Finance

Adoption des projets lois de finances : Le temps réservé à leur analyse pose problème

La préparation de la loi des finances est un processus très complexe. Le ministère en charge du budget a la lourde responsabilité d’élaborer le budget général de l’Etat. Dans la plupart des cas le projet est analysé à la va-vite dans le souci de respecter les délais impartis. Or, le budget de l’Etat reflète les grands axes pour soutenir l’économie. Pour l’économiste Boaz Nimpe, cette donne doit être changée. Il invite les parlementaires à faire preuve de vigilance avant d’adopter ledit projet de loi

Sous l’appui technique et financier du bureau de la Coopération Suisse au Burundi, le parlement burundais a organisé du 09 au 11 mars, dans la province de Ngozi un atelier de renforcement des capacités à l’endroit des députés et des sénateurs ainsi que des cadres du parlement sur le processus d’élaboration, d’analyse et d’adoption de la loi des finances.

L’objectif était de doter les parlementaires d’un bagage suffisant sur le processus d’élaboration, d’analyse et d’adoption de la loi des finances. Cela étant donné que bon nombre d’entre eux sont novices dans leurs fonctions. Pour Boaz Nimpe, il est nécessaire que les parlementaires sachent comment lire toutes les lignes des projets de lois des finances. Des notions sur la dimension macro-économique de préparation d’un budget de l’Etat aux différentes parties qui constituent la loi des finances en passant par la manière dont les recettes sont mobilisées, etc.

Boaz Nimpe, économiste : « Les parlementaires devront comprendre l’importance d’avoir un temps suffisant pour analyser le budget de l’Etat en tant que véritable instrument de la politique budgétaire du pays ».

Des manquements dans l’adoption du budget

Le retard de l’analyse des projets de loi des finances reste problématique. Les parlementaires analysent souvent les projets de loi budgétaire dans les derniers jours du temps prévu. Certains parlementaires dont Agathon Rwasa trouvent qu’une seule journée ne suffit pas pour analyser tout le contenu du projet de loi budgétaire présenté par le gouvernement au parlement.

Pour l’expert Boaz Nimpe, les parlementaires devront comprendre l’importance d’avoir un temps suffisant pour analyser le budget de l’Etat en tant que véritable instrument de la politique budgétaire du pays.  Il précise que les projets de loi des finances doivent être présentés à temps pour permettre au Parlement d’avoir le temps suffisant d’examiner le projet de budget. «Dans les années antérieures, le projet de loi des finances était soumis aux bailleurs de fonds pour une éventuelle analyse. Actuellement, comme les appuis budgétaires ont été limités, les besoins de négociations avec les bailleurs de fonds ne sont plus nécessaires». Boaz Nimpe dit également que les lois budgétaires ne sont pas publiées dans le journal officiel. Les documents à annexer au projet de loi des finances sont jugés incomplets par la Cour des comptes. « D’après la Cour des comptes, il persiste un problème lié au manque de documents traduisant certaines informations financières », fait savoir l’économiste.

Il note aussi un processus budgétaire peu transparent. « Les informations sont données trop tardivement et ne peuvent pas être vérifiées quant à leur pertinence et leur fiabilité. Le partage des informations budgétaires est pratiquement inexistant. Souvent, aucun service n’est chargé d’informer le public et les partenaires financiers sur les hypothèses ».

Le défi d’endettement n’est pas pris en compte lors de l’adoption du budget. Pour cet économiste, l’augmentation de l’endettement intérieur est moins considérée. « On remarque que les budgets n’ont rien prévu pour réduire la dette intérieure. Même la dette bancaire ne fait que s’accumuler », explique-t-il. Selon lui, l’accumulation de l’endettement joue sur la valeur de la monnaie burundaise et constitue un impôt déguisé suite à la dépréciation monétaire et à l’inflation. L’écart entre la budgétisation et la réalisation des dons pose également problème. Celui des dons n’est pas souvent réaliste. « Quand on considère le rapport entre les prévisions et les réalisations, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur les difficultés de budgétisation », indique Boaz Nimpe.

Quid de la préparation des lois des finances ?

Comme le stipule l’article 29 de la loi de 2008 relative aux finances publiques, c’est le ministère des finances, sous l’autorité du Président de la République qui est responsable de la préparation des projets de lois des finances et de leur présentation au Parlement.

Au plus tard cinq mois avant le dépôt du projet de loi des finances initiale, un Conseil des Ministres fixe le plafond global des dépenses du budget de l’Etat pour l’année à venir, compte tenu de l’objectif de solde budgétaire et des hypothèses économiques retenus.

