Société

Liqueurs, ces boissons qui tuent à petit feu…

La consommation des liqueurs au Burundi est devenue un phénomène très inquiétant, car jeunes, adultes et vieilles personnes, tous sexes confondus, boivent comme ils veulent et d’autres sont devenus de véritables adeptes de ces boissons qui les tuent à petit feu. Un vrai danger qui hante la société burundaise

En termes d’alcools, on distingue : les bières locales dont le «rugombo», «isongo», «impeke», les bières industrielles, les vins, les liqueurs et les spiritueux. Cependant, les alcools vendus sous forme de liqueur attirent beaucoup de consommateurs. Ils sont très alcoolisés et la plupart d’entre eux ont de 205 à 250 ml avec 16 à 42% d’alcool. Ils sont également accessibles à une grande majorité de la population, car ils se vendent entre 700 à 2000 FBu et sont disponibles dans beaucoup de kiosques éparpillés dans tous les quartiers de la municipalité de Bujumbura.

Elles sont consommées par des gens à faibles revenus

Il est 17h lorsque nous arrivons sur le boulevard Mutaga II situé dans les encablures du quartier Kinanira II. Sur la route, se trouvent des vendeurs de fruits, des femmes qui vendent du maïs grillé, des boutiques…En gros la vie se mène normalement. Nous empruntons un petit passage qui mène vers un petit quartier très connu pour ses actes de délinquance communément appelé « Ceceni » (Tchétchénie). Des étals de marchandises, des tailleurs, des enfants qui courent de partout pieds nus dans la boue, mais surtout de petits cabarets dans lesquels s’entassent les gens.  Le constat crève les yeux : si les personnes qui étaient présentes sur les lieux consommaient des boissons locales, la plupart avaient  devant elles une petite bouteille contenant un de ces liqueurs. Les débats allaient bon train compte tenu de l’ambiance du coin, mais d’autres somnolaient devant leurs verres laissés à la merci des mouches, d’autres sont souillés et trébuchent en marchant.

Alexis Ndayizigiye, psychopédagogue à la clinique d’éducation et de psychothérapie «Turerere Hamwe» : «La société est en train de perdre une main d’œuvre importante parce que la majorité de ceux qui en consomment sont des jeunes».

Nous nous approchons d’une petite boutique non loin de là. Nous passons comme des acheteurs en demandant au boutiquier un de ces liqueurs. Nous en profitons pour lui demander si ce genre de boissons est beaucoup consommé. Avec un sourire aux lèvres, il nous répond : « Ils sont beaucoup consommés, mais ce sont surtout les taxi-vélos et les taxi-motos qui les consomment ». Ce boutiquier va jusqu’à affirmer qu’elles leur procurent beaucoup d’argent que les autres bières industrielles. « Ne se souillent donc pas ? », lui demandons-nous. « Bien sûr que oui.  Ils disent que ça leur procure du plaisir »

Ils en deviennent dépendants

A 18h30, nous prenons la route menant vers le Nord de la capitale, à Kamenge et plus précisément à la 11ème avenue. Au moment où la plupart de gens rentrent chez eux, sur cette avenue, on dirait que le jour se lève. Les gens inondent la rue. Curieusement, le constat est le même qu’à « Ceceni ».

« Ça fait un moment que je consomme la liqueur », nous confie Dismas, un jeune homme rencontré avec une bouteille de liqueur à la main. « Je peux même vous affirmer que je suis un adepte de cet alcool, parce que je ne peux plus m’en passer » indique Dismas, un jeune homme rencontré dans un cabaret.  Il passe ses temps libres à consommer ces boissons quand il n’est pas à la recherche des clients à transporter parce que c’est un taxi-vélo. Par jour, il peut consommer 3 bouteilles de 250 ml.

Si d’aucuns consomment cette boisson occasionnellement, Dismas, lui, dit être adepte de la liqueur, parce qu’il n’arrive plus à s’en passer… Je n’ai plus de client. Parfois il m’arrive de me souiller pendant les heures de travail. Mon plus grand souhait, c’est de ne plus consommer de la liqueur, car je n’en peux plus, déplore-t-il.

Elles tuent à petit feu

Les médecins nutritionnistes indiquent que la consommation des liqueurs n’est pas mauvaise en soi s’elle est modérée, mais c’est sa consommation excessive qui est nocive. D’ailleurs, sur le plan médical, tous les alcools sont considérés au même titre. Et ce, à partir du moment où c’est la composition de l’alcool qui est importante et non sa forme.

Ces derniers indiquent que la maladie cirrhotique du foie est la plus fréquente chez l’alcoolique. Cela étant, les personnes qui consomment ces boissons présentent des symptômes comme l’amaigrissement, les œdèmes au niveau des pieds… Il faut également mentionner que ces personnes sont dans la catégorie de ceux qui ne s’alimentent pas comme il faut et surtout qui ne savent pas interpréter ce qui est écrit sur les étiquettes pour mesurer les conséquences de les consommer.

Une perte énorme pour la société

Selon les normes de l’OMS, la quantité recommandée est 210 g d’alcool par semaine pour un homme et plus de 140 g d’alcool par semaine pour une femme. Une quantité qui est de loin supérieure à celle qui est consommée par les adeptes de ces liqueurs.

Alexis Ndayizigiye, psychopédagogue à la clinique d’éducation et de la psychothérapie « Turerere Hamwe » indique que la consommation excessive de ces liqueurs sont à la cause des troubles de la mémoire, de la concentration, du raisonnement pouvant aller jusqu’à la démence. « La société est en train de perdre une main d’œuvre importante parce que la majorité de ceux qui en consomment sont des jeunes », insiste-t-il. Les familles sont en train d’être perturbées, la prise en charge des maladies chroniques mentales seront très coûteuses pour le pays. Cela étant, la consommation de l’alcool est le troisième facteur de risque de maladie dans le monde, selon les données fournies par l’OMS.

Dans certains coins du pays, des administratifs se mobilisent pour lutter contre les boissons prohibées comme «kanyanga», «umunanasi», «umugorigori»… par suite des dégâts qu’elles causaient dans la société. N’est-il pas temps de prendre des décisions adéquates avant que les enfants, au lieu de s’acheter un biscuit, s’achète une bouteille de liqueur ?

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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Un commentaire
  • Internaute dit :

    Bon article adapté à la situation du moment. Un eveil de conscience est vraiment necessaire surtout chez nous les jeunes qui avont moins de 30 ans. Mais l’utilisation du verbe « se souiller » dans l’article m’as confus ! Il ne semble pas approprié qu’avez vous voulu dire par « se souiller » ? N’auriez vous pas voulu dire « se soûler » ?? Eclairez moi je vous prie. Du reste je vous encourage à rédiger des articles dans ce sens là qui interpellent la conscience de tout un chacun.

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