Développement

Premier logement : des recours qui ne tiennent pas la route

Dans les centres urbains, la location des maisons est devenue une charge pour les ménages. C’est pourquoi acquérir le premier logement reste parmi les priorités. Dans les années antérieures, la politique de logement privilégeant les fonctionnaires. Aujourd’hui, les projets de construction de logements sociaux à Bujumbura et dans d’autres centres urbains sont envisagés. En attendant, des citadins recourent à des constructions de logements informels moins coûteux comparativement aux logements formels. Ce qui occasionne parfois des catastrophes naturelles surtout que ces constructions informelles se font anarchiquement

« Je fais toujours recours au découvert bancaire pour joindre les deux bouts du mois. Le gros de mon salaire est dépensé dans le paiement du loyer, soit 200 mille FBu par mois. Je touche un salaire mensuel de 300 mille FBu. Je ne peux pas m’approvisionner en produits alimentaires avec les 100 mille FBu restants après paiement du loyer », déplore Isabelle Ndabaniwe, habitant de la zone Kanyosha, commune Muha en mairie de Bujumbura.

La quarantaine et mère de quatre enfants, elle informe qu’au lieu de rester dans le découvert bancaire, elle préfèrerait s’endetter pour se doter de son propre logement.

Pour faire face au problème de logement et échapper à la cherté de la location de la maison, Sévérin Nikwibitanga, commerçant au marché de Ruvumera a opté la cohabitation avec deux collègues pour louer une chambrette à 40 mille FBu par mois dans le quartier de Buyenzi.

« Je ne peux pas m’aventurer à louer une maison à seule. Je suis obligé de m’associer à d’autres étudiants pour minimiser les dépenses », informe Jean Pierre Nkunzingoma, habitant à Kanyare dans le quartier Kiriri, commune Mukaza.

Les prix  à la consommation des ménages en hausse ou en baisse ?

L’indice des prix à la consommation (IPC) est la principale mesure officielle de la hausse ou de la baisse des prix à la consommation des ménages. Il couvre la consommation des ménages au sens de la comptabilité nationale. Selon l’Institut des Statistiques et Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU), l’IPC au mois d’avril 2020 est basée sur l’année 2016/2017 (de février 2016 à janvier 2017).

« Au cours de l’année ayant pris fin en avril 2020, l’inflation annuelle globale s’élève à 2,6% contre 1,8% pour le mois de mars 2020. En glissement annuel, l’indice des prix à la consommation est en hausse de 7,6% pour le mois d’avril 2020 contre une hausse de 7,1% pour le mois de mars 2020 », stipule l’IPC au mois d’avril 2020.

Parmi les douze fonctions de la classification internationale des fonctions de la consommation individuelle (COICOP) qui composent l’IPC figure la fonction logement, eau, électricité, gaz et autres combustibles. Elle a enregistré une variation moyenne annuelle de +2,4%.

Echec du logement gratuit

La promotion de l’habitat date de la période coloniale.  Par ailleurs, le logement a été un droit fondamental reconnu par la constitution. Ce qui a conduit à la mise en place en 2007 de la Politique Nationale d’Habitat et d’Urbanisation (PNHU).

Depuis donc la période coloniale jusqu’en 1970, les fonctionnaires de l’Etat étaient logés gratuitement. Ainsi, les quartiers ont été lotis et les logements construits. Les maisons devaient être équipées et entretenues par l’Etat. La charge est devenue par après insupportable.

A cette époque, les Belges (Belgique: deuxième pays colonisateur) s’installèrent dans l’ancien quartier allemand. Au fur et à mesure que la ville croissait, on y ajoutait des quartiers résidentiels, administratifs et commerciaux pour les Européens.

Les frais élevés de location des maisons incitent les gens à construire leurs propres maisons en passant outre les normes de la construction.

Le quartier belge fut par après élargi par deux nouveaux quartiers, à savoir : le quartier B (RoheroII) au Sud et le « Fond d’avance » (Nyakabiga) au Nord.

