Santé

Ngozi-Kayanza : Gratuité des soins de santé : Les bénéficiaires satisfaits mais…

Les bénéficiaires de la politique de gratuité des soins chez les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes dans les provinces de Kayanza et Ngozi se disent satisfaits des services rendus dans le cadre de cette politique. En plus de réduire les cas de décès pour les catégories considérées, cette politique a enlevé la barrière économique aux soins de santé pour une bonne partie de la population de ces provinces.

Claudine Mugisha :« présenter l’extrait d’acte de naissance de mon fils a suffi pour que mon enfant soit mis sous traitement ».

 

Depuis 2006, la politique de gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes qui accouchent est en vigueur au Burundi. Comme mentionné dans le décret présidentiel régissant cette politique, elle a été adoptée dans le souci d’accélérer l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement, liés à la santé.

C’était également pour réduire les inégalités dans l’accessibilité des services de santé de base.  17 ans après l’adoption de cette politique, quel est l’état des lieux de la mise en œuvre de cette politique et qu’en est-il de l’appréciation des différentes parties prenantes dans les provinces de Kayanza et de Ngozi ?

Sous l’ombre des avocatiers embellissant le jardin de l’hôpital de Buye dans la province de Ngozi, Claudine Mugisha tient son fils de quelques mois dans les mains.

Depuis peu, il est hospitalisé, car il a été diagnostiqué de la malaria.  Comme le témoigne sa maman, l’extrait d’acte de naissance de son fils qu’elle a présenté depuis son arrivée à cet hôpital a suffi pour que son enfant soit mis sous traitement. Elle témoigne n’avoir pas payé jusque-là aucun sou pour l’hospitalisation de son enfant.

Un fardeau économique de moins

Mme Mugisha n’est pas la seule à être satisfaite de cette politique. Nicélate Bamboneyeho, est une maman de 5 enfants rencontrée à Ruhororo dans la province de Ngozi.

Pour nous expliquer l’importance si grande de cette politique, elle s’est basée sur l’expérience qu’elle a vécue lorsqu’elle a eu sa première grossesse, avant l’avènement de cette politique de gratuité des soins.

Elle raconte : « Suite aux complications liées à ma grossesse, une césarienne s’imposait pour au moins sauver ma vie car, pour l’enfant, c’était malheureusement trop tard. Il était déjà mort ».

Et comme si endurer la douleur physique due à cette opération et la souffrance de perdre son enfant, ne suffisaient pas, Mme Bamboneyeho a dû payer à l’hôpital une facture de plus de 200 mille FBu.

Une somme exorbitante pour cette famille qui vivait dans la précarité. Pour payer cette facture, relate-t-elle, il a fallu vendre une bonne partie de leur propriété foncière.  Elle se réjouit de cette politique qui n’exige plus de l’argent à payer.

« Les soins de santé sont normalement chers », fait savoir Dr Polycarpe Ndayikeza, porte-parole du ministère de la Santé publique. Selon lui, la politique de gratuité de soins a enlevé la barrière économique qui faisait qu’il se remarque un taux de mortalité élevé chez les enfants de moins de 5 ans et les femmes qui accouchent.

Signalons que dans les structures sanitaires publiques, un accouchement par voie basse coûte autour de 35 mille FBu et autour de 400 mille FBu pour un accouchement par césarienne.

Il y a toujours à améliorer

Dr Jean Claude Ngendakumana est directeur de l’hôpital de Buye. Selon lui, la politique de gratuité des soins pour les femmes qui accouchent et les enfants de moins de 5 ans a gonflé les chiffres des patients qui fréquentent les structures sanitaires.

Cette augmentation des patients a vite entrainé des débordements au sein des structures sanitaires. Une insuffisance en qualité et en quantité du personnel soignant s’est alors manifestée dans certaines structures sanitaires.

Un autre défi qu’a connue cette politique, selon ce médecin directeur, est liée à la catégorisation des bénéficiaires. Il y a des patients qui sont affiliés à d’autres assurances médicales, mais qui sollicitent la gratuité des soins.

