La pénurie du ciment Buceco persiste. Elle fait toujours parler d’elle-même dans la capitale économique Bujumbura. Ce matériel de base dans la construction des maisons en dur est presque introuvable dans les stocks de vente du ciment Buceco à Bujumbura. Du coup, les spéculations s’invitent. Un sac de ciment dont le prix officiel est fixé à 24500 FBu se négocie entre 31 mille FBu et 32 mille FBu. Au ministère du Commerce, on fait espérer que la situation pourra se débloquer en 2022
Nous sommes mardi le 21 décembre 2021 dans le quartier asiatique (réputé pour la vente des matériaux de construction). D’un côté, les portefaix déchargent des véhicules des sacs de ciment et les transportent vers les entrepôts de stockage. D’autres chargent les sacs de ciment dans les camions qui viennent s’approvisionner en ciment. Ce sont en fait le ciment de type Dangote en provenance de la Zambie et de la Tanzanie et le ciment dit Simba de la Tanzanie. Dans tous ces entrepôts, aucun sac de ciment Buceco n’est trouvable. Tous les entrepôts de la place n’en possèdent pas, du moins selon les vendeurs. Selon eux, bon nombre de commerçants ont renoncé à vendre le ciment Buceco. « Si vous n’êtes pas actuellement sur la liste des distributeurs qui s’approvisionnent directement chez Buceco, vous ne pouvez pas avoir du ciment. On n’y arrive plus à en avoir », nous explique un responsable d’un entrepôt de la place. Il ajoute que seuls quelques entrepôts de la place vendent le ciment Buceco. Ils sont actuellement fermés parce qu’il n’y en a pas de ciment. Ils ouvrent seulement lorsque le ciment est disponible.

Un sac de ciment dont le prix officiel est fixé à 24500 FBu se négocie entre 31 mille FBu et 32 mille FBu.
Et de préciser : « S’il est disponible, en l’espace de quelques heures le stock s’épuise. Il est souvent vendu à l’avance. Les demandeurs ou autres commerçants donnent de l’argent à l’avance. Ils viennent directement récupérer ce ciment juste après le déchargement ».
Un gérant d’un stock de vente de ciment explique qu’il n’a pas d’autres choix que de vendre les ciments de types Dangote et Simba en provenance de la Tanzanie et de la Zambie. « Le ciment Buceco est introuvable ces derniers jours. Ça fait deux semaines que je ne le trouve plus », assure-t-il. Cet employé se dit que l’offre est inférieure à la demande. Dans le cas contraire, on le trouverait sur le marché.
Une spéculation qui ne dit pas son nom
Le ciment Buceco se vend par téléphone. Nous entrons dans un magasin de matériaux de construction qui vend principalement des tôles et des tubes en fer. Devant ce magasin, un échantillonnage de ciment Dangote et Simba est exposé devant la porte. La vendeuse nous précise qu’elle ne possède pas de ciment Buceco. Elle ne le vend même pas.
De bonne foi, elle passe un coup de fil à son ami pour lui demander s’il en possède ou pas. Après deux minutes, le négociant en question débarque accompagné de trois autres personnes. On dirait des commissionnaires. « Vous voulez quelle quantité ? Pour un sac de ciment Buceco, il te faut une somme de 32 mille FBu. Si vous êtes d’accord, on va s’en charger et on va le chercher pour vous », expliquent-ils.
Des coups supplémentaires
Les ingénieurs chefs de chantiers avec lesquels nous nous sommes entretenus précisent qu’ils enregistrent un manque à gagner lié soit à la pénurie de ce ciment, soit à la spéculation sur le ciment Buceco. « En cas de disponibilité, avec une somme de 500 mille FBu, j’achètais 20 sacs de Buceco sur le prix officiel de 24 500 FBu mais actuellement, au prix de 31 mille FBu, je ne me procure que 16 sacs de ciment seulement », précise P. N, un ingénieur rencontré dans la zone de Nyakabiga, commune Mukaza en mairie de Bujumbura. Pire encore, si je manque complètement le ciment Buceco, je suis obligé d’acheter le ciment Dangote qui se négocie entre 38 mille FBu et 40 mille FBu. Vous constatez qu’il y a des frais supplémentaires, témoigne-t-il.
