Finance

L’assurance responsabilité civile automobile : La lenteur dans la réparation des sinistres : à qui la faute ?

L’assurance responsabilité civile automobile (RC automobile) joue un rôle très important dans la prise en charge des dommages matériels et corporels occasionnés par un accident de roulage. Cependant, en cas d’indemnisations, les victimes disent être malmenées par les sociétés d’assurance. Celles-ci disent être accusées à tort mais sont également, pointées du doigt par le régulateur. On fait le point

La victime d’un accident de roulage a l’obligation de déclarer auprès de son assureur le relevé des dégâts causés par cet accident. L’assureur dépêche un expert pour constater que la déclaration est conforme à la réalité. Ainsi, l’assureur estime la valeur des dégâts et approvisionne le sinistre.  Selon l’article 40 du code des assurances, l’assuré doit donner à l’assureur avis dès qu’il en a connaissance et au plus tard dans un délai de quinze jours, sauf cas de force majeure, de tout événement de nature à entraîner la garantie de l’assureur. L’article 46, lui, stipule que l’assureur, saisi d’une réclamation, est tenu d’avertir par écrit, dans un délai maximum de trois mois, l’assuré et les personnes lésées, de son intention d’intervenir ou non dans l’indemnisation. L’assureur doit exécuter la prestation déterminée par le contrat dans un délai n’excédant pas trente jours qui suivent la date de fixation du montant par accord des parties, selon l’article 51.

Les victimes se plaignent de ne pas être indemnisés correctement ou d’être indemnisés tardivement par les sociétés d’assurance. Des procédures judiciaires sont ensuite engagées par ces victimes contre les sociétés d’assurance, lesquelles procédures peuvent durer plusieurs années. Les assurés disent être malmenés par les assureurs. Les assureurs évoquent plusieurs raisons qui les poussent à ne pas respecter les contrats. Quant au régulateur, il estime que les sociétés d’assurances ne sont pas saines.

Défaut de liquidités, la vraie cause ?

«D’un côté, les victimes des différents sinistres peuvent avoir raison de dire que les assureurs ne les indemnisent pas correctement ou ne les indemnisent pas en temps utile», estime Tatien Sibomana, secrétaire exécutif de l’Association des Assureurs du Burundi (Assur).

Il y a des situations où les assureurs se trouvent dans l’impossibilité d’indemniser en temps utile faute de liquidité, ajoute-t-il. C’est peut être un langage peu familier dans le monde des assurés, mais le secrétaire exécutif permanent de l’ASSUR donne une explication. A tort, l’opinion pense que les sociétés d’assurance sont des sociétés qui disposent de beaucoup d’argent, mais ignore des réalités internes à chaque entreprise d’assurance. Certains accidents de la circulation routière causent des dégâts énormes qui nécessitent de grosses indemnisations alors que la prime payée par le véhicule qui a causé l’accident est très minime. Il donne un exemple : « Imaginons s’il y a plusieurs décès dans un seul accident qui doivent être indemnisés à hauteur d’un montant de 200 millions ou même plus alors que l’assuré ne cotise qu’un million de FBu par mois, combien de bus la société d’assurance aura assuré pour totaliser ces 200 millions » ? Il ajoute que même si l’entreprise couvre les véhicules dont les primes peuvent totaliser cette somme, ce n’est pas pour payer un seul sinistre. Deux sinistres pareils peuvent survenir à tout moment ou même d’autres de tailles différentes, dit-il. Ce qui rend impossible l’indemnisation en temps utile dans les délais légaux avec les primes qu’on fait payer aujourd’hui.

Des accusations de mauvaise foi

Mais d’un autre côté, ils n’ont pas raison, dit M. Sibomana. Des propriétaires des voitures se plaignent comme quoi les assureurs ne réparent pas leurs véhicules ou qu’elles traînent dans les garages. Les gens de mauvaise foi qui spéculent sur les dégâts aux véhicules, selon le secrétaire exécutif permanent de l’Assur. Il explique que la loi dit que quand il s’agit des dégâts causés aux véhicules, l’assureur qui est tenu d’indemniser le sinistre doit réparer le véhicule et le remettre dans son précédent état. C’est à l’assureur de s’entendre avec le garage qui doit réparer le véhicule. Quant au propriétaire du véhicule, il ne doit que constater que son véhicule a été réparé conformément au rapport d’expertise. Mais les assureurs indiquent que les propriétaires de ces véhicules spéculent en voulant négocier les garagistes pour qu’ils augmentent démesurément les coûts de réparation et cherchent à être payer en argent.

Ignorance ou mauvaise information

Selon les propos du secrétaire exécutif permanent de l’Assur, les victimes peuvent ne pas avoir raison. Les uns par manque d’information sur la procédure à suivre, les autres par mauvaise foi pour des raisons de spéculation.  Il y a ceux qui croient que quand quelqu’un est blessé suite à un accident de roulage, ça va de soi qu’il soit indemnisé. Sauf qu’il faut une procédure légale ou si c’est un véhicule qui se renverse.

Parmi les missions de l’ARCA, il y a celui de trancher les litiges entre l’assuré et l’assureur en cas de désaccord sur la réparation d’un sinistre.

L’assureur x n’est tenu d’indemniser que quand la responsabilité civile de son assuré est réellement engagée faute de quoi ce serait une entreprise philanthropique, fait savoir M. Sibomana. Les critères qui doivent être tenus en compte pour être indemnisé ne sont pas immédiatement disponibles. Pour quelqu’un qui est blessé, c’est tout un processus. Il faut qu’il soit hospitalisé, soigné et ait un taux définitif d’incapacité. C’est la détermination ce degré qui doit marquer la fin de la procédure. A défaut de ce taux, il n’y a pas de base légale pour être indemnisé et cela dépend de la médecine, mais pas de l’assureur, dit-il.

