Energie

L’énergie nucléaire pour sauver le secteur industriel ?

Le chantier de construction des centrales hydroélectriques entrepris par le gouvernement commence à donner des résultats. Deux centrales viennent d’être achevées et vont injecter de l’énergie électrique dans le pays. Mais en réalité, le chemin est encore long pour combler le déficit énergétique. Au moment où le pays aura besoin d’au moins 1000 MW pour son industrialisation et l’exploitation des mines, la capacité actuelle oscille autour de 100 MW. Le pays mise sur l’énergie nucléaire pour inverser la tendance    

Le Burundi enregistre un déficit énergétique énorme. L’offre électrique oscille actuellement autour de 100 MW. Seuls moins de 10% de la population burundaise ont accès à l’électricité. Pour faire face à ce déficit énergétique, le gouvernement a entrepris un vaste programme de construction des barrages hydroélectriques.  Les deux premières viennent d’être achevées. Le barrage hydroélectrique de Ruzibazi (15 MW) a été mis en service depuis le 01 juillet 2022. Selon la Regideso, actuellement 5 MW de cette centrale sont injectés dans le réseau électrique du Sud du pays et 10 MW restants sont déjà injectés dans le réseau via Bujumbura. Le courant provenant de la centrale régionale Rusumo Falls en construction sur le rivière Akagera va être disponible d’ici peu. Cette centrale partagée par trois pays (Burundi, Rwanda et Tanzanie) aura une capacité de 80 MW dont 26,5 MW pour le Burundi. Dans un communiqué diffusé sur ses plateformes en ligne, la Regideso a annoncé les premiers essais de la mise en service de la ligne Muyinga-Gitega le 07 juillet 2022. C’est cette ligne de 220 KV qui va assurer le transport de l’énergie à partir de la centrale hydroélectrique régionale de Rusumo falls vers Gitega. Au niveau de la Regideso, on informe que les travaux sont terminés pour le côté du Burundi. La mise en service effective de cette ligne est prévue pour le mois de décembre 2022.

Au moment où le pays aura besoin d’au moins 1000 MW pour son industrialisation et l’exploitation des mines, la capacité actuelle oscille autour de 100 MW.

Quid d’autres centrales hydroélectriques en cours de construction ?

Parmi les barrages qui avaient été prévus figure celui de Mpanda (10,4 MW). Cette dernière est à l’arrêt. Les travaux ont été mal faits en plus des détournements de fonds qu’il a occasionnés. 54 milliards de FBu ont été engloutis et l’affaire est devant la justice, selon les autorités. 

Pour le barrage de Kabu 16 (20 MW) en construction sur la rivière Kaburantwa dans la province de Cibitoke, les travaux vont bon train, assure la chargée de la communication à la Regideso. Ce barrage sera mis en service au mois de décembre 2022. S’agissant de la centrale Jiji-Mulembwe (40,5 MW), sa mise en service est prévue pour fin 2023. L’état d’avancement des travaux avoisine environ 50%, selon Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines.

Une amélioration n’est pas pour bientôt

Avant la mise en service de la centrale hydroélectrique de Ruzibazi, la production d’électricité oscillait autour de 90 MW. Parmi ces MW figurent 30 MW de la centrale thermique fournie par Interpetrol. Dans le cadre de la construction des centrales hydroélectriques, il était prévu que l’énergie fournie par Interpetrol sera substituée par celle des centrales hydroélectriques pour minimiser les coûts. Pour cela, le ministère peut envisager la renégociation ou la suspension du contrat. « Avec la mise en service des trois centrales hydroélectriques (Ruzibazi, Kabu 16 et Rusumo Falls), la situation va être analysée pour prendre une décision définitive », fait savoir M. Sindayigaya tout en précisant que le contrat avec Interpetrol est prévu jusqu’en 2027. Il ajoute également que chaque pays prévoit de l’énergie thermique pouvant jouer le secours en cas de perturbation des centrales hydroélectriques. 

Le chemin est encore long pour que le pays puisse réaliser des travaux de développement de grande envergure. Le Plan National de Développement 2018-2027 prévoit que le Burundi aura besoin d’au moins 400 MW pour son industrialisation et 412 MW pour le secteur des mines en 2027.  Or, la puissance totale installée sera d’au moins 287,141 MW en 2027, selon les prévisions de la stratégie sectorielle de mise en œuvre du PND au ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines. Donc, le déficit énergétique sera évalué à plus de 500 MW.

« L’exploitation des mines et la construction du chemin de fer nécessitent un besoin énergétique de 1000 MW »

Le Burundi envisage de recourir à l’énergie nucléaire pour combler son déficit énergétique. Les députés ont adopté le 23 juin 2022 le projet de loi relatif à l’utilisation pacifique, à la sûreté de l’énergie nucléaire et aux rayonnements ionisants. Les représentants du peuple ont insisté sur le pourquoi le Burundi veut développer l’énergie nucléaire alors qu’il dispose des potentialités pour la production d’autres énergies, notamment l’énergie hydroélectrique ou l’énergie solaire. 