Entre 1952 et 1957, Ngagara (Quartiers I à V), Kinama et Kamenge furent construits par l’Office des Cités Africaines (OCAF). Ces nouveaux centres étaient destinés aux clercs africains, dont beaucoup de Burundais. Pour cette raison, ils sont considérés comme les résidences des premiers intellectuels burundais.

Après la Seconde Guerre Mondiale, les quartiers commerciaux et administratifs européens furent élargis vers l’actuel stade « Prince Louis Rwagasore ». Les quartiers résidentiels avaient aussi grandi vers l’Est (Rohero I) et vers le Sud (Zeimet). C’est aussi pendant cette période que les bâtiments du « Collège du Saint Esprit » (aujourd’hui le Campus Kiriri) furent érigés.

Cession des maisons aux occupants

De 1973 à 1979, les sommes colossales d’entretien des maisons, de réparation et de remplacement des mobiliers ont poussé l’Etat a céder les maisons à leurs occupants. Il leur a accordé une indemnité égale à 60% du salaire. Cela pour leur permettre de rembourser le coût d’acquisition.

L’OCAF fut remplacé par l’Office National de Logement (ONL). Celui-ci devait construire de nouvelles maisons. Comme la demande dépassait largement l’offre, l’office a cessé de fonctionner.

La fin du logement gratuit

C’est de 1979 à 1986 que l’Etat a adopté l’assistance des fonctionnaires à l’acquisition du premier logement.

Ainsi, l’Etat a créé la Société Immobilière Publique (SIP). Celle-ci a vite aménagé de nouveaux quartiers. Cela pour les seuls hauts fonctionnaires de l’Etat. Les agents du secteur privé et les autres catégories inférieures de la fonction publique ont été exclus.

A cette période, l’Etat s’est engagé à subventionner à 100% les intérêts des crédits au premier logement consentis à ses cadres et agents. Il supportait 20% du capital qui était plafonné à 3.600.000 FBu (3.600 USD à l’époque). C’est à ce moment qu’il a mis fin à sa politique de loger gratuitement les fonctionnaires.

Ainsi, les maisons en location-vente furent construites à Bujumbura, notamment à Mutanga Sud, au Quartier VI de la zone Ngagara, à Gitega, à Ngozi…

Les logements furent également construits dans certains quartiers comme : Kinindo, Kabondo. Cela à l’aide des crédits subventionnés et contractés individuellement.

C’est en 1986 que ladite politique a été abandonnée avec l’entrée du pays dans le Programme d’Ajustement Structurel. L’Etat était soumis à une rigueur stricte de gestion budgétaire par les Institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale et Fonds Monétaire International).

1989, l’ère de la nouvelle politique de l’habitat

Les subventions et les bonifications d’intérêts étaient abrogées, l’Etat n’accordant plus qu’un aval à titre de garantie aux crédits immobiliers. Les délais de remboursement passaient de 15 ans à 20 ans avec comme objectif d’identifier les moyens nécessaires à une production régulière et continue de logements décents et économiques dans les centres urbains.

Certaines priorités étaient par exemple un programme annuel de 6 600 unités de logement, le refinancement par la Banque centrale des crédits immobiliers au premier logement, l’exonération des produits du premier logement des impôts directs…

Ce fut aussi le temps de la création du Fonds de Promotion de l’Habitat Urbain (FPHU). Son objet était la mobilisation de l’épargne pour financer les individus et les promoteurs immobiliers.

Pour contribuer à l’aménagement et à la construction des terrains pour les agents des secteurs public et privé à bas revenus, l’Etat a aussi créé l’ECOSAT (Encadrement des Constructions Sociales et Aménagement de Terrains).

En ce qui est du financement du logement, un fonds de logement pour le personnel enseignant a été mis en place. Cela dans le cadre d’accorder des crédits aux enseignants pour la construction des maisons d’habitation.

