Au lendemain des élections du 5 juin 2025, le CNDD-FDD revendique une victoire totale à l’Assemblée Nationale et une large domination dans les conseils communaux. Mais cette victoire, loin de faire l’unanimité, est vivement contestée par l’opposition et observée avec prudence par l’Eglise catholique. Alors que les critiques se multiplient, le gouvernement appelle au respect de la loi et met en garde contre toute tentative de remise en cause des résultats.

Les résultats provisoires indiquent une victoire écrasante du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, aux élections. Un résultat contesté par l’opposition.
Le parti au pouvoir au Burundi, le CNDD-FDD, est sorti largement vainqueur des élections législatives et communales organisées le 5 juin dernier. Selon les résultats provisoires proclamés mercredi le 11 juin par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le CNDD-FDD a obtenu l’ensemble des 100 sièges électifs de l’Assemblée nationale. A ces élus s’ajouteront huit membres cooptés et trois représentants de la communauté Batwa, portant à 111 le nombre total de députés qui siégeront au Parlement.
La répartition géographique des sièges reflète la nouvelle organisation administrative du pays. Les circonscriptions ont été redessinées pour former cinq grandes provinces. A Bujumbura, le CNDD-FDD a gagné 23 sièges. A Butanyerera, il en a obtenu également 23. La province de Gitega, désormais élargie, en comptera 21 pour le parti au pouvoir. Burunga en fournira 17 et Buhumuza 16. Aucun autre parti politique ne fait son entrée à l’Assemblée Nationale selon ces résultats provisoires.
Une victoire écrasante aux élections communales
Cette domination s’est également confirmée au niveau des conseils communaux. Dans la province de Butanyerera qui regroupe les anciennes entités de Kirundo, Ngozi et Kayanza, le CNDD-FDD a remporté l’intégralité des 200 sièges disponibles. A Burunga, issue du regroupement de Bururi, Makamba, Rumonge et Rutana, le parti au pouvoir a raflé 174 des 176 sièges, ne laissant qu’un siège à l’UPRONA et un autre au CNL. A Bujumbura, composée désormais des anciennes provinces de Bujumbura, Bubanza et Cibitoke, le CNDD-FDD s’est imposé avec 272 sièges sur 275. Les trois sièges restants ont été partagés entre l’UPRONA et le CNL.
La même tendance s’observe à Buhumuza, formée à partir de Cankuzo, Muyinga et Ruyigi, où le parti au pouvoir a conquis 168 sièges sur 175. Quant à Gitega, désormais élargie à Karusi, Muramvya et Mwaro, le CNDD-FDD a obtenu 217 sièges sur 225. L’UPRONA en a décroché sept contre un seul pour le CNL. Au total, le parti au pouvoir CNDD-FDD a remporté 1031 sièges sur 1052 possibles, soit 98 %.
Les résultats sont largement contestés
Cependant, ces résultats provisoires ne font pas l’unanimité. Plusieurs partis d’opposition les contestent ouvertement dont l’UPRONA. Dans un communiqué lu le 11 juin par son président Olivier Nkurunziza, le parti n’a pas mâché ses mots. Selon lui, le scrutin du 5 juin a été « une perte de temps ». Il a affirmé que son parti rejette les résultats provisoires publiés par la CENI. Il a également dénoncé l’attitude des observateurs internationaux et régionaux accusés d’avoir validé un processus entaché d’irrégularités. L’UPRONA a appelé le chef de l’Etat à prendre des mesures pour protéger la démocratie. Il a aussi exhorté les autorités à organiser un dialogue politique inclusif, estimant qu’il s’agissait de la seule voie possible pour résoudre les tensions nées de ces élections. Malgré tout, le parti dit vouloir continuer à faire entendre sa voix tout en appelant les Burundais au calme et à l’unité.
Le Congrès National pour la Liberté (CNL) a lui aussi rejeté les résultats en avançant de graves accusations. Nestor Girukwishaka, un de ses cadres, a dénoncé ce qu’il appelle « des irrégularités extrêmes ». Il a cité des cas de privation du droit de vote, la confiscation des cartes d’électeurs, des instructions données aux électeurs pour voter en faveur du CNDD-FDD ainsi que des violations du secret de vote. Il affirme que certaines personnes ont été accompagnées de force dans l’isoloir, tandis que d’autres ont voté à la place des absents. Selon lui, ces fraudes n’étaient pas isolées, mais bien généralisées à travers le pays. Face à cette situation, le CNL a déclaré qu’il ne reconnaîtrait pas les résultats issus de ces élections.

La majorité des partis ayant pris part aux élections de juin 2025, ainsi que l’Église catholique, dénoncent un scrutin entaché de nombreuses irrégularités.
L’Eglise catholique dénonce également des irrégularités
En parallèle, la voix de l’Eglise catholique s’est également fait entendre. La Conférence des évêques du Burundi a publié un communiqué le 10 juin, dans lequel elle revient sur le déroulement des élections. Ayant déployé des observateurs dans environ 2 400 bureaux de vote, soit près de 30 % du total, l’Eglise reconnait que le scrutin s’est globalement déroulé dans le calme et que la participation a été satisfaisante. Toutefois, elle note une série d’irrégularités inquiétantes.
Certains bureaux de vote auraient ouvert leurs portes avant l’arrivée des délégués des candidats et des observateurs, rendant impossible la vérification préalable du matériel électoral. Dans d’autres cas, les délégués sont arrivés alors que les urnes contenaient déjà des bulletins. Des témoignages font également état d’un manque d’impartialité de la part de certains membres des bureaux de vote, accusés d’avoir influencé les électeurs voire d’avoir voté à leur place. D’autres incidents concernent des personnes qui auraient voté plusieurs fois ou utilisé plusieurs cartes. Par ailleurs, des observateurs et des représentants de candidats auraient été expulsés ou empêchés d’assister au dépouillement. Certains ont été contraints de signer des rapports qu’ils n’avaient pas validés.
Face à ces constats, l’Eglise exprime sa préoccupation quant à la transparence et à la crédibilité du processus électoral. Elle invite les Burundais à une introspection collective, estimant qu’il est impératif de renforcer les fondements de la démocratie et d’organiser à l’avenir des élections marquées par l’équité, la vérité et la paix.
Le CNDD-FDD est sûr de lui-même et le gouvernement met en garde les contestataires
Le CNDD-FDD, de son côté, défend la légitimité du processus. Son secrétaire général, Révérien Ndikuriyo, a reconnu l’existence de quelques irrégularités tout en assurant qu’elles ne remettaient pas en cause l’intégrité globale du scrutin. Il a invité les citoyens qui se disent victimes de pressions à dénoncer publiquement ceux qui les auraient contraints à voter contre leur gré.
Le gouvernement a également pris la parole pour donner son point de vue sur le processus. Le 12 juin, le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, Martin Niteretse, a averti que toute contestation tardive n’a plus de valeur légale. Selon lui, seuls les signalements faits le jour du vote peuvent être considérés comme recevables. Il a ajouté que remettre en question les résultats de l’élection après leur publication est un délit puni par la loi. Le ministre a parlé d’une « attitude irresponsable et dépassée », contraire au respect de la volonté populaire dans un Etat démocratique. Il a appelé les citoyens et les partis à respecter les voies légales s’ils estiment avoir été lésés. Toute tentative de déstabilisation, selon lui, sera poursuivie en justice.
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