Développement

La corruption endémique entrave le développement du secteur privé

La deuxième édition du forum national du secteur privé a eu lieu cette semaine. Pendant deux jours, les acteurs du secteur public et les décideurs ont pu échanger sur les obstacles au développement du secteur privé et les réformes économiques initiées ainsi que l’évaluation de la mise en œuvre des recommandations de l’édition précédente.

 

Mme Marie Chantal Nijimbere, ministre du Commerce, du Transport, de l’Industrie et du Tourisme : « Ce forum constitue une occasion d’inciter les entreprises du secteur privé à participer plus activement au développement socio-économique du Burundi ».

 

Le forum du secteur privé se veut une opportunité pour le gouvernement de revitaliser le dialogue public-privé et de promouvoir les dialogues sectoriels, a déclaré Mme Marie Chantal Nijimbere, ministre du Commerce, du Transport, de l’Industrie et du Tourisme.  Ce forum constitue une occasion d’inciter les entreprises du secteur privé à participer plus activement au développement socio-économique du Burundi, car elles ont des ressources et le potentiel nécessaire pour s’attaquer aux problèmes qui touchent des millions d’habitants.

C’est aussi une occasion d’évaluer la mise en œuvre des recommandations issues de la première édition et de mettre en place un mécanisme permanent de suivi des recommandations des journées d’Umuzinga Day. Il s’agit également de mener des discussions autour des réformes et des mesures prises pour améliorer le climat des affaires.

L’Umuzinga Day est une occasion unique pour les parties prenantes au développement du Burundi de dialoguer pour lever les blocages au développement du secteur privé, fait remarquer Mme Hawa Cissé Wagé, représentante résidente de la Banque Mondiale au Burundi. Elle estime qu’une croissance économique forte, inclusive et durable n’est possible que si elle est tirée par un secteur privé performant. « Le secteur privé qui devrait jouer un rôle crucial dans la dynamisation de la croissance économique par la création des richesses fait face à certains défis qui l’empêche de se développer et d’utiliser tout son potentiel », déplore-t-elle.

Une initiative salutaire

Le président de la Chambre Fédérale de Commerce et de l’Industrie du Burundi (CFCIB) salue l’initiative du gouvernement d’avoir créé une journée nationale exclusivement dédiée au secteur privé. « Le secteur privé devrait produire des biens et des services de qualité pour nourrir la population burundaise et exporter », fait savoir Olivier Suguru.

Olivier Suguru, président de la Chambre Fédérale de Commerce et de l’Industrie du Burundi (CFCIB) : « Le secteur privé devrait produire des biens et des services de qualité pour nourrir la population burundaise et exporter ». (Photo : Akeza.Net)

 

La deuxième édition d’Umuzinga Day est organisée sous la bannière d’une nouvelle vision du Burundi, à savoir Burundi : pays émergent en 2040 et pays développé en 2060. Ainsi, le secteur privé doit être la locomotive de cette vision. Ce genre de rencontre offre une occasion de dialoguer avec toutes les classes sociales et économiques pour faire le diagnostic des maladies qui rongent et freinent le décollage économique du pays. Le dialogue public-privé permettra de décortiquer toutes les entraves et les barrières au climat des affaires quel que soit leur nature.

D’après Mme Mary Porter de la Société Financière Internationale (IFC) pour l’Afrique de l’Est, le thème central de ce forum: dialogue public-privé, pilier d’une croissance économique inclusive est un signal fort lancé à l’endroit des investisseurs et des partenaires au développement que le Burundi est ouvert aux affaires. Le Burundi regorge d’opportunités d’affaires : le pays est doté d’un capital naturel exceptionnel offrant d’immenses opportunités, notamment dans le secteur agroalimentaire, d’énergie et des mines, a-t-elle ajouté.

