Société

Le personnel de Lumitel réclame ses droits

Depuis un certain temps, les employés de la société de télécommunication Lumitel se plaignent de leurs conditions de travail. Ce malaise s’est concrétisé par l’organisation d’un mouvement d’humeur qu’ils ont appelé « mardi noir». Les employés se sont rendus au travail habillés en noir pour manifester leur mécontentement. Burundi Eco vous fait découvrir ce qui se cache derrière ce mouvement d’humeur

Me Gilbert Nibigirwe, avocat au Barreau près la Cour d’Appel de Bujumbura : « Tout travailleur a droit chaque année à un congé payé à charge de l’employeur, dans les conditions qu’énumère l’article 130 du code du travail »

Tout est parti d’une lettre datant du 26 juin 2018 que les employés ont adressée au directeur général (DG) de cette entreprise dont l’objet est très évocateur : demande de rétablissement des employés  de Lumitel dans leurs droits. Cette lettre a mis au grand jour des manquements qui, s’ils s’avéraient  exacts, seraient en contradiction avec  les prescriptions du code du travail en vigueur au Burundi.

De nombreux griefs   

Les employés sont très remontés contre la manière dont Lumitel gère les contrats de travail. Ce dernier préfèrerait  renvoyer les employés qui ont déjà enchainé 2 contrats à durée déterminée (CDD) pour ne pas être obligé de leur faire signer un contrat à durée indéterminée (CDI) comme le prévoit le code du travail. 63 employés ont ainsi été renvoyés depuis le début de l’année dont les chefs de centres et les chefs techniciens. Ils se sont retrouvés dans la rue du jour au lendemain, remplacés par des stagiaires qu’ils avaient eux-mêmes formés à la demande de l’employeur. D’après une source qui a  requis l’anonymat, au total  251 employés dont  les  CDD de 3 ans  touchent à leur terme subiront bientôt le même sort. Seuls 71 se sont vus proposés un CDI jusqu’à maintenant.

Renvoyés pour être réembauchés avec des contrats précaires

Ceux qui sont renvoyés après expiration de leurs contrats sont parfois rappelés pour signer des contrats précaires de collaboration ou de stage. Ils perdent tous les avantages, en l’occurrence le salaire. Une somme dérisoire de 3000 FBu par jour leur est versée quand ils remplissent certains quotas. S’ils ne les remplissent pas, cette somme est minorée proportionnellement aux quotas réalisés. Ils recommencent donc en bas de l’échelle, d’après notre source au sein de Lumitel. « Comment un employé ayant  4 ans d’ancienneté peut-il se retrouver avec un nouveau contrat de stage dans une même entreprise ? » s’indigne la source. C’est ce qui est arrivé à Samson Gasimbo et  Adronis Nihangame du centre de Bubanza et à Yves Hatungimana du shop de Kamenge. Après expiration de leurs CDD, ils ont signé un contrat de stage d’abord et ont été ensuite renvoyés en bonne et due forme.

Impossibilité d’obtenir des papiers administratifs pour les employés

Comme on peut le lire dans la correspondance ci-haut citée, Lumitel ne signe jamais les documents administratifs pour ses employés. Quand ils en ont besoin, ils n’obtiennent jamais ni attestations de service, ni attestations de services rendus ni même de bulletins de paie.

Le salaire, l’autre point d’achoppement

Les employés de Lumitel n’auraient pas un salaire fixe. Le salaire est subdivisé en deux parties. Une partie fixe qui est notifiée dans le contrat et une partie attribuée selon la performance de chacun. A titre d’exemple, notre source nous a indiqué qu’il touchait 700 mille FBu en décembre 2017. Au mois de juillet 2018, il n’a touché que 385 mille FBu.