La politique de villagisation a aussi vu le jour. Cependant, les problèmes de logement ont souvent rencontré le défi de financement lié au taux d’imposition, au coût de construction, à la rareté des terrains, à la démographie galopante, au non accès aux crédits, au faible pouvoir d’achat…

Mise en place de l’OBUHA

Un décret présidentiel du 24 mai 2020 a mis en place l’Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (OBUHA). Ses missions sont la gestion des terres domaniales, l’évacuation des eaux usées et d’immondices ainsi que la réparation des voiries urbaines et semi-urbaines.

L’office regroupe six institutions dont la direction générale de l’urbanisme et de l’habitat, le laboratoire national du bâtiment et des travaux publics, la direction générale du bâtiment, la Régie des Services Technique Municipaux (SETEMU), l’Encadrement des Constructions Sociales et Aménagement des Terrains (ECOSAT) ainsi que la Société Immobilière Publique (SIP).

L’OBUHA est chargé de l’acquisition des espaces à bâtir auprès du ministère en charge de l’Environnement ou d’en acheter auprès des privés. Il s’occupe de la production de parcelles viabilisées et de logements sociaux, veille à la protection du lac Tanganyika et des cours d’eau traversant la ville de Bujumbura et d’autres centres urbains…

Projet de construction de logements sociaux

Dans le conseil des ministres du 2 décembre 2015, il a été fait savoir que l’Etat envisageait de démarrer un projet de construction de logements sociaux à Bujumbura et dans d’autres centres urbains sur une période de cinq ans.

Le conseil des ministres avait apprécié et soutenu ce projet, mais avait estimé nécessaire d’en évaluer tous les contours.

L’ancien ministre des infrastructures Jean Bosco Ntwenzwenimana avait précisé que l’exécution du projet aura lieu dans le cadre de la mise en œuvre d’une convention entre une société internationale dénommée « Biz Planners And Advisers Limited » et une société paraétatique burundaise dénommée « Société Immobilière Publique » (SIP).

Il avait signalé que la SIP a déjà obtenu l’aval du gouvernement burundais pour contracter un emprunt de 500 millions d’euros auprès de Biz Planners And Advisers Limited, remboursable sur 25 ans comprenant une période de grâce de 10 ans.

L’Etat a le devoir de mettre à la disposition de la SIP les terrains nécessaires pour les constructions projetées. Il pourra exonérer les droits de douane, les différents impôts et taxes sur les matériaux de construction importés ou locaux pour réduire le coût de construction de ces logements.

Constructions anarchiques

Les constructions dans les quartiers périphériques ne respectent pas parfois les normes. Des maisons en étages sont mêlées à des maisons de plein pied.

C’est facile de modifier son habitation sans autorisation des services d’urbanisme. Ces constructions ne respectant pas les règles mettent en danger des vies humaines en occasionnant des catastrophes naturelles.

Pour construire, il faut donc se référer à la loi n°1/09 du 12 août 2016 portant code de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction.

Dans la retraite gouvernementale qui a duré trois jours à partir du 21 juillet 2020, la question de l’aménagement du territoire urbain a été parmi les 12 points à l’ordre du jour.

-Le logement formel est le produit de chaînes de valeurs tant du côté de l’offre que de celui de la demande. Le caractère « formel » d’un logement renvoie généralement à une habitation qui fait l’objet d’un titre légal valable, qui est solide sur le plan de la structure et conforme aux normes locales d’aménagement et aux codes du bâtiment, et qui peut servir de garantie pour un prêt hypothécaire à long terme.   Les unités de logement formel répondant à ces critères sont le produit de la coordination entre les activités du secteur public et celles du secteur privé, concernant notamment les terrains, les infrastructures, la conception et la construction du côté de l’offre, et un ensemble correspondant d’intrants du côté de la demande en rapport avec le financement du logement.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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