Développement

Des constructions en hauteur pour promouvoir l’habitat urbain

La croissance rapide de la population urbaine inquiète plus d’un. Les projections montrent que la ville de Bujumbura aura une population de plus de 2 millions d’habitants d’ici 2035. Cet accroissement de la population fragilise la ville par rapport aux effets du changement climatique.  Les autorités devraient prendre le taureau par les cornes pour faire respecter les normes urbanistiques, architecturales et environnementales

La ville de Bujumbura est une destination privilégiée pour la population active, surtout les jeunes. D’années en années, la population urbaine explose. La population urbaine était de 60 mille habitants en 1962 pour atteindre plus de 2,6 millions d’habitants en 2030. Cet accroissement de la population urbaine entrainer un déficit énergétique et hydrique, la résurgence des constructions anarchiques, la persistance des conséquences liées au changement climatique, etc. Ainsi, le développement urbain régressera et l’avenir de la ville de Bujumbura sera hypothéqué. La vision du Burundi à l’horizon 2025 montre que le pays sera caractérisé par l’unité et le développement inclusif.

La ville de Bujumbura vient en tête des 15 villes qui connaissent une croissance rapide de la population selon un rapport du World Economic Forum du 20 février 2020. La population va doubler d’ici 2035 dans ces villes. Il est projeté une croissance de 123% pour la ville de Bujumbura dont la population en 2020 est estimée à 1 013 000 habitants passerait à 2 263 000 habitants en 2035. Il en résulte une forte pression foncière qui met en péril les équilibres environnementaux. Un Burundais sur 10 est un citadin. La ville de Bujumbura abrite cependant, à elle seule, près des 3/4 de la population urbaine du pays. Une étude réalisée par la JICA (Japaneese International Cooperation Agency) montre  que 80% des véhicules partent chaque matin de la périphérie en se dirigeant vers le centre- ville.

Les panelistes sont unanimes : le gouvernement doit arrêter des stratégies pour réduire les conséquences liées à la prolifération des constructions anarchiques.

Les conséquences se font sentir

Les habitants du quartier Uwinterekwa de la zone Gihosha en commune Ntahangwa s’inquiètent de la prolifération des constructions anarchiques.  Les maisons sont érigées sans respecter les normes de construction. L’absence des canalisations pourraient à terme provoquer des inondations dans les quartiers se trouvant en aval. Ils expliquent que les logements  prennent d’assaut les espaces arables jadis occupés par les cultures vivrières. Même son de cloche pour les habitants de Maramvya qui s’inquiètent des constructions anarchiques. Le quartier Maramvya n’est pas viabilisé. Par conséquent, il est en proie aux inondations et les dégâts sont énormes. Les habitants des quartiers de Nkenga-Busoro de la zone Kanyosha en commune Muha s’inquiètent de la dégradation de la voirie urbaine. La ville de Bujumbura devrait être bien viabilisée avec un réseau électrique performant, un système d’évacuation des eaux de pluies ainsi que la gestion des déchets. Ce qui n’est pas le cas dans le quartier Nkenga-Busoro car les eaux de pluie sèment la panique ses habitants.

Les constructions anarchiques sont monnaie courante dans les localités de Tenga, Rubirizi, Mugoboka, Winterekwa, Gikoto, Kanyosha, Gikungu rural et Kanyosha rural qui ne sont pas viabilisés. Ces quartiers ne disposent d’aucune avenue. Les conséquences sont fâcheuses. Le plan directeur de la ville de Bujumbura de 2014 montre que les zones inondables occupent une superficie de 1400 ha. Et il était strictement interdit d’ériger des constructions dans des zones marécageuses qui occupent une partie des quartiers de Maramvya et Buterere. Le même plan identifie une zone de terrains à forte pente sur une superficie de 7 500 ha au niveau des quartiers de Mugoboka et Kamesa. Dans ces quartiers, la menace des glissements de terrains et des éboulements est palpable, avertit Bernard Sindayihebura, professeur à l’Université du Burundi.

Une extension spectaculaire de la ville

En 2045, la ville de Bujumbura s’étendra sur une superficie de 913 km2. Elle va toucher la province de Bubanza. Telle est la projection du plan directeur innovant de la ville de Bujumbura à l’horizon 2045

La croissance de la population urbaine est intimement liée au galop démographique. Les statistiques montrent que le Burundi avait une population de 1,5 million d’habitants en 1910. A la veille de l’indépendance en 1960, sa population était estimée à 2, 2 millions d’habitants et les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat réalisé en 2008 montrent que la population avoisine 9 millions d’habitants. En moyenne, la population urbaine double tous les 29 ans. La ville de Bujumbura avait une population de 7 000 habitants en 1940. Et, à l’indépendance du Burundi, la population était estimée à 50 000 habitants. La population urbaine atteindra 1,2 million d’habitants d’ici 2025, estime Bernard Sindayihebura, professeur à l’Université du Burundi.

