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Le Burundi est-il prêt à conquérir le marché américain ?

Du 13 au 17 décembre, les dirigeants de 49 pays africains et de l’Union africaine ont conviés dans la capitale américaine, pour parler sécurité, économie, santé ou encore changement climatique. Le président Burundais y est rendu avec 41 investisseurs burundais à la recherche des partenariats dans le cadre de l’Africa Growth Opportunities Act (AGOA). Le Burundi doit doubler les efforts pour se faire une place dans ce marché où se rencontrent de grandes puissances industrielles et exportatrices africaines

Evariste Ndayishimiye, Président de la République : « Vous devez compléter sur la liste ce que vous allez faire et je vous assure que nous ferons le suivi. Celui qui n’amènera aucun partenaire sera déconsidéré». (Photo : Ntare House)

 

Ces 41 investisseurs ont été choisis dans différents secteurs : la banque, la transformation agroalimentaire, le transport, la communication, l’hôtellerie et tourisme, le commerce, le sport, l’assurance, l’évènementiel…Tous les secteurs semblent être représentés. Les critères qui ont été mis en avant pour choisir les hommes d’affaires qui ont accompagné le président ne sont pas connus. Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME) pense que les affinités politiques auraient joué un rôle.

Un autre constat est lié la représentation des femmes. Sur ces 41 investisseurs, les femmes ne sont que 6. L’Association des Femmes d’Affaires du Burundi (AFAB) s’est réservé de tout commentaire avant de demander des explications à la Chambre Fédérale de Commerce et de l’Industrie du Burundi (CFCIB).

Lors de la célébration de la journée des contribuables, le président   met en garde les hommes d’affaires qui allait l’accompagner. «Vous devez compléter sur la liste ce que vous allez faire et je vous assure que nous ferons le suivi. Celui qui n’amènera aucun partenaire sera déconsidéré».

Un marché gros qui peut noyer le Burundi

41 investisseurs burundais vont aux USA pour rechercher des partenariats dans le cadre de l’AGOA. Embrasser l’AGOA alors que les autres marchés ne sont même pas servis par le Burundi c’est comme avoir les yeux plus gros que le ventre.

Pour se faire une idée, il faudra revoir la part des USA dans le commerce extérieur du Burundi. Pour les statistiques de l’ISTEEBU, l’Amérique représente une part insignifiante voire nulle. Au troisième trimestre de l’année 2022, sur la courbe des importations, les USA n’apparaissent même pas, tandis que la Chine avec 14,6% de la valeur totale des importations occupe la première position des pays de provenance des produits importés.

Quant aux exportations, le continent américain ne représente que 0,2 milliards de FBu de la valeur totale des exportations alors que la RDC représente 23%.  Ces chiffres renseignent également sur le type de marché qui attire le Burundi. Le marché congolais n’est pas si exigeant en termes de qualité.

Cela étant, le Kenya est considéré comme le principal exportateur de marchandises sous AGOA dans l’East African Community. D’après les données du Bureau National des Statistiques du Kenya (KNBS), la valeur des exportations vers les Etats-Unis a bondi de 20%. Face au Nigeria, à l’Angola, au Kenya, à l’Ethiopie…qui sont de grands exportateurs de produits pétroliers et manufacturés, le Burundi risque d’être avalé par ces gros poissons.

Cela étant, c’est au moment où le Burundi ne parvient pas à inonder les autres marchés régionaux tels que l’EAC, le COMESA, la ZLECAF, …

Le marché américain est plus exigeant

Il faudra se conformer à certains principes. Les produits doivent remplir les normes internationales. Il y a des valeurs lesquelles les USA sont attachés.  Ce sont notamment les droits de l’homme, la bonne gouvernance et les principes démocratiques. C’est pourquoi même dans ce sommet, il y a des pays qui n’ont pas été invités. On notera le Burkina Faso, la Guinée, le Mali et le Soudan. Le Burundi avait été suspendu en octobre 2015 et la suspension a été effective en janvier 2016. Après les élections de 2020, le Burundi a regagné la confiance des USA. 

Sur le marché international, les consommateurs font confiance aux entreprises qui sont certifiées système. Le BBN n’a pas les moyens de faire un contrôle systématique de toutes les unités de transformation agroalimentaires qui avoisinent 700 dans tout le pays. Non certifiés par une institution accréditée système, les produits burundais ne peuvent accéder au marché international. En attendant l’accréditation du BBN, certaines entreprises de transformation agroalimentaire cherchent elles-mêmes des certificats systèmes dans les institutions internationales reconnues dans la certification. 