La lenteur des procédures judiciaires est une raison avancée à la fois par les assurés et les assureurs qui pour expliquer le retard des indemnisations. Un autre cas est celui de deux personnes qui se disputent la responsabilité en cas d’un sinistre. Il faut attendre que la justice tranche sur qui est le responsable de l’accident.

Le déficit de la garantie RC automobile, l’ARCA dément l’ASSUR

A chaque étape, on professionnalise le secteur. Depuis la mise en place de l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances(ARCA), les sociétés d’assurance on été amenées à se conformer aux normes internationales.

Tandis que les sociétés d’assurance disent que dans le souci d’harmonisation, elles ont été contraintes de se retrouver dans cette situation. L’ARCA dénonce la baisse de la garde de la part de ces dernières. Abel Ntakarutimana, cadre juriste à l’ARCA dit que ce déficit est dû à des cumuls d’indemnisations. Il explique que l’ARCA a constaté que les assureurs attribuaient des montants modiques aux victimes et que ces derniers refusaient la somme et qu’ils saisissaient ensuite la justice. Les procédures judiciaires prenaient des années oui, mais quand la justice tranchait, les sociétés d’assurance se retrouvaient dans l’incapacité de payer les sinistres.

Ntakarutimana explique pourquoi : « Pour des raisons de politique des entreprises d’assurance qui voulaient engranger des dividendes exorbitants ou par mauvaise gestion des entreprises, on trouvait par exemple qu’un sinistre qui devrait être provisionné à hauteur de 200 millions FBu a été provisionné à hauteur de 500 mille FBu ».

En 2013, quand l’ARCA a pris ses fonctions, l’urgence était de dire aux sociétés d’assurance de redresser leurs chiffres. C’est ainsi que les primes versées aujourd’hui sont en train de payer les sinistres des années 1990 et 2000. D’où le déficit de cette garantie.

Y-a-t-il une nécessité de revoir les tarifications ?

Si on s’en tient uniquement aux primes cotisées en assurance « Responsabilité Civile » (RC) automobile, les assureurs ne seraient plus à mesure de faire face à leurs engagements de payer les sinistres tant que les primes seront ce qu’elles sont aujourd’hui, dit le secrétaire exécutif permanent de l’Assur. « Ce n’est qu’un secret de polichinelle. Hier ce n’était pas le cas, à tort. Par ignorance, techniquement, les sociétés d’assurance payaient les sinistres en puisant dans les primes des autres garanties. Mais, aujourd’hui, chaque garantie doit supporter ses propres sinistres ».  A l’ARCA, ils disent que la prime est fixée librement, mais puisque la RC automobile est obligatoire, le régulateur doit fixer les minimas et les maximas pour éviter la concurrence déloyale ou l’imposition des primes exorbitantes.

Cependant, l’ARCA dit qu’une étude interne a montré qu’il n’y a pas nécessité de revoir à la hausse les primes payées puisque même si les assureurs parlent des coûts des pièces de rechange, l’inflation qui augmentent, l’effectif des automobiles augmentent. Ce qui augmente aussi la caisse.

Une étude actuarielle à tout prix

Les sociétés d’assurance réclament que le tarif minimum de la RC soit revu à la hausse dans les meilleurs délais et que ce tarif tient en compte des réalités actuelles, faute de quoi les assureurs seront dans l’obligation de ne plus vendre la RC automobile et la population va toujours se plaindre.

L’ARCA dit que revoir à la hausse la prime payée dans la RC automobile doit être dicté par les résultats d’une étude actuarielle. «Que les assureurs commanditent une étude qui montre qu’ils travaillent à perte. L’ARCA plaidera en leur faveur jusqu’aux instances supérieures», indique le secrétaire général a.i de l’ARCA. C’est d’ailleurs l’une des recommandations des états généraux des assurances tenu en novembre 2018.

Dans d’autres pays de la sous-région, des études ont été menées pour faire face à cette situation puisqu’on ne peut pas se passer de cette branche et que les sociétés ne peuvent pas vendre à perte. Ils ont pris la responsabilité de rehausser les primes payés en RC automobile. Cependant, la tâche s’avère compliquée puisque l’ARCA explique que les sociétés d’assurance ne disposent pas de bases de données actualisées pour mener l’enquête.

L’ARCA peut jouer le médiateur

Parmi les missions de l’ARCA, il y a celui de trancher les litiges entre l’assuré et l’assureur. Mais cela tient quand la victime porte plainte contre l’assureur à l’ARCA. Cependant, M. Ntakarutimana estime que peu des bénéficiaires des services des sociétés d’assurance sont au courant de cela. Cela étant, quand la victime saisit la justice, l’ARCA n’intervient pas.  Il indique que depuis sa création, l’ARCA a déjà accueilli 56 plaintes et que 80% de ces dernières ont été résolues à l’amiable entre les victimes et les sociétés d’assurance.

Les assureurs disent que rehausser les primes n’est pas suffisant. Des mesures d’accompagnement sont nécessaires notamment la rigueur dans le contrôle de la police pour veiller au respect du code de la route, construire les routes quitte à ce que les usagers soit sécurisés… L’ARCA, quant à elle, justifie que la mauvaise gestion des entreprises d’assurance constituerait une autre cause de ce brouhaha.

Au moment où les irrégularités évoquées dans le secteur de cette garantie datent des années 1990, chacun pourrait se demander si les choses finiront par s’arranger.  A l’ARCA, ils sont optimistes. « Les choses vont s’arranger petit à petit. C’est pourquoi on a favorisé plus le redressement que les punitions », explique M. Ntakarutimana.

A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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