Par ailleurs, le salaire viendrait tardivement contrairement aux termes du contrat. Mais encore il serait calculé selon les jours ouvrables. Ce qui est valable pour les journaliers et non pas pour les contractuels, a déclaré notre source. Parfois Lumitel verserait les salaires en tranches. Ce qui est contraire à la loi. L’autre agacement des employés est que le salaire serait versé via Lumicash (système de transfert d’argent par téléphone de Lumitel) ou des listings manuels alors qu’ils préféreraient que les salaires transitent sur des comptes en banque.   Pire encore, certains employés toucheraient moins que ce qui est prévu dans le contrat.

D’autres anomalies

Selon toujours notre source, Lumitel ne payerait pas les congés annuels. Même en cas de maladie, la partie du salaire correspondante est déduite du salaire de  l’employé. Plus étonnant encore, l’entreprise les obligerait à acheter des smartphones qui supportent certains logiciels et des motos qu’ils utilisent au service.  Bien plus, les employés ont des doutes sur la façon dont sont calculés l’IPR et les cotisations de l’INSS. Le calcul de la prime d’ancienneté serait également erronée d’après toujours notre source.

L’inspection du travail s’est déjà saisie du dossier

Voulant en savoir plus sur cette histoire, le reporter de Burundi Eco s’est rendu à l’inspection générale du travail. Arrivé là-bas, il a été informé que l’inspecteur général du travail est en séance de travail chez Lumitel pour trouver des solutions à ces problèmes. Joint au téléphone, celui-ci a indiqué qu’il ne peut pas informer la presse sur un dossier en cours de traitement. Il a promis de s’exprimer plus tard.

La loi est claire

Le code du travail, malgré ses imperfections, protège le travailleur. Le CDD ne peut pas être renouvelé plus de deux fois selon le prescrit de l’article 26 du code du travail en vigueur au Burundi, indique Me Gilbert Nibigirwe, avocat au Barreau près la Cour d’Appel de Bujumbura. Certains employeurs se mettent en dehors de la loi en essayant de contourner cette prescription. Mais Me Nibigirwe établit une nuance de taille : rappeler un employé qui a déjà effectué 2 CDD après un certain temps, la loi ne l’interdit pas. Celui qui le fait n’est pas en dehors de la loi, à moins qu’il ait l’intention manifeste de contourner la loi.  Cela relève de l’appréciation du juge, fait-il savoir. Un faisceau d’indices peut montrer l’intention de l’employeur.

Le salaire est légalement protégé

Le salaire est protégé par la loi. Qu’il soit divisé en plusieurs parties, cela n’est pas interdit pourvu que cela se fasse de commun accord. On ne peut pas changer les termes du contrat en payant à l’employé moins que ce qui est stipulé dans le contrat. L’employeur doit payer le salaire convenu avec régularité et ponctualité selon les modalités qui ont été convenues dans le contrat.  Les critères de calcul de performance ou de bonus doivent être préétablis avant la signature du contrat, souligne Me Nibigirwe. Verser le salaire via un service de transfert d’argent ou par des listings ne pose  aucun problème à condition que les parties au contrat l’aient décidé ainsi de commun accord, ajoute-t-il.

En ce qui concerne les congés annuels, le praticien du droit est catégorique. Tout travailleur a droit chaque année à un congé payé à charge de l’employeur dans les conditions qu’énumère l’article 130 du code du travail. En outre, l’employeur a l’obligation de mettre à la disposition de l’employé les moyens de travail.

La société Lumitel gagnerait à assainir les conditions de travail  de son personnel. Le rendement d’un employé est d’autant plus élevé que ce dernier se sent valorisé. Si les deux parties  sont incapables de résoudre le problème qui les oppose, la loi est là pour les départager. Mais si cette affaire va jusqu’au tribunal, ce ne sera dans l’intérêt d’aucune des deux parties. L’inspection du travail s’étant déjà saisie du dossier, espérons que cette affaire sera vite résolue.

A propos de l'auteur

Parfait Nzeyimana.

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Un commentaire
  • Ciza Timothée dit :

    De toute façon merci à toute personne qui fait un effort pour que la situation entre Lumitel et ses empyés soit régulée.
    Moi j’ai été touché par cette injustice donc qu’on arrete ça.

Les commentaires sont fermés.



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