A ces personnes, Dr Ngendakumana rappelle que l’ordonnance régissant cette politique est claire là-dessus. Pour ceux qui sont affiliés à une autre assurance, la gratuité des soins couvre seulement la partie qui n’est pas couverte par cette assurance.

Il suggère la catégorisation des bénéficiaires selon leur degré de vulnérabilité pour que le gouvernement puisse payer pour ceux qui n’ont pas d’autres moyens de paiement.

Pour d’autres cas, il arrive qu’une femme issue d’une union libre ou d’un enfant non enregistré à l’état civil sollicite un tel service alors qu’il ne dispose d’aucun papier administratif.

Dr Jean Claude Ngendakumana : « la politique de gratuité des soins pour les femmes qui accouchent et les enfants de moins de 5 ans a gonflé les chiffres des patients qui fréquentent les structures sanitaires ».

 

Comme l’explique Dr Ngendakumana, la politique de gratuité des soins telle qu’elle est conçue exige des papiers administratifs à soumettre à qui de droit pour pouvoir en bénéficier. « La déontologie médicale exige qu’on s’en occupe », fait-il savoir. Ces personnes bénéficient bel et bien de ce service. Mais cela ne facilite pas toujours la tâche au personnel soignant.

Quid de la qualité des services ?

Certains de nos interlocuteurs rencontrés à Kayanza se disent ne pas être satisfaits par l’accueil qui leur est réservé dans certaines structures sanitaires publiques.

A.N. habite dans la commune de Kayanza. Elle trouve que parfois le personnel soignant a tendance à privilégier ceux qui utilisent les autres mutualités de santé ou ceux qui paient cash au détriment de ceux qui bénéficient de la gratuité des soins.  Cette femme préfère aller se faire soigner dans une structure sanitaire privée où elle peut bénéficier des soins de qualité.

Un autre problème soulevé est lié à la délivrance des médicaments. Cette dame regrette que les médicaments chers ne soient pas délivrés dans la politique de gratuité des soins. « Si on te prescrit un médicament cher, on te dit qu’il n’y en a pas dans cette structure de soins et on te demande d’aller l’acheter dans les pharmacies externes », fait-elle savoir.

A ces préoccupations, Dr Ndayikeza rétorque. « Les médicaments sont impératifs pour soigner les patients. Généralement lorsqu’il n’y a pas de rupture nationale de médicaments figurant sur la liste des médicaments essentiels, il n’y en a pas non plus dans les formations sanitaires », fait-il savoir.

Mais, un médecin qui consulte un patient peut prescrire un médicament ne figurant pas sur la liste des médicaments essentiels, parce qu’il le juge très efficace dans le traitement de cette maladie. Dans ce cas, explique-t-il, le patient ne peut que l’acheter dans des pharmacies.

Selon Dr Ndayikeza, même le problème de gonflement des factures qui se remarquait dans le temps a trouvé une solution. « Dans l’établissement des factures, cette fois-ci on est strict. On utilise une plateforme nationale dénommée DHIS2 au niveau du ministère », fait-il savoir.

Avec cette plateforme, on peut consulter toutes les données émanant de la vérification effectuée mensuellement par les Comités provinciaux de vérification et de validation (CPVV).

On analyse les indicateurs que la formation sanitaire a déclaré avoir achetés pour une période donnée. Cette stratégie a réduit d’une façon remarquable les cas de tricherie.

Rappelons que la politique de gratuité des soins est financée par le gouvernement du Burundi à hauteur de 35% et les partenaires au développement paient les 65 % qui restent.

Depuis 2017 jusqu’au 31 mars 2023, le montant alloué à cette politique s’élève à 112.900.000 USD. Et Dr Ndayikeza de préciser que les structures de soins sont remboursées trimestriellement et qu’il n’y a pas de problème à ce niveau.

 

A propos de l'auteur

Florence Inyabuntu.

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