C’est donc pour pouvoir analyser tous les contours de l’assurance que l’Assur a organisé les 1ers EGA au Burundi

Rien n’est perdu

Malgré le tableau peu reluisant de la situation de l’assurance au Burundi, les intervenants sont déterminés à relever tous ces défis. Plusieurs pistes ont été proposées pour  développer l’assurance qui se trouve être un pan important de l’économie du pays. En ce qui concerne l’assurance automobile qui semble phagocyter toute les autres branches de l’assurance, il a été recommandé  de faire rapidement une étude d’un tarif technique d’équilibre dans un délai de 3 mois. Les participants se sont aussi convenus de mener une recherche approfondie sur les principales causes de la sinistralité automobile. A ce sujet, il conviendrait d’intégrer les assureurs dans la commission nationale sur la sécurité routière. Mais alors il a été demandé à l’ARCA d’envisager une formation des différents partenaires afin qu’ils prennent conscience des défis qui minent le secteur des assurances dans sa globalité.

Développer l’assurance Vie, une solution à portée de main

L’assurance Vie reste sous-développée. Sur un total de 40,6 milliards de FBu de chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur des assurances, l’assurance Vie pèse seulement 14,5 milliards de FBu tandis que l’assurance Non Vie se taille la part du lion avec 26,1 milliards de FBu. Pourtant les activités en assurance Vie semblent plus dynamiques avec un taux de croissance de 21%, contre 5% en assurance Non Vie. Au regard de ces chiffres, il est évident que l’assurance Vie pourrait être une des solutions pour augmenter le taux de pénétration de l’assurance qui devra être de 1,5% en 2022 contre 0,75% actuellement.

Les problèmes réglementaires et légaux en passe d’être résolus

Le problème des compétences illimitées confiées au juge du T R en matière d’assurance qui occasionnerait un préjudice aux assureurs et celui des dispositions anticonstitutionnelles que renferme le code des assurances est connu des institutions habilitées. Ils pourraient connaître une solution incessamment. D’ailleurs même la révision de tout le code des assurances serait très avancée d’après les propos d’un intervenant  aux EGA.

Le front office, une panacée contre le faible taux de pénétration ?

Avec un taux de pénétration de 0,75% (il est en moyenne de 6% au niveau mondial), il est évident que le secteur des assurances est presque vierge au Burundi. Il appartient aux assureurs de développer et mûrir des stratégies pour atteindre le plus grand nombre de la population. Le développement du front office qui est le service chargé de la clientèle pourrait être aussi une solution. A ce propos, Jean Paul Roux, Directeur Général de la compagnie d’assurance BIC a fait une présentation sur le management et les métiers du front office. Il a proposé entre autres une formation pour professionnaliser le secteur de l’assurance. Il a également parlé d’une méthodologie du marketing client qui se résume en 4 C : la connaissance, le contact, le conseil du client ainsi que la concrétisation de l’affaire. Cette technique met le client au centre de la stratégie de l’assureur. Les compagnies d’assurance doivent former les technico-commerciaux qui maîtrisent à la fois la conception des produits et  les techniques de marketing, a souligné M.Roux

Les intermédiaires d’assurance ont leur rôle à jouer

Les intermédiaires d’assurance doivent aller à la rencontre du client, l’accompagner, mais aussi le conseiller. Aujourd’hui, d’une manière globale, 29% des primes émises en assurance Non Vie viennent des affaires apportées par les courtiers. Quant à l’assurance Vie, les affaires apportées par les courtiers ne représentent que 3% des primes émises. Le problème crucial soulevé aux EGA de Ngozi est que les courtiers vont chercher des clients qui se trouvent déjà dans le portefeuille des assureurs. Il faut étendre le portefeuille en cherchant  de nouveaux clients, leur a conseillé M. Roux.   C’est comme cela qu’on atteindra l’objectif fixé par l’ARCA, à savoir : doubler le chiffre d’affaires d’ici 2022.

Le gouvernement aux cotés des assureurs

Le Deuxième Vice-Président de la République qui a rehaussé de sa présence le lancement des EGA de Ngozi a exhorté les assureurs à s’acquitter du noble devoir de payer rapidement le sinistre, car le paiement rapide des sinistres est le meilleur moyen  d’inculquer le réflexe de s’assurer à  la population. Il a en outre demandé aux assureurs de consolider leurs  assises financières en respectant les règles fondamentales sur la marge de solvabilité et de couverture des engagements réglementés.

Mme Trinitas Girukwigomba, présidente de l’Assur et Directeur Général de la Socabu a fait savoir que l’Assur s’engage à renforcer le partenariat public-privé et à travailler en synergie avec l’ARCA pour atteindre l’objectif de doublement du chiffre d’affaires d’ici 2022  qui cadre bien avec le Plan National de Développement 2018-2027

A propos de l'auteur

Parfait Nzeyimana.

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