Agriculture

Le lombricompostage, un remède pour les sols infertiles

L’agriculture est le monde de la biodiversité mais, malheureusement, elle connaît également l’acharnement chimique et la surexploitation. Au fur du temps, les sols s’appauvrissent et par conséquent les rendements agricoles deviennent médiocres, bonjour la faim dans le monde. Repenser à rééquiper les sols par la matière organique devient un impératif. Dans cet article, on parle du rôle des vers de terre dans la constitution du sol   

Comme son nom l’indique, le « lombricompost » ou « vermicompost » est un fertilisant fabriqué par les lombrics ou les vers de terre. Franck Ferrenbach, passionné de cette technique, a mené des recherches sur ces petits êtres de la terre. Il est en train de vulgariser cette technique et ne tarde pas à vanter le mérite de leur apport dans la reconstitution des sols appauvris. « Le ver de terre est un invertébré qui a des fonctions très utiles », lance-t-il.

Il explique que le sol sur lequel nous marchons est composé et/ou de minéraux ou de lombricompost, soit d’excrétas de vers. Si on n’a pas cet écosystème qui est en marche, on s’attend à une problématique de culture, ajoute-t-il.

Jetés dans  la  matière organique (les restes alimentaires, les épluchures de fruits et légumes, les coquilles d’œufs, le marc de café, les poussières de l’aspirateur, les cheveux, le carton, les végétaux,… Il faudra en revanche éviter l’ail et l’oignon, les protéines animales et les agrumes qui sont trop acides et les déchets non dégradables), les vers de terre produisent un compost bien plus riche que la matière organique sans les vers.

« Avec le lombricompost, on a une qualité qui touche tous les univers qui ont besoin de la biodiversité à la fois chimique pour faire pousser les plantes et physique pour pouvoir rendre le sol beaucoup plus meuble et un apport organique qui va permettre de recréer les écosystèmes perdus en labourant, en lavant et mettant des intrants chimiques dans le sol ».

Les sols sont détruits et il faut trouver une solution à tout prix

A la recherche des meilleurs rendements, les champs sont surexploités, fertilisés par les intrants chimiques (les engrais, les insecticides, les fongicides, etc). Paradoxalement, aujourd’hui, on voit les rendements qui sont entrain de baisser malgré le recours à ces moyens. « C’est parce que on a tué les grandes parties de la biodiversité du sol », justifie Franck Ferrenbach. Il explique qu’en utilisant les fongicides, on tue les champignons et en utilisant les insecticides, on tue les insectes, qui certes constituent une menace pour les cultures, mais sans s’en rendre compte, il y a d’autres insectes à côté non nuisibles et utiles qui vont être éliminés du coup. A la fin, on tue plus d’alliés que d’ennemis. On s’aperçoit qu’avec le travail du sol qui passe par le labour, le renversement de la matière organique, on dérègle complètement l’écosystème du sol. Et on obtient un faux rendement qu’on est obligé d’agrémenter avec des produits phytosanitaires.

Décennies après décennies, on a complètement biaisé la fertilité du sol et, que malheureusement, on n’a pas le résultat escompté. On ne sait plus comment faire marche-arrière, ajoute-t-il. Et il dit que ce n’est pas l’apanage de l’Afrique seulement. Tous les continents connaissent cette problématique d’appauvrissement des sols.

C’est à ce moment que le travail de Franck Ferrenbach de lombricompostage intervient. Un travail qui consiste en la réinjection de la biodiversité et la qualité biologique de nos sols.

Quand les déchets valent de l’or

La version industrielle du lombricompostage consiste à récolter une multitude de matières organiques et de faire de bons mélanges nécessaires pour une bonne vie des vers puis mettre ces derniers en forme pour faire leur travail.  Les vers petits, moyens et gros enrichissent la terre en matière organique, source première de leur alimentation, la rendant plus fertile. 

Le Burundi a lui-même tout ce qu’il faut pour pouvoir traiter le problème de fertilisation du sol. « 66% des déchets urbains et plus de 90% des déchets ruraux, c’est de l’organique. La matière organique, il y en a partout. Il faut bien l’orienter et décider ce qu’on peut en faire ». Nos poubelles pourraient constituer une grande richesse.

