Développement

Les acteurs de la filière thé réclament un organe de régulation

En marge de la foire agricole couplée au forum paysan, édition 2019, Burundi Eco a rencontré les acteurs de la filière thé.  Ils évoquent les contraintes conjoncturelles auxquelles fait face ce secteur. Ce sont notamment les investissements limités, la volatilité des cours du thé, les coûts de production exorbitants pour ne citer que ceux-là. De plus, la persistance des différends entre les différents acteurs de la filière inquiète plus d’un. En ce sens, les intervenants sont unanimes sur la mise en place d’un organe de régulation de la filière thé

Plus de 90 % de la population burundaise vit de l’agriculture et de l’élevage. De surcroît, le secteur agricole est le principal pourvoyeur de devises qui servent à la mise en œuvre des programmes de développement. C’est pourquoi le gouvernement ne ménagera aucun effort pour promouvoir le secteur agricole, a déclaré Emmanuel Ndorimana, assistant du ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage lors du lancement de la Foire Agricole tenue à Ngozi en date du 3 au 5 juillet 2019.  

Le Burundi présente d’énormes potentialités en matière de culture du thé qui restent sous exploitées

Cependant, malgré les progrès réalisés, le secteur agricole fait face à de nombreux défis. Entre autres difficultés, l’infertilité des sols, la démographie galopante qui rétrécit les espaces arables, la réticence des institutions financières dans l’octroi des crédits aux producteurs, … a indiqué Paul Manirakiza, président du Forum des Producteurs Agricoles du Burundi (FOPABU) et représentant des théiculteurs à l’Office du Thé du Burundi (OTB). Burundi Eco revient sur la compétitivité de la filière thé après sa libéralisation une dizaine d’années après. 

Les innovations apportées par Prothem 

La libéralisation de la filière thé a permis l’arrivée des investisseurs privés dans le secteur. La société Promotion du Thé de Mwaro (PROTHEM) a été la première à profiter de cette fenêtre d’opportunités. Les initiateurs de cette société ont implanté une usine de transformation de feuilles de thé à Gisozi en province de Mwaro en 2011 alors que l’OTB jouissait d’un monopole dans ce secteur. La société PROTHEM se concentre sur le renforcement des capacités de son personnel au regard des normes internationales. Le staff, les moniteurs agricoles et les agronomes bénéficient régulièrement des formations sur les bonnes pratiques agricoles, surtout l’amélioration de la qualité du thé, se réjouit M. Samwel Karima, directeur général de PROTHEM. Les théiculteurs se réjouissent des prestations de la société PROTHEM. Cette dernière s’occupe pleinement de la collecte des feuilles vertes, rapporte Mélance Rurayi, théiculteur de la commune Gisozi à Mwaro. 

Prothem, à la rescousse des théiculteurs 

La PROTHEM prend actuellement en charge plus de 10 500 petits producteurs de cinq secteurs répartis entre les provinces de Bururi et Mwaro, à savoir : Gisozi, Ijenda, Rusaka-Ndava, Makamba et Bisoro-Mugamba. « La mise en marche de l’usine de Gisozi était perçue comme une aubaine par les théiculteurs environnants. Le prix au kilo a presque doublé, passant de 140 FBu à 250 FBu », s’émerveille M. Rurayi. 

Tous les deux mois, les théiculteurs perçoivent des frais en fonction des feuilles de thé vendues De plus, ils reçoivent des bonus à la fin de l’année qui varient selon les cours du marché international. « Si les cours du thé demeurent en hausse au cours de l’année, les théiculteurs bénéficient de bonus oscillant entre 70 et 100 FBu par kilo vendu alors que dans le pire, les bonus chutent jusqu’à 20FBu par kilo », témoigne le théiculteur de Gisozi. 

Un organe de régulation pour régler les conflits éventuels 

Le directeur général affirme qu’il y a une bonne collaboration entre les agents de l’OTB en ce qui concerne la collecte des feuilles de thé chez les producteurs. Pourtant, les difficultés ne manquent pas. Le directeur général reconnait qu’il y a eu des malentendus entre l’OTB et PROTHEM. Ce qui a affecté malheureusement les performances de cette société. L’OTB empêchait aux théiculteurs de vendre les feuilles de thé à l’usine de PROTHEM implantée à Gisozi sous prétexte que les champs lui appartiennent et sont entretenus par l’OTB.  

En ce qui concerne les différends entre les deux principaux acteurs (OTB) et PROTHEM) de la filière thé, le président du FOPABU rejette le tort à l’Etat. Malgré la mise en place des textes officialisant la libéralisation et de privatisation de la filière thé, celle-ci reste aux mains de l’Etat. L’OTB -une société étatique-gère à lui seul cinq usines parmi les six que compte le pays. Il fait part de ses inquiétudes sur les différends qui subsistent entre la société privée PROTHEM et l’OTB. Il espère tout de même que la question sera liquidée. L’Etat est en train de travailler là-dessus, rassure-t-il. Enfin, il propose qu’il y ait un organe de régulation pour trancher ce genre de litiges. 

