Spéciale femme

Ingénieur, ce métier qui se conjugue petit à petit au féminin

Traditionnellement, les chantiers ont toujours été des bastions réservés aux hommes. Même dans le monde moderne d’aujourd’hui, seuls 2 % des travailleurs du bâtiment sont des femmes. Bien qu’encore très hermétique, le milieu de la construction s’ouvre peu à peu aux femmes. Beaucoup de défis restent toutefois à relever pour que la mixité parfaite s’observe sur les chantiers

Quand on se promène sur un chantier n’importe où dans le pays, on remarque vite que la quasi-totalité des travailleurs sont des hommes. Une femme sur un chantier reste plutôt l’exception que la règle. Les femmes n’envisagent pas spontanément le secteur de la construction comme un environnement de travail potentiel. De l’autre côté, des étudiantes embrassent la carrière d’ingéniorat et s’en sortent très bien. Un paradoxe que Jeannette Kaneza, bachelière en Génie Civil a voulu surmonter par l’idée de création d’une association des Femmes qui luttent pour la mixité et l’égalité des genres dans la construction.

L’argument le plus souvent invoqué pour éviter d’embaucher une femme est le manque de force physique mais, sur terrain, les femmes effectuent les mêmes travaux que les hommes.

Du haut de ses 26 ans, Kaneza a terminé ses études en Génie Civil il y a de cela deux ans. N’ayant pas facilement trouvé l’emploi qui correspond à sa carrière, elle eut l’idée de chercher comment créer sa propre entreprise mais, sans moyen ni adresse, il ne lui sera pas facile de sortir du lot. « Puisque mon idée a connu certaines barrières, je me suis entretenue avec une autre fille qui avait fait les mêmes études pour voir la faisabilité du projet de nous mettre en association », confie-t-elle. D’amie en amie, les autres filles ingénieures répondent favorablement et la concrétisation pointe à l’horizon. Le 30 octobre 2018, l’association « Femmes Ingénieures Actives pour le Développement Inclusif » (FIADI en sigle) a vu le jour avec 10 femmes. Une autre a adhéré un peu plus tard.

Une association pour briser clichés et stéréotypes

Pour attirer plus de femmes dans le domaine, il faut donc combattre les préjugés de plusieurs employés et employeurs afin que les futures travailleuses se sentent plus à l’aise. Cette association a voulu opérer un changement de mentalité dans le secteur du bâtiment où des préjugés bien ancrés font que les femmes ont souvent moins de chances que les hommes d’être embauchées pour des travaux manuels ou techniques. « L’argument le plus souvent invoqué pour éviter d’embaucher une femme est le manque de force physique mais, selon les analyses sur terrain, il s’agit bel et bien d’un stéréotype qui a peu à voir avec la réalité, puisque la majorité des femmes peut effectuer la plupart des tâches exigées des hommes dans un métier traditionnellement masculin », souligne Mme Kaneza. « Imaginez le niveau d’isolement d’une femme qui arrive sur un chantier où elle est entourée uniquement d’hommes. Elle doit souvent faire face seule à l’intimidation et à l’exclusion, et, si elle ne se fait pas appuyer par son contremaître et son entreprise, elle n’a aucune chance. Elles se font toujours tester », fait-elle savoir.

En outre, les femmes ont des niveaux de rémunération moindres et de solides barrières se dressent sur leur route pour monter les échelons vers la maçonnerie. « Vous trouverez qu’une femme peut éternellement travailler comme aide-maçon alors qu’elle serait capable de se hisser au poste de maçon », regrette-t-elle. 

Les verrous mis aux femmes, dans les têtes et dans les faits

Pousser les filles vers les écoles d’ingénieurs ne suffit pas. Nombre d’entre elles qui en sortent diplômées n’exerceront jamais leur talent dans leur domaine de prédilection. En tête des raisons invoquées par les concernées : les obligations familiales, le sexisme au travail, le quotidien malheureusement trop bien intégré de la majorité des femmes. Les femmes sont toujours régulièrement victimes d’intimidation et de sexisme de la part de leurs collègues, et parfois même de leurs supérieurs. « Les femmes reçoivent régulièrement des commentaires comme quoi elles sont paresseuses et faibles. Ce qui leur poussent à ne jamais atteindre un niveau supérieur », déplore Mme Kaneza. Et d’ajouter que FIADI entend changer la situation en dispensant des formations réservées à un public féminin afin de lui permettre d’acquérir les compétences nécessaires pour réussir dans cet environnement. 

Les entraves restent nombreuses pour éloigner les filles, et puis les femmes des carrières scientifiques, singulièrement dans cette vaste catégorie que l’on appelle « ingénieur ». Pourtant, les tentatives ne manquent pas pour faire exploser les barrières. Kaneza explique que « même si dans la formation d’ingénieurs il y a une certaine parité de femmes, celles-ci se tournent ensuite plutôt vers la planification et l’étude en bureau d’ingénieur que vers le terrain », car les chantiers sont parfois éloignés et, la plupart du temps, le nombre de femmes est très réduit. Elles sont toujours minoritaires. Ça peut générer des situations très difficiles. 

Dans pareil contexte, l’importance de faire davantage de places aux femmes dans le domaine de la construction n’a jamais été aussi pertinente, estime Mme Kaneza. Pour y arriver, ladite association s’attelle à déconstruire de nombreux mythes qui sont encore vivaces aujourd’hui au sein de cette industrie. Contrairement à ce que certains mythes véhiculent, les exigences liées à la force physique ne constituent pas un motif d’abandon pour la majorité des travailleuses de la construction. « On ne va pas se le cacher, il reste beaucoup à faire, notamment du côté des employeurs, pour atteindre l’égalité des genres », conclut-elle.

A propos de l'auteur

Bonaparte Sengabo.

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