Développement

La Banque d’Investissement pour les Jeunes répondra-t-elle aux attentes ?

La Banque d’Investissement pour les Jeunes (BIJE en sigle) a vu le jour le 15 avril 2020. Cette banque qui vient résoudre le problème de chômage des jeunes au Burundi  fait survenir cependant des inquiétudes au sein des uns et des autres quant au résultat escompté

Une étude réalisée en 2016 par le consortium ADISCO et REJA montre que le chômage des jeunes en milieu rural table sur 55,2% contre 65,4% en milieu urbain. Le chômage reste un véritable challenge pour les jeunes burundais et tout le pays. L’idée d’une banque pour les jeunes pour lutter contre le chômage de ces derniers naquit en 2016, lors du Forum national des jeunes. La Banque d’Investissement pour les Jeunes (BIJE) sera lancée le 15 avril 2020 dans la capitale politique Gitega par le Président de la République.

Les activités de la BIJE ont été lancées le 15 avril 2020 à Gitega par le Président de la République

« L’objectif principal de la BIJE est de réduire le chômage des jeunes en les aidant à avoir et créer de l’emploi. Et sa mission est de contribuer au financement des projets de développement économique initiés par les jeunes organisés en associations, en coopératives ou en entreprises de droit burundais », a précisé   Evelyne Butoyi, ministre  en charge de la jeune est lors de son lancement. Même si l’idée de cette banque en soi est bonne, elle comporte des éléments qui suscitent des controverses.

Des communes déshabillées ?

La Banque d’Investissement pour les Jeunes (BIJE en sigle) a été officiellement annoncée par le décret présidentiel No 100/145 du 23 septembre 2019 portant participation de l’Etat et des communes au capital social de cette banque respectivement à hauteur de 15% et 85%.  Les crédits seront octroyés à un taux de 7%.

Faustin Ndikumana, consultant indépendant : « Comment une Banque qui octroie des crédits à un taux de 7% va fonctionner étant donné que la BRB prête aux banques à un taux de 8% »

« Avec un capital de 10 milliards de FBu, quel est le montant sera alloué à l’octroi de crédit et aux activités de démarrage?», s’interroge Faustin Ndikumana, économiste et consultant indépendant.

Les communes étant actionnaires de cette banque, il est prévu que chaque commune va débloquer 70 millions de FBu, une somme qui proviendra des 570 millions de FBu que le Gouvernement accorde aux communes. Ndikumana, se demande la contribution réelle des communes puisque c’est l’Etat qui donne l’argent aux communes. Il continue en disant que cette idée vient faire serrer la ceinture aux communes puisque les 570 millions de FBu  que l’Etat  leur donne s’avèrent déjà insuffisant.

La BIJE et la BRB, quelle relation ?

La BIJE bénéficiera d’un traitement égal que d’autres banques par le régulateur qui est la Banque de la République du Burundi (BRB), fait savoir Sixte  Niyuhire, Directeur Général de la BIJE. Cependant, l’économiste se pose la question de savoir comment une Banque qui octroie des crédits à un taux de 7% va fonctionner étant donné que la BRB prête aux banques à un taux de 8%. « A moins que la BIJE soit soumise à un traitement spécial. », dit-il.

Pour rappel, la Banque Centrale intervient pour garantir la capacité des banques à faire face aux retraits. En effet, cette autorité de tutelle du marché bancaire leur impose de bloquer un pourcentage de leurs dépôts sous forme de réserves obligatoires, non utilisables pour distribuer le crédit. Il est à noter que le taux des réserves obligatoires est l’un des instruments de contrôle par les banques centrales de la quantité de monnaie en circulation.

Financer une vision et pas une association

Le critère d’octroi des crédits est que les jeunes soient regroupés en associations, en coopératives ou en entreprises de droit Burundais. Cependant, ce critère  discriminatoire pour certains.  Ce sont également les inquiétudes exprimées  par Eric Ndayikengurutse, coordinateur national du Réseau des Organisations des Jeunes en Action pour la Paix, la Réconciliation et le Développement (REJA). Il explique qu’il y a des jeunes qui se sont déjà lancés dans des projets de développement sans pour autant qu’ils soient dans les associations ou coopératives.  Pour Ndayikengurutse, la BIJE devrait prioriser  la vision plutôt que l’association. Encore faut-il savoir le nombre de jeunes regroupés en association ou en coopératives par rapport au nombre total des jeunes en situation de chômage, ajoute-t-il.

Eric Ndayikengurutse, coordinateur national de REJA : «Il faut faire le suivi de ces associations pour qu’elles soient une source de cohésion sociale»

Il faut également faire attention aux opportunistes, avertit le coordinateur national de REJA. Il explique qu’il y a un risque que certains jeunes s’organisent en associations ou en coopératives afin de contracter des crédits et dilapider l’argent sans pour autant qu’ils aient la volonté de travailler comme cela s’est manifesté dans le passé dans des projets similaires destinés aux jeunes.

Aussi, faut-il assurer le suivi  de ces associations pour qu’elles soient une source de cohésion sociale au lieu d’être une source de discrimination liée à l’appartenance politique ou ethnique … Sinon, la situation risque de provoquer la réticence des investisseurs.

Et si les crédits ne sont pas remboursés ?

Octroyer des crédits à un taux d’intérêt favorable à lui seul ne suffit pas. Il faut que la banque intègre aussi des programmes de formation à l’intention de la jeunesse sur la conception et la réalisation des projets, pour arriver au résultat escompté. A défaut, il y a risque que les jeunes n’arrivent pas à rembourser les crédits contractés surtout qu’ils n’ont pas d’hypothèques à proposer.  L’idée de mettre en place un fonds de garantie est partagée par le coordinateur national de REJA et M.Ndikumana.

Une étude réalisée en 2016 par le consortium ADISCO et l’Ong REJA montre que le chômage des jeunes en milieu rural table sur 55,2% contre 65,4% en milieu urbain.

 

M. Ndayikengurukiye recommande le partenariat entre la BIJE avec des Ongs, et des réseaux qui encadrent les associations des jeunes. Cela permettra la constitution des plateformes potentielles d’investissement. Il recommande également, de mettre en place une équipe technique de suivi qui aura pour mission de vulgariser l’existence de cette banque auprès des bénéficiaires. Quant à M.Ndikumana, il se montre très pessimiste en doutant de ses résultats.

Rappelons qu’auparavant, l’idée était que  la BIJE débute avec un capital social  de 30 à 40 milliards de FBu. Finalement, elle a démarré ses activités avec 10 milliards de FBu.

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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Un commentaire
  • Juvenal mbonihankuye dit :

    Je viens de lire votre article sur la BIJE. J ai quelques questions :
    1. C est quoi la définition d un jeune burundais?

    2. Quand on va devenir adulte et qu’on a pas terminé de payer son hypothèque, c’est quoi qui va se passer ?

    3. Je souhaite la réussite de la banque

Les commentaires sont fermés.



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