Vers un dialogue permanent

La CFCIB se réjouit du pas franchi dans la mise en place des textes instituant le dialogue public-privé et appelle à la finalisation et a l’analyse de ces textes par le gouvernement. En tant que secteur privé notre vœu le plus ardent est que ce cadre puisse se réunir deux fois par an pour analyser de fond en comble les obstacles au développement du secteur privé en vue de créer un secteur privé dynamique, responsable, innovant et compétitif dans un contexte où la ZLECAf est déjà dans la phase d’opérationnalisation. Suguru propose également une évaluation trimestrielle pour analyser le pas déjà franchi et rectifier le tir chaque fois que de besoin. Le chef de l’Etat a instruit la ministre en charge l’Industrie d’organiser une réunion mensuelle avec les acteurs du secteur privé pour dresser le bilan des interventions dans la promotion du secteur privé.

Le forum a vu la participation des hautes autorités du pays, les investisseurs privés et les partenaires au développement.

 

Cette édition se déroule également dans un contexte où les partenaires au développement se sont engagés à accompagner le gouvernement et de manière singulière à appuyer le secteur privé burundais. Ce dernier va ficeler des projets en lien avec le PND 2018-2027 et la vision 2040 à 2060 à soumettre aux bailleurs. « Nous croyons fermement qu’en concentrant toutes nos forces sur les secteurs prioritaires et porteurs de croissance le Burundi va occuper une place de choix dans le concert des nations ».  Des projets en cours et achevés donnent espoir et le secteur privé ne pourrait qu’en être revigoré.

Le déficit énergétique plombe le développement

Malgré les efforts déployés pour augmenter l’offre électrique, le gap est encore important. Olivier Suguru déplore la vétusté du réseau électrique. Ce qui occasionne des pannes et coupures d’électricité très fréquentes. Le souci du gouvernement d’accroître l’offre électrique est une œuvre à saluer, mais encore faut-il que cette énergie parvienne aux consommateurs (usines, hôtels, commerces, ménages, etc.). « L’énergie est une condition sine qua non pour toute industrialisation en général et pour toute activité économique en particulier ».

Le développement des infrastructures de transport et de conservation des aliments tient à cœur le gouvernement du Burundi. A juste titre, le port de Bujumbura est en cours de modernisation. Il a été érigé un terminal frigorifique à l’aéroport pour faciliter l’exportation des produits frais et d’autres projets sont envisagés pour booster le commerce régional. Le président de la CFICB affirme que ces infrastructures sont au service des investisseurs privés.

A côté de ces infrastructures, Olivier Suguru encourage le gouvernement à relancer le projet de construction d’une zone économique spéciale (ZES) à Gatumba. Dans les autres pays de la région et même du continent, les ZES constituent une attraction des Investissements Directs Etrangers (IDE). « Il est heureux de constater que d’autres zones spéciales économiques et des parcs industriels ont été planifiés dans d’autres coins du pays dans le plan stratégique de l’Agence du Développement du Burundi (ADB) », conclut-il.

La digitalisation des services publics, une priorité

Le gouvernement du Burundi a pris son courage à deux mains pour promouvoir la digitalisation de l’administration burundaise. « C’est une réforme qui va transformer structurellement l’économie burundaise, car qui dit digitalisation dit redevabilité, transparence, bonne gouvernance, etc. Le secteur privé Burundais soutient sans réserves le projet de digitalisation », informe le président de la CFCIB.

Les premiers résultats sont déjà au palmarès avec la télé déclaration des impôts et l’enregistrement électronique de nouvelles sociétés en ligne par l’ADB. La digitalisation permet de gagner du temps et de maximiser les recettes fiscales. La digitalisation des services de l’OBR allège le fardeau aux contribuables qui devraient faire de longues files d’attente pour déclarer les impôts dus. « Entre août et septembre 2023, les impôts et taxes déclarés en ligne sont passées de 36 milliards de BIF a 63 milliards de BIF, soit un écart de 27,4 milliards de FBu par rapport aux déclarations du mois d’août », a déclaré Jean Claude Manirakiza, Commissaire Général de l’OBR dans une conférence de presse.

Il y a eu la digitalisation de certains services publics pour renforcer la transparence, améliorer la qualité et réduire les délais des services, renseigne Mme Hawa Cissé Wagé, représentante résidente de la Banque Mondiale au Burundi. La digitalisation du guichet unique de création des entreprises a récemment valu à l’ADB un prix international lors d’un forum sur la digitalisation tenu à Dubaï.  La digitalisation du guichet unique de transfert de propriété qui délivre les permis de construire et la numérisation des titres fonciers est également en cours. « Le travail technique pour ce guichet unique est déjà achevé. Il est important de mettre en service rapidement ces différents services et j’espère que ça pourra être fait d’ici la fin de l’année », projette-t-elle.