Et les vers de terre transforment les déchets 

Ils aiment la nourriture variée, un peu de matière carbonée, azotée particulièrement les légumes et tout ce qui est vert, explique Ferrenbach. Il fait savoir que les vers ne mangent pas de déchets. Comme l’explique le chercheur, les vers de terre sucent le jus qui est fait par la matière en décomposition. Et la matière se décompose si on a des mycéliums, des champignons, des bactéries et des micro-organismes qui vont d’abord commencer à la dégrader. Les vers interviennent à ce moment. « C’est en ça que la qualité biologique du lombricompost est bonne parce qu’il englobe tout cet écosystème qui part du microorganisme et derrière le ver qui va finir par travailler les déchets ». Là où c’est intéressant, c’est que le ver de terres dispose d’un enzyme en lui qui est capable de tuer la majorité des pathogènes jusqu’à l’ingestion ou il libère des propriétés intéressantes au lombricompost.

Matières organiques et particules de terre vont commencer à se lier les unes aux autres. Au sortir du tube digestif, le mélange est devenu bien plus riche que la terre d’origine, devenant selon l’élément minéral considéré (azote, phosphore, potassium, calcium…) de 2 à 7 fois plus concentré qu’au départ.

D’ailleurs, Ir Alain Kagisye, chercheur à l’ISABU fait savoir que les vers de terre sont extrêmement présents dans une terre en bonne santé.

Jetés dans la matière organique les vers de terre produisent un compost bien plus riche que la matière organique sans les vers.

Le lombricompostage, un apport complet 

M.Ferrenbach explique que quand on achète des engrais chimiques, on amène des éléments chimiques essentiellement le NPK. Quand on met du compost dans le sol, on y met des propriétés physicochimiques et si on le mélange par exemple à l’argile, ce dernier va être plus léger et moins compacté. Mélangé à du sable, le compost va augmenter la capacité de rétention de l’eau que si ce n’était que du sable seulement. Mais quand on prend du lombricompost, qui est le résultat du compostage par les vers de terre, mélangé avec la matière minérale (sable, argile…), on obtient un amendement à la fois chimique et physique, mais aussi des qualités biologiques apportées par les vers de terre, mais aussi par tout leur écosystème.  «Avec le lombricompost, on a une qualité qui touche tous les univers qui ont besoin de la biodiversité à la fois chimique pour faire pousser les plantes et physique pour pouvoir rendre le sol beaucoup plus meuble et un apport organique qui va permettre de recréer les écosystèmes perdus en labourant, en lavant et en mettant des intrants chimiques dans le sol».

Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme

Le lombricompost, tout le monde peut en produire. D’ailleurs, le grand intéressé par les vers de terre trouve que c’est un bon modèle urbain pour réduire les déchets. Avec le lombricompostage, les déchets organiques ne rentrent plus dans les poubelles. Pas que ça, le lombricompostage peut être un moyen de trouver une bonne alimentation pour les volailles. « Si aujourd’hui, je commence un espace lombricole avec 15 kg de vers, à la fin de l’année si tout va bien, j’en aurai 600 kgs et à la fin de la 2ième année, j’en aurai 20 tonnes ». Ils doublent leur masse corporelle tous les deux mois. Mais encore, ils ont la capacité de manger leur propre poids. C’est-à-dire, que 15 kg de vers, mangent 15 kg de matière organique par jour. Avec ce rythme, il y a la possibilité de traiter la majorité des déchets organiques aussi bien dans les zones urbaines que dans les campagnes pour pouvoir les valoriser et reconstruire sol. Les vers qui seront produits dans cette matière organique constitue un bon apport protéiné dans l’alimentation pour les volailles, les poissons et les porcs. 

En somme, le lombricompostage se présente comme une solution holistique pour la protection de l’environnement, la fertilisation du sol et l’alimentation du bétail.

Aujourd’hui, Franck Ferrenbach est en train de mettre sur pied un réseau d’agriculteurs qui prendront en charge cette pratique pendant quelques temps de façon à pouvoir la vulgariser et devenir eux-mêmes la parole de la lombriculture. « Il n’y a pas que la lombriculture qui peut apporter des solutions », fait-il savoir. Selon les terrains et selon les besoins des cultures, les diverses solutions peuvent être utilisées. Il évoque l’urine qui est un riche fertilisant en matière azotée.  

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A propos de l'auteur

Dona Fabiola Ruzagiriza.

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