L’économie nationale est au bord du gouffre. Tous les indicateurs macroéconomiques sont au rouge. En outre, l’enclavement, l’environnement des affaires peu favorable, le faible niveau de développement des infrastructures de transport limitent les investissements étrangers. Bref, le climat des affaires nécessite des efforts considérables pour être assaini
« Au cours du premier trimestre de l’année budgetaire 2020-2021, 1 296 entreprises et 500 personnes physiques se sont fait enregistrer auprès de l’Agence de Promotion de l’Investissement au Burundi (API) », a annoncé Désiré Musharitse, directeur de l’API. La plupart des sociétés enregistrées sont des investissements locaux alors que les investisseurs étrangers viennent à compte-gouttes.
Pour le moment, quelques projets des investisseurs étrangers sont sous analyse. M. Musharitse cite notamment deux projets de construction des barrages sur les rivières Kirasa et Mpanda. L’autre méga projet concerne un chantier naval pour le transport lacustre qui sera basé à Kabezi dans la province de Bujumbura. Mais pourquoi ce désintéressement des investisseurs étrangers malgré les réformes entreprises pour améliorer le climat des affaires ? Eléments de réponses dans les lignes qui suivent.
Les investissements étrangers en baisse
Depuis la crise socio-politique de 2015, les investissements directs étrangers (IDE) tarissent. Les IDE sont passés de 47 millions USD en 2014 à 7 millions USD en 2015 », selon une étude du bureau sous régional de la Commission Economique pour l’Afrique de l’Est (CEA).
Les experts n’y vont pas par quatre chemins. La dépréciation du FBu par rapport aux devises réduit la confiance des investisseurs. « Il est difficile d’investir dans une monnaie instable », ont déploré les membres de la commission économique de la CEA. Pour stopper toute spéculation, la Banque centrale a décidé d’intervenir sur le marché de change jusqu’à la fermeture de tous les bureaux de change. Malheureusement, cette décision n’a fait que renforcer le marché noir. La semaine dernière le billet vert a franchi la barre historique de 3 000 FBu.
L’instabilité politique, une force répulsive ?
En 2010, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) s’est penchée sur la politique d’investissement au Burundi. Les conclusions de cette analyse restent d’actualité.
La principale contrainte à l’investissement est le cadre politique qui demeure relativement fragile dans un contexte sous régional lui-même toujours très instable. Le facteur risque est demeuré élevé au Burundi pour que des entreprises étrangères décident d’y investir, concluent les experts onusiens. De surcroît, la crise politique de 2015 a entraîné une régression de la croissance (- 3,9 %). Ceci décourage les investisseurs qui ont peur d’investir dans une économie fragile qui ne résiste pas aux chocs économiques qu’ils soient internes ou externes. « La stabilité politique est une condition nécessaire pour attirer les investissements. Elle rassure les investisseurs et s’accompagne souvent de la stabilité macroéconomique ».
L’enclavement ralentit les investissements
Selon la CNUCED, le faible niveau de développement des infrastructures constitue aussi une contrainte majeure aux investissements. Le réseau routier est très défectueux et les infrastructures ferroviaires sont inexistantes. Le pays dispose d’un petit aéroport international à Bujumbura, mais le transport aérien est également handicapé par la vétusté des équipements et le manque d’entrepôts dans la capitale.
Le Burundi étant un petit pays enclavé, les infrastructures de transport sont particulièrement importantes pour l’acheminement des marchandises ou des moyens de production. Or, la faiblesse des liaisons internationales implique un coût de transport très élevé pour les investisseurs étrangers. D’autre part, les déficiences constatées dans l’approvisionnement en électricité et en eau restent également un défi majeur auquel le pays doit faire face pour attirer des IDE.
Un secteur privé faible et sous développé
De façon générale, le secteur privé est faiblement développé au Burundi. Depuis l’arrêt de l’aide internationale et l’embargo économique des années 1990, l’Etat s’est réengagé dans la majorité des secteurs économiques, expliquent les experts de l’ONU.
Par ailleurs, le système fiscal burundais avec un taux d’imposition particulièrement élevé est très défavorable aux entreprises privées et contribue donc à faire obstacle aux IDE. « Les diverses taxes et impôts en vigueur au Burundi imposent des coûts administratifs considérables tant aux entreprises qu’à l’administration publique et ne favorisent pas l’investissement », lit-on dans le rapport de la CNUCED
Les réserves de devises en chute libre
La Banque centrale, dans son rapport sur la politique monétaire, renseigne que les réserves officielles s’établissent à 59,3 contre 73,6 millions USD, ont diminué de 19,4% par rapport au trimestre précédent. La baisse des réserves des devises est une conséquence directe du gel des financements des bailleurs traditionnels et de la chute des exportations.
Les réserves officielles ne couvraient que 0,8 contre 1,6 mois d’importation de biens et de services au même trimestre de 2017. Cependant, la politique monétaire de la Communauté Est Africaine fixe le niveau planché à 4,5 mois d’importations, c’est-à-dire que le pays doit avoir des réserves de devises pour importer les biens et services pendant au moins 4 mois.
