Société

Le calvaire des personnes détenues

Dans son rapport annuel, la CNIDH dresse   un tableau non reluisant des conditions de vie des détenus. Les effectifs restent pléthoriques, plus de 300% de  taux d’occupation. En outre, les détenus ont des difficultés liées  à l’accès aux soins de santé, à l’eau et à l’électricité. Ce qui impacte négativement la vie des détenus. La CNIDH recommande le recours aux peines alternatives pour inverser la tendance.

Les effectifs  pléthoriques  des établissements pénitentiaires et les difficultés liées  à l’accès aux soins de santé, à l’eau et à l’électricité impactent négativement la vie des détenus.

En 2023, la CNIDIH a effectué plus de 350 visites dans les cachots de police judiciaire et des parquets du pays. Le constat est que la majorité des personnes en garde à vue étaient poursuivies pour des infractions de droit commun.  « Des progrès continuent à s‘observer en ce qui concerne la tenue des registres   et le respect de la dignité et de  l’intégrité physique des détenus », a fait savoir Dr Sixte Vigny Nimuraba, président de la Commission Indépendante Nationale Droits de l’Homme (CNIDH) lors de la présentation du rapport annuel ce lundi le 19 février 2023 à l’hémicycle de Kigobe.

Une faible capacité d’accueil

Le pays dispose de 11 prisons avec une capacité d’accueil  de 4294 prisonniers.  En décembre 2023, la CNIDH a répertorié 13 565 personnes dont 6 794 condamnés et 6 771 prévenus, soit 316% de taux d’occupation. Ce qui fait que  l’effectif des détenus  dans certaines prisons dépasse le triple de leur capacité d’accueil. Par conséquent, «dans certaines prisons comme celles de Mpimba, Ngozi et Ruyigi, un grand nombre de prisonniers dorment à la belle étoile, dans des allées ou corridors, voire dans des salles de douches», lit-on dans ce rapport.

Selon ce rapport, ce surpeuplement des établissements pénitentiaires est  dû au recours inopportun à la détention préventive même pour des infractions mineures,  à la lenteur dans le traitement des dossiers judiciaires, aux  recours intempestifs en appel contre des décisions judiciaires de remise en liberté des prévenus, à la lenteur ou le manque de diligence dans l’exécution des ordonnances accordant la liberté provisoire. Pire encore,  certaines personnes qui ont bénéficié d’un acquittement définitif ou qui ont déjà purgé leurs peines restent en détention.

Pour inverser la tendance, la CNIDH estime que le recours aux condamnations aux travaux d’intérêt public  pourrait contribuer  à la réduction de la surpopulation carcérale. « Les articles 53 à 59, 105 et 106 du code pénal burundais donnent aux juges la possibilité de prononcer des  condamnations aux travaux d’intérêt public  en substitution à une peine de prison dont la durée ne dépasse pas 5 ans», explique ce rapport de la CNIDH

Une surpopulation des cachots des commissariats

Le président de la CNDH regrette  cependant que dans certains cachots, particulièrement ceux des commissariats provinciaux, les cellules sont très surpeuplées et les conditions de détention déplorables.

A titre illustratif, au mois d’aout  le cachot du commissariat provincial de Kirundo hébergeait 175 hommes dont 3 mineurs alors que sa capacité d’accueil est de 30 personnes seulement, soit un taux d’occupation de plus de 623%. La situation est pareille au cachot du commissariat municipal de Bujumbura qui hébergeait 398 personnes sur une capacité d’accueil de 46 personnes seulement, soit un taux d’occupation de 865,2%, apprend-on du rapport de la CNIDH.

Pourquoi la pléthore des prisonniers ?

Le président de l’assemblée nationale Daniel Gélase Ndabirabe  s’inquiète de  ces effectifs  et exige des enquêtes approfondies  pour en savoir  plus sur les raisons de ce surpeuplement des prisons.  Pour le député Agathon  Rwasa, les arrestations arbitraires pourraient être à l’origine de ces effectifs pléthoriques

Le rapport de la CNIDH révèle que les effectifs pléthoriques des détenus dans les cachots des commissariats provinciaux s’expliquent par le fait que ces cachots hébergent des personnes encore sous enquête préliminaire des OPJ. En outre, les enquêteurs estiment que les transferts en provenance des cachots communaux et des zones dont les dossiers sont en cours  de traitement ou déjà transmis aux parquets compétents augmentent les effectifs. Les commissariats provinciaux hébergent également des détenus dont les dossiers sont en cours d’instruction pré-juridictionnelle au niveau des parquets, voire ceux dont les dossiers sont déjà fixés devant les juridictions

Des conditions d’hygiène qui laissent à désirer

En plus des effectifs très élevés, ce rapport de la CNIDH renseigne que   certains  cachots sont dépourvus ou éloignés des robinets d’eau et des toilettes. C’est le cas, des cachots de police judiciaire des communes de la province de Karusi. «En conséquence, les conditions d’hygiène laissent à désirer». Les enquêteurs de la CNIDH ont découvert des cachots  qui disposent de cellules avec des toitures délabrées. Ce qui laisse couler l’eau de pluie à l’intérieur de la cellule. C’est le cas de ceux de Buhiga dans  la province de Karusi et Kiganda  dans  la province de Muramvya. Le CNIDH dénonce également l’exigence des  frais de bougie  particulièrement dans les cachots des commissariats provinciaux. A défaut de s’en acquitter, les nouveaux venus sont privés de la nourriture.

Les soins de santé, un droit inaliénable

La CNIDH fait savoir qu’en général l’administration pénitentiaire pourvoit aux soins de santé des détenus dans chaque établissement pénitentiaire. Pourtant, il y a  des cas graves  qui nécessitent des soins spécialisés où le prisonnier doit être transféré à l’hôpital le plus proche. « L’accès aux soins de santé à l’extérieur des prisons en général et aux services spécialisés en particulier n’est pas facile suite à la réticence des autorités pénitentiaires d’accorder des autorisations de sortie. Le motif souvent avancé est l’absence de policiers pour assurer l’escorte », déplorent les auteurs de ce rapport.

La CNIDH  se réjouit que  grâce à des visites effectuées  en 2023  dans les cachots de police judiciaire et des parquets du pays, 1 327 personnes ont recouvré leur liberté. La majorité de celles qui ont été remises en liberté étaient poursuivies pour des infractions que le législateur burundais a considérées comme étant moins graves (délits mineurs). D’autres ont été libérées pour cause d’irrégularités de leur détention, précise le rapport de la CNIDH.

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A propos de l'auteur

Méchaël Tuyubahe.

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