Ce Conseil des Ministres répartit, à titre indicatif, ce plafond entre les ministères sur la base de l’état fixant la programmation indicative à moyen terme des grandes catégories de dépenses publiques. La Cour des comptes adresse son avis au Parlement sur tout projet de loi des finances dans les 15 jours de leur adoption en Conseils des Ministres.

Après le dépôt du projet de loi des finances par le Gouvernement à l’Assemblée Nationale et au Sénat, les commissions des finances du Parlement ont tout le pouvoir d’enquêter sur pièce et sur place sur les questions relatives à la gestion budgétaire, financière et comptable des administrations de l’Etat.

Les références légales du budget

Les références légales du budget sont entre autres la Constitution du Burundi de 2018, la loi de 2008 relative aux finances publiques, le décret de 2011 portant Règlement général de gestion des budgets publics, le décret de 2012 portant sur la gouvernance budgétaire, le PND 2018-2027, etc.

Après le vote du budget, les députés et les sénateurs devraient faire le contrôle de l’action gouvernementale.

Le parlement devrait être vigilant

Le rôle du parlement est d’abord de voter les lois. Pour Boaz Nimpe, les parlementaires devraient savoir lire et analyser toutes les lignes des projets de lois des finances. Chaque parlementaire peut identifier les parties de la loi des finances qui lui permettent de lire les recettes et les dépenses inscrites aux budgets de l’Etat. Chaque parlementaire peut identifier le montant alloué à chaque ministère suivant la classification économique et fonctionnelle.

Les parlementaires doivent mieux agir sur les moteurs de croissance. « Un budget mieux élaboré agit sur les accélérateurs ou les moteurs de la croissance. Le parlement doit être regardant lors de l’examen du projet de budget. Ils doivent mieux identifier les moteurs de croissance, soutien et consolidation du cadre macroéconomique », insiste l’expert.

Du contrôle de l’action gouvernementale

Selon Boaz Nimpe, après le vote du budget, les députés et les sénateurs font le contrôle de l’action gouvernementale. Ils doivent être outillés pour savoir comment les lignes budgétaires qu’ils ont autorisées sont en train d’être exécutées. Les parlementaires doivent s’assurer que le budget voté a été exécuté dans les limites autorisées.

Dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale, les députés devraient demander aux ministres en plénière les cadres logiques des projets. « Chaque programme a un cadre logique. Vous comprendrez les résultats en termes d’impact sur le développement. Le budget est voté pour une année, mais les programmes d’investissement durent longtemps. Raison pour laquelle il importe toujours de demander aux ministères les avancements des projets », explique Boaz Nimpe.

Qu’en est-il de la non adoption de la loi des finances ?

Si la loi de finances n’est pas votée avant le début de l’exercice. On applique le douzième provisoire. On prend le budget précédent divisé par 12, révèle Boaz Nimpe.

L’article 37 de la loi de 2008 relative aux finances publiques montre que les dépenses de fonctionnement du budget de l’Etat sont autorisées dans la limite mensuelle d’un douzième du montant de crédits votés pour l’année précédente, pour chaque chapitre budgétaire.

Selon l’expert, ce scénario s’est produit en 1994. « La loi n’a pas été votée. C’était suite à la crise de 1993. Jusqu’au 31 décembre, elle n’était pas encore votée. Il n’y avait même pas le signataire », fait-il savoir. Ce n’est qu’après trois mois qu’elle a pu être votée.

Le respect des délais de dépôt du projet de loi au parlement, une nécessité

Pour Boaz Nimpe, avant d’adopter le budget, il est important que le Parlement exige au gouvernement le respect des délais de dépôt du projet de loi au parlement, au moins deux mois avant. Le parlement doit également exiger la présentation de la loi de Règlement, le compte rendu budgétaire ainsi que le rapport d’activités du gouvernement pour savoir si le Budget antérieure a été correctement exécuté dans l’intérêt des citoyens. L’intensification du contrôle parlementaire, l’exigence des contrôles physiques de l’exécution du Budget et en particulier des dépenses affectées dans les secteurs sociaux s’avèrent nécessaires.

Le budget de l’Etat est un acte d’autorisation de collectes et de dépenses donné par le Parlement après examen. C’est un outil de politique fiscale et financière de l’Etat qui peut stimuler ou désinciter les activités économiques et influencer le développement social, promouvoir différents objets nationaux généraux ou spécifiques. Le budget a différents objectifs dont économiques (croissance, équilibre économique, emploi), sociaux (répartition équitable du revenu et de la richesse), politiques (avancement des droits, indépendance, autonomie nationale, paix). Le budget doit avoir la clarté et la vision d’ensemble de la politique gouvernementale.

A propos de l'auteur

Bruce Habarugira.

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