Le transport du poisson frais est assuré par les moyens de bord. Les transporteurs utilisent des caisses en bois ou du matériel de récupération : les seaux. Ce qui dégrade la qualité du poisson. L’investissement dans les moyens de transport est crucial pour répondre à la demande pressante en produits halieutiques
Vers 8h du matin, la plage de Rumonge est noire de monde. Les pêcheurs, les acheteurs, les vendeurs de poisson fusent de partout. Déjà le poisson pris dès les premières heures de pêche commence à se détériorer, a-t-on constaté sur place. Les transporteurs de poissons garent leurs véhicules à quelques mètres du point de débarquement des pêcheurs. Ils se lancent dans des négociations avec les fournisseurs de poissons venus de tous les coins du pays.

Des caisses de poissons chargés dans des véhicules de type Probox au débarcadère de Rumonge.
Les négociations abouties, des dizaines de caisses de poissons sont chargées dans des véhicules de types Probox et Toyota dit Station ou Kagongo. Les Ndagalas frais sont placés dans des seaux récupérés après leur usage. Le plus souvent ce sont des seaux en plastique qui contenaient de l’huile de coton. L’hygiène n’est pas une priorité : le contenu prime sur le contenant. Les transporteurs empruntent la route Rumonge-Bujumbura jusqu’au lieu de commercialisation. La RN 3 est en piteux état. Le risque de voir la marchandise se détériorer est élevé.
Des véhicules de transport non adaptés
Ce sont des véhicules destinés au transport des personnes. Les chauffeurs suppriment la banquette arrière pour avoir assez d’espace. On charge des caisses de poisson et des seaux remplis de Ndagalas frais. Attention, les caisses ne peuvent pas être superposées au risque d’être en conflit avec les fournisseurs de poissons. Rumonge est à 70 km de la ville de Bujumbura.
Mushlan Ntakirutimana est transporteur de poissons depuis bientôt 5 ans. Il fait savoir que le coût de transport varie en fonction de la quantité. Plus la cargaison est importante, plus le coût de transport du poisson par caisse augmente. Les frais de transport varient entre 4 000 et 5 000 FBu pour un seau de Ndagalas frais tandis qu’en cas de surabondance, une caisse de poisson oscille autour de 8 000 et 10 000 FBu selon la « moisson ».
Notre interlocuteur affirme que la route reliant Rumonge à la capitale économique Bujumbura est en piteux état. Les chauffeurs doivent effectuer des manœuvres pour éviter d’être piégés par d’innombrables nids de poule qui jonchent cette route. Progressivement, le goudron se transforme en latérite et certains tronçons ressemblent à des pistes d’accès. L’odeur du poisson frais devient forte et agressive. Il est peu fait usage de la glace. Ce qui occasionne pas mal de pertes durant le transport. Ces pertes sont accentuées par le mauvais état des routes et les secousses qui provoquent l’écrasement de la cargaison.
L’état des routes dégrade la qualité des poissons
Le mauvais état des infrastructures routières dégrade la qualité du poisson. Le trajet dure entre 2h et 2h 30 pour rejoindre le marché de COTEBU alors qu’auparavant on mettait au plus une heure pour atteindre la capitale économique.
Pour Gabriel Toyi, président de la Fédération des Pêcheurs et Fournisseurs de Poissons du Burundi (FPFPB), la propreté des kits de transport et de conservation influe sur la qualité des produits halieutiques. Le poisson devrait être conservé dans de bonnes conditions. « Normalement les poissons devraient être soigneusement conservés de la pêche à la commercialisation. Après la capture, les poissons frais doivent être conservés dans des caisses propres destinées à cette fin ». Dans le cas contraire, regrette-t-il, la qualité du poisson se dégrade avec le temps.
Utilisation de la glace dans le transport du poisson
Le transport des poissons vers les lieux de vente devraient être assurés par des véhicules frigorifiques ou à défaut dans des caisses isothermiques contenant des glaçons pour éviter la détérioration des produits halieutiques. Ce qui n’est malheureusement pas le cas, car le poisson est transporté dans des caisses en bois peu hygiéniques. La filière pêche accuse un manque criant d’équipements de conservation.