Ir Ibrahim Uwizeye, ministre en charge de l’énergie n’y va pas par quatre chemins. Le potentiel hydroélectrique du Burundi a été évalué à 1700 MW, mais que seuls 300 MW sont énergétiquement rentables (économiquement exploitables). La plupart des centrales hydroélectriques seront amorties sans avoir générés des recettes équivalentes au moins aux dépenses ayant servi à leur construction », révèle-t-il. Quant à l’énergie solaire, le ministre explique qu’elle n’est pas stable et dépend de l’intensité solaire.  Cette intensité est proportionnelle à la surface des plaques solaires. Selon le ministre Uwizeye, 1 MW a besoin d’un terrain équivalent à un hectare. « Pour produire plus d’énergie solaire, il faut plus d’espaces. Ce qui n’est pratiquement pas facile pour notre pays sans espaces vides ». Le ministre ajoute aussi qu’elle est intermittente et disponible pendant quelques heures seulement (6 heures sur 24 heures).

D’où l’engagement du gouvernement en faveur du nucléaire pour booster le développement du pays. Le nucléaire permettra de combler le déficit énergétique et accroître le secteur industriel. « La modernisation et l’exploitation des mines et carrières ainsi que la construction du chemin de fer nécessiteront un besoin énergétique estimé à 1000 MW », informe le ministre. 

Quid des capacités à avoir du nucléaire ?

Le ministre Uwizeye signale d’abord que le pays a un espoir de l’éventuelle existence du métal uranium dans le pays suite aux indices et aux prospections faites dans les provinces de Kayanza, de Cibitoke, de Bubanza, etc. Il informe qu’un mémorandum d’entente a été signé entre le Burundi et la société ROSATOM d’origine russe pour poursuivre les études sur les possibilités d’exploiter une centrale nucléaire.

Pour exploiter l’énergie nucléaire, le Burundi vise la coopération bilatérale, notamment avec la Russie. Il compte également sur la coopération multilatérale dans le cadre de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique « AIEA » à laquelle il a adhéré comme membre.  Dans cette agence, il pourra bénéficier des formations de l’expertise nationale. L’AIEA aide à former les cadres des Etats membres en ce qui concerne le traitement et l’évaluation de la situation de la radiation sur le territoire national afin de protéger la population. L’AIEA organise des contrôles dans chaque pays membre afin d’éviter des catastrophes.

Ir Ibrahim Uwizeye, ministre en charge de l’énergie : « Le potentiel hydroélectrique du Burundi a été évalué à 1700 MW, mais seuls 300 MW sont énergétiquement rentables (économiquement exploitables) ».

Les bénéfices priment sur les risques

« Connaissant bien les méfaits de l’énergie nucléaire, si le Burundi refusait de promulguer cette loi, quelles en seraient les conséquences ? », ont demandé les députés au ministre Uwizeye.

Il tranquillise d’abord : « Il existe actuellement des réacteurs nucléaires (Small modula reactor) de dernière génération avec 50 MW avec le risque zéro. Avec ce genre de réacteur, nous trouvons que le bénéfice l’emporte largement sur le risque tout en notant que le risque n’est jamais nul même pour les centrales hydroélectriques ».

Uwizeye précise que le nucléaire aidera dans d’autres domaines tels que la santé et l’environnement. « En l’absence d’une telle loi, les conséquences sont nombreuses. Les sciences et les technologies relatives aux applications de l’énergie nucléaire ne connaîtront pas de progrès, les accords de coopération déjà signés conjointement entre le gouvernement du Burundi et l’AIEA deviendront lettre morte », a-t-il expliqué.

Et de poursuivre : « La population, les patients et l’environnement seront exposés aux effets nocifs des rayonnements ionisants, car l’utilisation de sources aux rayonnements ionisants continuent à se faire dans l’ignorance totale des répercussions ». D’après le ministre Uwizeye, le programme de lutte contre le cancer ne sera pas appuyé par les différents partenaires qui exigent la mise en place préalable d’une loi nucléaire car divers équipements et produits utilisables dans ce domaine sont radioactifs.

Un pari contre la déforestation ?

Pour le ministre en charge de l’énergie, une centrale nucléaire fournit également l’énergie thermique sous forme de vapeurs. Uwizeye précise que cette énergie pourra être utilisée par les grandes industries comme Fomi, Brasserie, Savonor, etc. « Cela réduirait considérablement la déforestation dont l’impact au niveau climatique n’est plus à démontrer ».   Il indique également que l’Union Européenne va bientôt certifier les énergies nucléaires parmi les énergies vertes du fait que ce genre d’énergie s’accompagne d’un faible dégagement de gaz carbonique (CO2) et de vapeur d’eau.

Le Burundi n’est pas le seul pays de l’EAC à vouloir recourir à l’énergie nucléaire. Le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie, la RDC se sont déjà dotés des lois sur le nucléaire dans le but de développer des programmes d’énergie nucléaire. 

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Bruce Habarugira.

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