Commerce

Réattribution des stands dans les marchés construits par l’Etat : Une mesure improvisée ?

Des tâtonnements, des chevauchements, des contradictions, … le nouveau mode de gestion des marchés faisant partie du patrimoine de l’Etat est loin d’être claire. Pourtant, selon l’article 63 de la loi budgétaire 2023-2024, c’est l’ordonnance du ministre ayant les finances dans ses attributions qui doit préciser les modalités d’application de cette mesure. Que prévoit cette ordonnance ?

Audace Niyonzima, ministre ayant les finances dans ses attributions : « Une ordonnance conjointe du ministre ayant les finances dans ses attributions et du ministre en charge des affaires intérieures sur la mise en application de cette mesure existe bel et bien ».

Depuis la fin du mois de juillet 2023, il s’observe des tâtonnements dans la mise en application de la mesure de restructuration de la gestion des marchés faisant partie du patrimoine de l’Etat. Plusieurs questionnements des commerçants restent sans réponses. Certains commerçants relèvent des chevauchements et des contradictions dans les interventions des différentes autorités vis-à-vis de cette problématique. « Cela montre que cette mesure manque de planification », constate un négociant au marché de Ruziba.

Pourtant, la loi des finances de 2023-2024 prévoit les modalités d’application de cette mesure. « Au titre de la gestion budgétaire 2023-2024, toutes les recettes issues de la location des stands ou des échoppes dans les marchés faisant partie du patrimoine de l’Etat sont versées sur les comptes ouverts au nom de l’OBR dans les institutions financières et nivelés chaque jour vers le compte général du Trésor Public. A ce titre, les recettes issues de cette location sont réparties comme suit : 90% reviennent au Trésor public ; 10% reviennent aux Communes. Une ordonnance du ministre ayant les finances dans ses attributions en précise les modalités d’application », stipule l’article 63 de la loi budgétaire de 2023-2024.

Il fallait un plan

Que contient cette ordonnance du ministre ayant les finances dans ses attributions qui devrait guider la mise en application de cette mesure ? Lors d’un atelier de vulgarisation de la loi portant fixation du budget général de l’Etat, exercice 2023-2024, qui s’est tenu le 8 août 2023, Audace Niyonzima, ministre ayant les finances dans ses attributions a fait savoir sans plus de précisions qu’une ordonnance conjointe du ministre ayant les finances dans ses attributions et du ministre en charge des affaires intérieures sur la mise en application de cette mesure existe bel et bien. Nous avons voulu savoir les orientations données par ladite ordonnance, mais nos sources dans ce ministère nous ont fait savoir qu’ils n’ont jamais vu cette ordonnance. Pour certains, ce manque de référence serait la source de tous ces tâtonnements.

Cette situation obscure ne demeure pas sans conséquences sur la vie des citoyens burundais en général et celle des commerçants en particulier. Les interrogations sur cette mesure sont légion et proviennent de tous les concernés. Y’aurait-il moyen d’adapter les nouveaux tarifs aux superficies des stands ?  Que sera le sort des commerçants qui ne seront pas à mesure de payer ces prix ? Et ceux qui se sont vu ôtés leurs stands pour les réattribuer aux autres ? Y’aura-t-il des remboursements ou pas ?

Comme les questions, les réponses divergent

Les réponses à toutes ces questions différaient d’une autorité à une autre et recelaient parfois des contradictions. Les agents de l’OBR auraient mené une enquête et en ont conclu que la plupart des stands sont en état de sous-location. Une situation taxée de vol à l’endroit du gouvernement du Burundi, le bailleur. Les prix fixés dans les nouveaux contrats équivalent à ceux qui étaient payés par les sous-locataires à l’endroit des locataires des stands. « Donc, les prix payés par les sous-locataires n’ont pas changé. Ce qui va changer c’est que l’argent qui était jadis payé aux locataires de l’Etat sera cette fois-ci versé sur les comptes de l’OBR sans passer par des intermédiaires », a expliqué le maire de la ville de Bujumbura.

Tout de même, M. Hatungimana accepte que des modifications restent possibles. « Nous allons écouter les doléances des uns et des autres pour qu’ensemble avec l’OBR, on puisse les étudier cas par cas », a fait savoir le maire de la ville de Bujumbura. Selon lui, si l’occupant d’un stand se voit incapable de continuer à payer les frais exigés, pour le stand qu’il occupe, la mairie va se déployer pour trouver une place qui lui convient, « car tous les commerçants n’ont pas le même pouvoir d’achat », reconnait cette autorité.

De l’autre côté, le ministre de l’Intérieur a demandé à l’OBR et aux vendeurs de trouver un compromis. Dans un point de presse qu’il a animé lundi le 31 juillet 2023, le ministre de l’Intérieur Martin Niteretse a annoncé que les nouveaux tarifs fixés pour la location des stands et des échoppes dans les marchés construits par l’Etat du Burundi méritent d’être révisés par l’OBR pour que les commerçants puissent continuer à travailler convenablement.

Que contient le nouveau contrat ?

Dans les conventions de l’Office Burundais des Recettes (OBR), l’article 2 stipule que le locataire s’engage à respecter les délais de paiement sans dépasser le 25ème jour du mois et que le paiement en tranches n’est pas accepté. Le loyer du mois de juillet et celui du mois d’août doivent être virés sur le compte de l’OBR jusqu’au plus tard le 10 août 2023. Si ce délai expire, le locataire se verra infligé une amende de 1% chaque jour de plus sur le montant à payer. Une fois que le commerçant est dans l’incapacité de verser le loyer sur le compte de l’OBR après 2 mois, cet office a le plein droit d’effectuer le recouvrement forcé et de résilier le contrat et l’amende continuera à s’y ajouter. Le versement s’effectuera sur le compte de l’Office Burundais des Recettes et non sur le compte de la Mairie.

Jimmy Hatungimana, Maire de la ville de Bujumbura : « La sous location n’est pas permise dans les affaires publiques ».

L’article 3 de ce contrat précise les modalités de résiliation du contrat. Il mentionne que le locataire n’a pas le droit de faire louer à son tour le stand que ce soit à un autre individu ou à une association. « Si le locataire ne peut pas occuper lui-même ce stand, le contrat sera suspendu », lit-on dans ce contrat. Et d’ajouter que l’OBR se réserve le droit de modifier le contrat chaque fois qu’il y a du nouveau.

Que dit le juriste ?

« Amasezerano agizwe hatisunzwe amategeko acika impfagusa », fait savoir Me Pasteur Mutore. Selon ce juriste, la plupart des actuels occupants des stands dans les marchés faisant partie du patrimoine de l’Etat sont des sous-locataires alors que la sous location n’est pas permise dans les affaires publiques. Selon lui, la sous location ne peut en aucun cas être considéré comme un investissement. C’est plutôt un vol à l’endroit du propriétaire qu’est le gouvernement. C’est pourquoi, selon lui, tant qu’on n’est pas dans les normes, on a pas grand-chose à réclamer.

Selon les différents protagonistes, il faut que la mise en application du nouveau mode de gestion des marchés construits par l’Etat suive un plan détaillé et surtout que les commerçants soient impliqués dans cette réorganisation. Rappelons que la mairie de Bujumbura et l’OBR ont procédé depuis le jeudi 3 août 2023 jusqu’au 8 août 2023, à l’enregistrement des stands et des commerçants exerçant leurs activités dans les différents marchés de la Mairie de Bujumbura.

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A propos de l'auteur

Florence Inyabuntu.

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