Le pays se retrouve dans une spirale inflationniste
Le taux d’inflation a augmenté de 11 points. Il est passé de -2,4% à 9,2 % entre mai 2019 et mai 2020, selon les données de la Banque centrale. La dépréciation continue du FBu induit l’inflation. Sur les ondes de la RFI, l’économiste Dr Noel K. Tshiani Muadiamvita établit une relation entre la dépréciation monétaire et l’inflation. Il explique que la dépréciation de la monnaie provoque l’inflation dans la mesure où la plupart des biens, surtout les biens de consommations sont importés.
Bien évidemment, il s’exprimait sur la situation qui prévaut dans son pays, la République Démocratique du Congo (RDC), mais le Burundi se retrouve dans la même configuration économique compte tenu du déséquilibre constaté dans sa balance commerciale. L’économie burundaise est très dépendante de l’agriculture vivrière. Cette situation au sein de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est place le Burundi dans une position très désavantageuse du point de vue compétitivité par rapport à ses partenaires, lit-on dans une étude réalisée sur la compétitivité industrielle du ministère en charge de l’industrie. Les auteurs de cette étude alertent sur le fait que le Burundi risque de devenir un importateur net de biens et services au regard de sa balance commerciale toujours déficitaire.
Des difficultés pour rapatrier les capitaux
L’article 11 du Code des investissements de 2008 garantit le libre transfert des capitaux étrangers et des revenus dans la devise et vers le pays choisi par l’investisseur. Cependant, l’article 53 de la réglementation des changes de 2006 précise que les transferts de capitaux et les investissements par les résidents à l’étranger doivent être soumis à l’approbation de la Banque centrale.
Pour rapatrier leurs capitaux, les investisseurs étrangers doivent convertir la monnaie locale en devises étrangères. Ce qui n’est pas toujours facile dans un pays qui connait une pénurie chronique de devises. La priorité est accordée aux importateurs des produits stratégiques tels que les produits pétroliers, les médicaments et les intrants agricoles.
Encore du chemin à faire pour assainir le climat des affaires
L’environnement des affaires est particulièrement défavorable au Burundi, comme le témoigne son classement à l’indice de la Banque mondiale Doing Business 2018. Le Burundi était à la 168ème position sur les 190 pays classés, soit une régression de 4 places par rapport à l’année précédente. Certains indicateurs montrent que l’évolution des affaires est presque statique. A titre illustratif, le Burundi affiche des contreperformances dans le raccordement à l’électricité. Le rapport estime qu’il faut 158 jours pour obtenir un raccordement électrique permanent au réseau alors que la moyenne mondiale est de 86 jours. De même, le Burundi reste un mauvais élève en ce qui concerne l’obtention de prêts et le commerce transfrontalier. Il occupe respectivement la 178ème place et la 169ème place.
Cependant, le Burundi conserve le titre de champion en matière de création d’entreprises. Il se classe à la 17ème position au rang mondial et occupe la première position au niveau de la communauté est africaine. A cette époque, la performance enregistrée dans la création des entreprises est tirée par l’inscription des coopératives de production au registre des entreprises. En ce qui concerne la protection des investisseurs, notre pays n’est pas un bon élève. Il est passé de la 32ème position en 2013 à la 169ème position en 2019.
Comment accroître les IDE ?
Le travail de promotion et de facilitation des investissements directs étrangers est une tâche complexe et de longue haleine dans un pays post-conflit. Cela demandera des efforts continus et cohérents de la part du gouvernement ainsi qu’une coordination au niveau national.
Les experts de l’ONU exhortent les dirigeants à consolider la paix et la stabilité politique. Ils doivent également améliorer la compétitivité et exploiter les potentialités dans les secteurs des services, touristique, minier, agricole et manufacturier.
L’API a été placée sous tutelle directe de la présidence pour jouer pleinement son rôle en vue d’améliorer ses services et d’offrir aux investisseurs un climat d’affaires propice. Cette stratégie va-t-elle inverser la tendance ? Wait and see !
D’après Eurostat, le concept d’Investissement Direct Etranger ou IDE désigne un investissement international dans les comptes de la balance des paiements. Il s’agit pour l’essentiel d’un investissement par lequel une entité résidente d’une économie acquiert un intérêt durable dans une entité résidente d’une autre économie.
En d’autres termes, il s’agit des investissements détenus par les étrangers dans le pays (Investissements Directs de l’Etranger) et ceux des Burundais qui investissent dans d’autres pays (Investissements Directs à l’Etranger).
Je reviens à la proposition faite lors de nos différentes Missions Economiques Belges par la CBL-ACP (Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture Belgique/Luxembourg/Afrique/Caraibes/Pacifique de créer une Zone Economique Spéciale des deux côtés de la frontière Burundi/RDC (route d’Uvira à Bujumbura) et de renforcer le potentiel de l’aéroport et du port de Bujumbura. Ce projet qui a été accepté par le Burundi mais pas mis en place à cause des problèmes politiques du pays. C’était l’outil de développement idéal à mettre en place pour attirer les investisseurs étrangers, créer de nombreux emplois des deux côtés de la frontière et aider à désenclaver les deux pays. Cela aurait grandement aidé tant le Burundi que la RDC et aussi renforcé les relations avec la Tanzanie.