Dans les propos recueillis par le journal Iwacu au mois dernier, Séverin Sindayikengera, directeur générale du BBN fait savoir que son bureau est à plus de deux tiers d’être certifié système. « Nous sommes en train de chercher ces certificats, surtout ISO 17065, pour que nos laboratoires soient accrédités et 17025 pour montrer que nos services sont reconnus dans la certification des produits au niveau international », indique-t-il.

Au-delà de la certification, le Burundi est hanté par un autre problème de diminution ou d’augmentation insignifiante des exportations. Dans ce cas, la conquête du marché américain devient difficile voire impossible à conquérir.

Le Burundi devrait fournir beaucoup d’efforts pour rejoindre le rang des autres pays comme le Kenya dans l’AGOA. (Photo :  Ntare House)

Bonne volonté ou manœuvre stratégique ?

C’est le deuxième sommet du genre après celui organisé sous l’ère Obama. Le sommet USA-Afrique à Washington en présence d’une centaine de chefs d’Etats et leurs délégations. Les USA annoncent une enveloppe de 55 milliards de dollars pour l’Afrique sur les trois prochaines années. Des fonds qui devront être consacrés à la santé et à la réponse au changement climatique.

« Un des objectifs de ce sommet est que la Maison Blanche essaie de contrer un peu l’influence de la Russie et de la Chine en Afrique. Mais je crois que les deux sont liés. « Je crois que la Maison Blanche veut être le médiateur entre les investisseurs africains et américains », explique un analyste politique américain. Cet analyste trouve que l’Afrique constitue une opportunité que les USA peuvent saisir. Malheureusement, il n’y a pas d’investissements économiques américains en Afrique. S’agit-il de développer une relation économique solide avec l’Afrique ou plutôt d’une manœuvre stratégique pour concurrencer d’autres puissances qui sont sur le terrain.

La fiabilité des USA mise en cause

Les USA sont un pays investisseur à travers le monde. La question qui se pose est de savoir si les investisseurs américains au niveau des grandes entreprises américaines sont motivés à venir s’installer en Afrique. Encore, on a du mal à suivre la politique américaine envers l’Afrique. Elle dépend du locataire de la Maison Blanche. Obama avait ouvert un large boulevard qui a été refermé par Donald Trump. Aujourd’hui, on rouvre avec Joe Biden. On risque d’être dans un éternel recommencement qui plombe la stratégie américaine en terme de coopération avec le continent africain. Cela remet donc en question la fiabilité des Etas-Unis en tant que partenaire.

L’analyste politique américain explique qu’il y a des enjeux économiques à saisir de la part des USA par les pays Africains. « Il faut que les leaders africains quittent Washington avec des promesses solides », ajoute-t-il.

Avec d’autres pays, l’AGOA avait été conclu pour permettre d’exporter certains produits africains vers le marché américain sans droit de douane. Le marché américain est un marché idéal en termes d’accords de libre-échange avec les pays africains importateurs, mais, réel pour les grands pays producteurs et exportateurs.

L’AGOA (African Growth Opportunities Act), en français « Loi sur la Croissance et les Opportunités de Développement en Afrique », est une loi fédérale américaine adoptée le 18 mai 2000 par le Congrès américain et signée par le Président Bill Clinton. L’objectif principal de cette loi est de stimuler la croissance et le développement orientés vers l’exportation dans la région africaine. Elle a été renouvelée pour la dernière fois en 2015 pour une période de dix ans jusqu’en 2025. Actuellement, trente-huit (38) pays africains sont éligibles aux avantages de cette loi.

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Dona Fabiola Ruzagiriza.

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Des initiatives à faible portée

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Malgré les multiples signaux de relance économique, la crise économique perdure. Le pays n’a pas assez de devises pour couvrir ses importations. Par effet de contagion, les produits importés plongent le pays dans une spirale inflationniste. La dépréciation continue du FBu retarde l’impact des réformes macroéconomiques entreprises. L’inflation affiche une tendance baissière depuis le début de l’année. Le taux d’inflation aurait diminué de 5 points passant de 17,2% à 12% entre janvier et avril 2024, selon les données officielles. Cependant, cette baisse n’est pas ressentie chez les consommateurs qui assistent à la flambée des prix des denrées alimentaires.

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