La filière thé n’est pas à l’abri des obstacles 

Les défis majeurs auxquels fait face le secteur thé au Burundi sont entre autres les investissements qui restent limités. « Il existe peu de personnes qui s’investissent dans la filière thé malgré les potentialités du pays », fait savoir le directeur général de PROTHEM. La théiculture burundaise peut alimenter plus d’une quinzaine d’usines de transformation de thé. Le pays présente des potentialités en matière de culture du thé dans plusieurs régions du pays. Il y a des zones théicoles dans less province de Bururi, Gitega, Muramvya tout comme à l’Est ou au Nord du pays. Cependant le gouvernement doit fournir des efforts énormes pour mettre en place les procédures claires en vue  d’ attirer les investissements étrangers avec un accent particulier sur la législation. Le directeur général déplore que la filière thé est privée jusqu’à présent d’un organe de régulation. « Cet organe permettra de régler les conflits potentiels au moment opportun afin d’empêcher que ces derniers ne paralysent le secteur dans son entièreté », estime le théiculteur Rurayi. 

La vente aux enchères limite les investisseurs locaux 

La commercialisation du thé pose également problème aux opérateurs. Le thé transformé est vendu directement sur les marchés locaux et internationaux ainsi que par l’intermédiaire de la vente aux enchères de Mombasa de l’East African Tea Trade Association. Sur le marché des enchères de Mombosa au Kenya, premier producteur de thé en Afrique de l’Est, les investisseurs Burundais ne sont plus les maîtres du jeu. Tous les lots de Thé de l’Afrique de l’Est convergent vers le marché Kenyan. Le prix du kilo de thé est fonction de l’offre et de la demande. « Cela affecte d’une manière ou d’une autre le secteur thé au niveau local, car on ne sait plus faire des projections fiables en ce qui concerne le prix », regrette le directeur général de la société PROTHEM. 

L’autre défi est lié au coût de production qui reste élevé. Les engins tournent garce à l’énergie fourni par le chauffage du bois. Le bois de chauffe coûte cher et fait défaut. Les usines sont en concurrence avec les particuliers qui transforment le bois en charbon, principale source d’énergie dans les grandes villes et agglomérations. La société est à la quête des solutions alternatives pour substituer le bois de chauffe. 

Les petits exploitants méritent une place de choix

Le nombre d’intervenants dans la chaîne de valeur réduit considérablement les revenus des petits exploitants. En principe, le théiculteur tout comme un autre producteur de cultures de rente doit avoir une rémunération qui lui convient. Si ce dernier n’est pas satisfait des revenus qu’il en tire, il ne peut pas produire. Les cotoculteurs de la plaine de l’Imbo en savent long avec la disparition progressive du coton au profit des cultures vivrières. 

Paul Manirakiza, président du Forum des Producteurs Agricoles du Burundi (FOPABU) : « Le producteur agricole demeure un partenaire incontournable dans le développement du pays. D’où il mérite une place de choix dans la promotion des chaines de valeur »

Par ailleurs, les conséquences n’épargneront personne, alerte le président du FOPABU. L’abandon des cultures de rentes aura un impact négatif sur le développement du pays. « Les recettes de l’Etat vont dégringoler avec des milliers d’exploitants au chômage », prévient-il. Pour lui, le producteur agricole demeure un partenaire incontournable dans le développement du pays. D’où il mérité une place de choix dans la promotion des chaines de valeur. Les petits exploitants sont souvent relégués au second plan. Pourtant, ils demeurent le noyau ou la base de la production.

Des projets en perspective

Dans leurs perspectives, les responsables de PROTHEM projettent l’extension de l’usine pour accroître la production et créer plus d’emplois. Ils misent sur la qualité du thé pour défier toute concurrence sur le marché régional. Pour faire face à la fluctuation des prix, les responsables de cette société prospectent de nouveaux marchés, y compris le marché local et international. Pour séduire les consommateurs du Nord, PROTHEM aspire déjà à la certification internationale qui permet un accès au marché européen. En outre, PROTHEM expérimente une nouvelle variété de thé pour tester son efficacité en matière de productivité et de résistance aux maladies.

La foire agricole a été organisée par le FOPABU en collaboration avec le ministère en charge de l’agriculture et le Groupe de Plaidoyer Agricole (GPA). Elle a vu la participation des exploitants agricoles des provinces du nord du pays, à savoir : Ngozi, Muyinga, Kayanza, Kirundo et les Ong qui s’investissent dans la promotion de l’agrobusiness. C’était une occasion de faire la promotion des produits agricoles, mais aussi échanger les défis et perspectives du secteur agricole. Cet article a été produit dans le cadre du concours « Tuyage » du projet dénommé TUYAGE initié par l’Agence des Etats-Unis d’Amérique pour l’Aide au Développement (USAID) mise en œuvre par l’ONG Search for Common Ground et les médias partenaires.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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