L’utilisation des camions frigorifiques ou à défaut, des caisses isothermiques est un moyen efficace permettant minimiser les pertes liées au transport du poisson frais.
Pour préserver la qualité du poisson, les chambres froides devraient être placées en amont (sur les débarcadères) et en aval (dans les lieux de commercialisation). En cas de surproduction, les poissons seront conservés pour ajourner la commercialisation, révèle M. Toyi.
Les températures faibles réduisent le rythme de dégradation du poisson. Le marché de Cotebu où transite le gros du poisson vendu à Bujumbura dispose de chambres froides pour conserver les invendus, détaille le président de la fédération des pêcheurs. D’après la FAO, la glace empêche le développement des agents pathogènes dans les poissons frais.
Encore plus de sensibilisation ?
Les Pays de la Loire ont financé un projet d’installation d’une machine à glace (unité de production) sur la plage de pêche de Rumonge au profit de la filière. Cependant, l’utilisation de la glace n’est pas encore ancrée dans les habitudes des transporteurs. Ceux-ci évoquent l’indisponibilité, mais aussi le coût élevé des caisses isothermiques adaptées à l’utilisation de la glace. Le prix varie entre 80 000 et 150 000 FBu.
Ils soutiennent ensuite que la petite dimension de ces caisses n’arrange pas étant donné que le coût de transport est fixé par caisse et sert aussi de base à la taxation. Sous cet angle, ces caisses sont jugées inefficaces et peu avantageuses au point de vue de la maîtrise des coûts, conclut une étude commanditée par la FAO.
Quid du transport du poisson séché ?
Après le conditionnement du poisson, les fournisseurs chargent de grosses quantités de Ndagalas fumés ou séchés dans des sacs d’une capacité de 100 kg. Ils livrent les marchandises à leurs clients sur commande. Sauf quand la pluie surprend les transporteurs non avisés en cours de route, le risque de détérioration est moindre pour le poisson séché. Les poissons Mukeke pliés en deux puis fumés sont transportés vers les lieux les plus reculés. Ils y sont commercialisés par pièce.
Il est à noter qu’il n’y a pas de véhicules spécialisés dans le transport du poisson sec. Les commerçants transportent parfois les poissons séchés à bord des véhicules assurant le transport rémunéré des personnes. Ce qui n’est pas du tout approprié.
Caractéristiques d’un camion frigorifique
Pour assurer le transport des denrées sensibles, on fait usage de camions frigorifiques. Ces derniers sont dotés d’un système de refroidissement intégré. Ils disposent des équipements composés par une caisse isolée dans laquelle est stockée la marchandise et d’un groupe frigorifique qui génère du froid afin de conserver les denrées à la température souhaitée. Il existe deux types de camions frigorifiques : le camion à groupe frigorifique et le camion à caisse frigorifique.

Les poissons devraient être soigneusement conservés de la pêche à la commercialisation.
La caisse frigorifique désigne la carrosserie-qui est essentiellement une caisse isothermique-conçue pour la conservation et le transport de denrées sensibles, à des températures positives ou négatives. Elle est en polystyrène expansé ou composée de pochette gonflable revêtue de matériau isolant. On distingue les caisses frigorifiques à doubles étages (avec deux niveaux de stockage), mono température (la caisse est composée d’une seule zone de température) et multi température : la caisse est composée de différentes zones de température par l’utilisation de cloisons, lit-on sur le site spécialisé en matière de location des camions frigorifiques.
Les camions frigorifiques varient selon la catégorie de marchandises à transporter. Les porte-viandes possèdent des équipements spécifiques au transport des carcasses. Il existe également des camions destinés au transport des fleurs ou du poisson.
Pour les spécialistes, le groupe frigorifique est un équipement qui permet de générer du froid. En fonction du produit à livrer, on peut choisir entre un camion frigorifique à températures positives (entre +25°C et +0°C) ou un camion frigorifique à températures positives et négatives (de -24°C à +25°C). Le groupe est équipé d’un thermorégulateur. Ce qui permet d’ajuster la température. Le groupe frigorifique fonctionne aussi bien sur batterie (12V, 24V) qu’avec une alimentation sur secteur (230V). Il génère du froid et permet de maintenir la cellule à une température constante choisie.
Les intervenants dans la filière pêche nécessitent plus d’investissements pour minimiser les pertes liées au transport du poisson. L’acquisition des fourgonnettes frigorifiques, des camions frigorifiques semi-remorques est un préalable si on aspire à l’approvisionnement du poisson à l’échelle nationale.
Cet article a été produit dans le cadre du projet dénommé TUYAGE initié par l’Agence des Etats-Unis d’Amérique pour l’Aide au Développement (USAID) mis en œuvre par l’ONG Search for Common Ground et les médias partenaires.
L’utilisation des camions frigorifiques ou à défaut, des caisses iso thermiques est un moyen efficace permettant minimiser les pertes liées au transport du poisson frais. Cependant, ce sont des véhicules destinés au transport des personnes qui assurent le transport du poisson. Les chauffeurs suppriment la banquette arrière pour avoir assez d’espace. On charge des caisses de poisson et des seaux de Ndagalas frais.