Des initiatives pour booster l’accès au financement

Un environnement des affaires favorable qui inclut l’accès au financement est important pour soutenir les investissements du secteur privé et les investissements étrangers. « Le groupe de la Banque Mondiale est engagé à soutenir le gouvernement dans son programme de réformes et à soutenir les facilités incluant la participation du secteur privé », a rappelé Mme Mary Porter de la Société Financière Internationale (IFC).

En ce sens, l’IFC est engagée à fournir des services, des conseils et des investissements qui soutiendront la croissance du secteur privé. « Nous travaillons déjà avec les banques locales du Burundi pour accroître l’accès au financement des PME et pour faciliter le commerce entre le Burundi et la région », confirme-t-elle.  L’IFC mène une étude pour comprendre les problèmes lies à l’accès au financement des PME au Burundi en général des femmes entrepreneures en particulier.

Il est primordial de poursuivre les efforts pour stabiliser le cadre macroéconomique, renforcer la gouvernance et assainir l’environnement des affaires. La Banque Mondiale annonce un nouveau programme pour faciliter l’accès au crédit moins coûteux. Ce programme préconise le renforcement des infrastructures de crédit, la mise en place de nouveaux instruments de garantie et le renforcement des services financiers numériques.

Les fonctionnaires corrompus dans le collimateur du chef de l’Etat

Pour la nième fois, le Président de la République s’en est pris aux opérateurs économiques qui trichent dans la fiscalité à travers la sous déclaration ou l’évasion fiscale. Evariste Ndayishimiye déplore l’attitude de certains opérateurs économiques qui ne veulent pas que d’autres émergent. « N’oublie pas que parmi vous il y a ceux qui ont vendu des cacahuètes, targue-t-il.

Le Président Ndayishimiye annonce la création d’un comité national de digitalisation piloté par la Présidence pour renforcer la gestion efficiente de la chose publique.

 

Pour lui, il faut un dialogue franc entre les différents acteurs pour aspirer au développement durable. Aussi longtemps que la bonne gouvernance n’aura pas fait ses preuves, ne vous attendez pas au développement. Malheureusement, certains opérateurs économiques ne veulent pas s’acquitter de leur devoir de payer les impôts et taxes dus au fisc. Ils complotent avec les agents de l’OBR pour sous-évaluer la valeur des importations. Nous sommes au courant de tous vos stratagèmes et magouilles. C’est dommage que des fonctionnaires de l’Etat trempent dans le crime financier. Imaginez-vous, un agent de l’OBR qui accepte des pots de vin et enregistre deux conteneurs alors que l’importateur dispose d’une cargaison de cinq conteneurs. Les fonctionnaires corrompus travaillent de mèche avec les opérateurs économiques.

Les cas de malversations économiques sont légion dans les services publics. Ce qui entrave les efforts de développement. Le Président Ndayishimiye annonce la création d’un comité national de digitalisation piloté par la Présidence pour renforcer la gestion efficiente de la chose publique.

Dans nos éditions ultérieures, nous allons disséquer point par point les grandes thématiques abordées lors de ce forum et les conclusions dégagées de cette grand-messe de l’économie dédiée au développement du secteur privé.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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Malgré les multiples signaux de relance économique, la crise économique perdure. Le pays n’a pas assez de devises pour couvrir ses importations. Par effet de contagion, les produits importés plongent le pays dans une spirale inflationniste. La dépréciation continue du FBu retarde l’impact des réformes macroéconomiques entreprises. L’inflation affiche une tendance baissière depuis le début de l’année. Le taux d’inflation aurait diminué de 5 points passant de 17,2% à 12% entre janvier et avril 2024, selon les données officielles. Cependant, cette baisse n’est pas ressentie chez les consommateurs qui assistent à la flambée des prix des denrées alimentaires.

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