Cette situation a également des conséquences sur la qualité des constructions et leur durabilité. Parfois, les ingénieurs cherchent à utiliser moins de ciment que prévu pour ne pas tomber en faillite. Ils réduisent la quantité du ciment qui devrait être utilisé pour construire une infrastructure. La conséquence sera que ces infrastructures ne vont pas durer longtemps. Elles se détérioreront très tôt, explique une propriétaire d’une maison en construction dans la zone de Bwiza.
Une amélioration dès 2020 ?
Venant Ngendabanka, directeur général du Commerce admet que l’offre de ciment Buceco ne satisfait pas la demande. Actuellement, il y a beaucoup d’infrastructures tant publiques que privées qui sont en construction et qui ne peuvent pas être satisfaites par l’offre de Buceco.
Le directeur général du commerce tranquillise qu’il y aura une amélioration au cours de l’année 2022. « Dans une réunion que l’ex-ministre du Commerce a tenu le 15 octobre avec les jeunes entrepreneurs et les investisseurs en mairie de Bujumbura, celui qui a représenté l’entreprise Buceco a confirmé publiquement que cette société va doubler la production à partir de l’année 2022. Il admet que les infrastructures nécessaires sont disponibles pour augmenter sa production. D’autres unités de production vont être implantées pour augmenter la quantité de ciment produite.
Selon le directeur général du commerce, Dangote Industries Zambia a manifesté le souhait d’installer une branche de son usine de production au Burundi via le ministère des Affaires Etrangères. Le ministère en charge du commerce a déjà répondu en faveur de l’implantation de cette usine.
Ngendabanka révèle également qu’un investisseur burundais va implanter dans l’avenir une société de production du ciment. « Vous comprendrez que la situation va se débloquer dans les jours à venir », explique-t-il.
Contactés, les responsables du Buceco n’ont pas voulu réagir.

Venant Ngendabanka, DG du Commerce : « La société BUCECO va doubler la production à partir de l’année 2022».
Des spéculations persistent malgré les sanctions
M. Ngendabanka fait savoir que le ministère du Commerce travaille en collaboration avec le ministère en charge de la sécurité et l’administration locale pour traquer les fraudeurs et ceux qui spéculent sur les prix du ciment « Quand ils sont attrapés, ils sont punis sévèrement ». Néanmoins, les spéculations persistent.
Le 8 décembre 2021, 95 sacs de ciment Buceco ont été saisis au quartier asiatique. Un commerçant a été pris en flagrant délit entrain de vendre ce ciment à 31 000 FBu par sac. Dans ce même quartier, le 10 octobre, deux commerçants ont écopé chacun d’une amende d’1 million « pour vente du ciment Buceco à un prix non officiel ».
Dans la ville de Gitega, un commerçant a écopé d’une amende administrative de 1 million de FBu pour avoir vendu le ciment Buceco à un prix non officiel. Son fournisseur, quant à lui, a écopé d’une amende de 3 millions de FBu pour spéculation sur le ciment Buceco.
Que Buceco sorte du silence
Noël Nkurunziza, secrétaire général et porte-parole de l’Association des Consommateurs du Burundi (ABUCO) déplore que le ciment Buceco continue à se raréfier sur le marché au moment où il existe une industrie de fabrication du ciment sur place. Encore plus, avec les spéculations qui se font au tour de ce type de ciment, la situation dégénère. L’usine en question n’a jamais dit qu’elle est incapable de satisfaire le marché local. C’est là où les choses se compliquent. Là on pourrait voir quels avantages consentir pour que le ciment importé ne soit pas cher sur le marché et afin qu’il soit accessible aux consommateurs, explique M. Nkurunziza. Pour le secrétaire général de l’Abuco, la spéculation sur le ciment se fait au moment où les autorités publiques prônent actuellement le développement et la reconstruction du pays.
Il demande à Buceco de sortir du silence et de donner les statistiques sur les productions. Noël Nkurunziza propose que cette unité de fabrication du ciment soit suivie par les organes habilités. La production et la distribution devraient être encadrées.
Quid du ciment importé au Burundi ?
Selon le bulletin des statistiques du premier trimestre 2021 de l’Office Burundais des Recettes (OBR), le ciment figure parmi les principaux produits d’importation (produits qui, selon le Tarif Extérieur Commun de la Communauté de l’Afrique de l’Est, représentent au moins 1% de la valeur globale des importations). Le ciment a représenté 3,4% de la valeur globale des importations. Selon le même bulletin, comparativement à la même période de 2020, l’importation du ciment a connu une diminution de 12,2% en passant de 18 073,8 millions de FBu en 2020 à 15 875,5 millions de FBu en 2021.
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