Sylvère Nshangirije, commissaire de l’urbanisation, de l’habitat et des études à l’Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (OBUHA) confirme que la croissance de la population urbaine n’est pas proportionnelle aux moyens mis en œuvre pour aménager les villes. Ce cadre de l’OBUHA révèle que des habitations ont été érigées dans un désordre parfait à la périphérie de la ville de Bujumbura sans autorisation préalable de bâtir. Les villes attirent toute convoitise dans l’espoir de décrocher un emploi.

Les constructions anarchiques en périphérie des villes s’expliquent par le manque de la planification urbaine sur une longue durée. Par conséquent, les inondations entrainent des dégâts humains et matériels.

A qui la responsabilité ?

Pour Ramadhan Nkurikiye, conseiller économique du maire de la ville Bujumbura, l’autorité municipale n’a pas le dernier mot sur l’aménagement du territoire. C’est du ressort du ministère en charge des infrastructures d’aménager les villes.  Les administratifs interviennent dans la mise en application des décisions prises. Il souligne que les défis ne manquent pas. Ce sont notamment le non-respect des plans d’aménagement du territoire.

Et, en matière de prise de décision, les Burundais sont réputés plus sociaux qu’économiques. « Au lieu de prendre des décisions qui s’imposent, on se soucie du sort des ménages qui seront affectées », explique-t-il. Il évoque également ceux qui construisent au-delà des limites de la ville de Bujumbura. Ce qui est source de conflits entre les autorités municipales et celles de la province de Bujumbura.  Il plaide pour la mise en place d’une loi régissant la gestion urbaine.

Respect du Code de l’urbanisme, une priorité

L’expert Sindayihebura compare une ville à un corps humain dont les artères sont assimilables aux avenues et à la voirie. Comme l’être humain, la ville a besoin de respirer; d’où il  faut  aménager des espaces verts. Le Burundi dispose des schémas d’aménagement et d’urbanisme qui ont été actualisés au fur du temps.  La version récente est celle de 2018.  Le schéma d’aménagement de 1957 prévoyait une voie de contournement de la ville de Bujumbura et les autres routes qui proviennent de cette voie. Cela réduirait de façon considérable les embouteillages.

Gaspard Kobako ex-ministre des Travaux Publics et des Infrastructures suggère que l’aménagement du territoire urbain tienne compte des réalités du pays et de la règlementation en vigueur.  Pour juguler les conséquences de la pression démographique, il faut des mesures urgentes de la part des autorités. Sinon, la ville de Bujumbura évolue en bidonvilles. Le quartier Musaga est cas de figures. Les premiers occupants étaient venus pour exercer des petits métiers en ville et ils y sont restés. Force est de constater que les constructions sont érigées dans les lits majeurs des rivières ou sur les rives en violation du Code de l’eau. Pire encore, des habitations s’observent dans les emprises des routes. C’est inadmissible. L’Etat doit être vigilant. Le spécialiste Kobako invite les autorités à faire respecter les normes urbanistiques et  environnementales.

Pour le commissaire Nshangirije, il faut des études préalables pour résoudre la problématique des constructions anarchiques. L’une des solutions durables est de construire en hauteur pour bien gérer l’espace. Mais cela exige des moyens colossaux.

Cet article est une synthèse de la synergie des medias réalisée par six médias, à savoir : les radios Isanganiro, Rema Fm, Izere FM et la presse écrite (Burundi Eco, IWACU et le collectif des bloggeurs Yaga). Cette synergie a été réalisée sous la coordination de l’Ong  LA BENEVOLENCIJA Burundi sur appui financier de la Coopération Suisse et du royaume des Pays-Bas au Burundi.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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Un commentaire
  • NARAHAKOZE dit :

    Il y a la planification urbaine et ensuite la gestion urbaine. Les deux sont complémentaires. La planification définit les espaces à urbaniser et les gèle en conséquence. Tant que ces espaces ne sont pas aptes à recevoir des constructions urbaines, ils ne sont pas attribués. En d’autres termes, ils doivent être viabilisés. Ceci veut dire que les voiries sont en place, l’adduction d’eau, l’évacuation des eaux usées, la téléphonie, raccordement électrique,…Après vient la gestion urbaine. Chaque espace répondra aux exigences du plan local d’urbanisme. La planification et la gestion urbaines est un travail minutieux.
    Chaque commune doit avoir son plan local d’urbanisme. Si non rien ne fonctionnera.
    Se focaliser uniquement sur l’attribution des parcelles tue l’urbanisation.

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